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Culture - Cimaises

Énigmatique Setareh Shahbazi

Setareh Shahbazi investit l'espace de 98 Weeks Project* avec une exposition intitulée « Am Glad Things Have Changed ». L'œuvre graphique numérique de l'artiste iranienne invite à de nombreuses interprétations.

L’artiste iranienne a grandi et étudié en Allemagne où elle a appris la mise en scène et le graphisme.

Bien qu'elle avoue «aimer les couleurs», Setareh Shahbazi paraît joyeusement se complaire dans la zone grise. Quelque peu réticente à explorer verbalement les méandres de son art, elle préfère à l'évidence entretenir ce côté mystérieux, énigmatique de l'artiste conceptuelle qui laisse au bon vouloir du spectateur tout le plaisir de découvrir et d'interpréter lui-même les codes artistiques offerts à sa vue.
Quitte, parfois, à cibler dans le mille ou à se tromper carrément de case. Mais - allez, compliquons encore les choses - y'a-t-il vraiment de bonnes ou de mauvaises cases ?
Que donne à voir Setareh Shahbazi alors? Neuf éléments. En tout et pour tout. Une photographie passeport de son père jeune, magnifiée, non retouchée. Puis des dessins graphiques basés sur des photos prises par l'artiste ou des photos anciennes, tirées des archives familiales. Et, pierre angulaire de l'exposition, un grand découpage en carton de la silhouette de sa mère, visage aux traits effacés, trônant en plein milieu de la salle. Derrière, dans un coin repeint en bleu nuit, une main géante sort du mur, poing serré, d'où pendent une corde et une guirlande de lampions multicolores. La main du destin qui intervient pour tendre une corde de sauvetage, ou alors le joug d'une main qui tient des cordes de pendaison?
Les différentes lectures parfois se contrarient. Elle hausse les épaules. Non, elle ne cherche pas la mystification. Serait-ce alors une forme de pudeur? Sous l'insistance de l'interlocuteur, elle consent alors à dévoiler un pan, expliquer un «tableau». Le dessin numérique représente une fillette de 6 ou 7 ans, portant, tout près de son cœur, un chat. «C'est ma sœur. Du temps où nous vivions en Iran. Avant la révolution islamique. Je n'étais pas encore née. Je n'ai jamais eu de chat. Je n'ai pas connu ce temps.»
Bon, on avance un peu. Mais attention, on risque de se prendre le pied avec ce sac de nœuds, ou «pomme de touline», pour être plus exact en désignant cet instrument utilisé dans l'amarrage des
bateaux.
Non, Setareh n'est pas matelot. Loin de là. Elle maîtrise pourtant l'art des nœuds. Comment les faire et les défaire, les présenter ou les illustrer, en dévoiler une partie ou les garder. Mais on l'aura compris, ses nœuds à elle seraient plutôt de l'ordre de l'immatériel. De la psychologie.
Pour Mirène Arsanios, directrice de l'espace, amie et voisine de l'artiste, le travail de cette dernière est le résultat d'un processus impliquant trois éléments: «la condensation, la digestion et la recomposition. Pas nécessairement selon cet ordre-là ou en ne suivant aucun ordre préétabli».
Les clichés, l'imagination populaire, les stéréotypes culturels, la gestuelle iconique, elle les traite et les ressort sous une forme nouvelle. Une esthétique différente. Énigmatique.
Ni portrait ni empreinte, l'œuvre de Sahbazi recèle à l'évidence une quantité certaine d'anxiété comme de libération émotionnelle. Mais le doute persiste. Ici, la vérité de l'art n'est plus un reflet du réel ou sa métaphore. Il est la vision imagée et toute personnelle de l'artiste. Une phrase de Matisse nous vient alors à l'esprit: «J'ai dit à mes jeunes étudiants: vous voulez faire de la peinture? Avant tout, il vous faut vous couper la langue, parce que cette décision vous enlève le droit de vous exprimer autrement qu'avec des pinceaux.» Setareh Shahbazi sait trop bien, ne serait-ce que par sa formation (en scénographie et Media Art au Staatliche Hocheschule fur Gestaltung à Karlsruhe, en Allemagne) et son expérience, que si ce que l'artiste veut dire pouvait s'exprimer avec des mots, il serait romancier, poète ou philosophe. Et nullement artiste.

Jusqu'au 31 octobre, Mar Mikhaël, près de Tawlet, souk el-Tayeb. Adresse Web : www.98weeks.blogspot.com
Bien qu'elle avoue «aimer les couleurs», Setareh Shahbazi paraît joyeusement se complaire dans la zone grise. Quelque peu réticente à explorer verbalement les méandres de son art, elle préfère à l'évidence entretenir ce côté mystérieux, énigmatique de l'artiste conceptuelle qui laisse au bon vouloir du...
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