Le chef de l'État l'a répété, c'est « la réforme emblématique » de son mandat, la « priorité absolue » de sa deuxième moitié de quinquennat.
Le projet repousse l'âge minimal de la retraite de 60 à 62 ans d'ici à 2018, revenant sur un acquis social hérité des années Mitterrand. Il sera présenté demain à l'Assemblée nationale, en vue d'une adoption fin octobre avant un remaniement gouvernemental annoncé pour novembre. Ce jour-là, pour la troisième fois depuis le début de l'année, les syndicats, qui jugent cette réforme « injuste », ont appelé à une journée de mobilisation. Grèves et manifestations devraient toucher notamment les secteurs des transports et de la fonction publique. Ils espèrent au moins autant de manifestants que le 24 juin (entre 800 000 et 2 millions).
Une majorité de Français (70 %) approuvent cette mobilisation, tout en étant 53 % à trouver « acceptable » le report de l'âge légal à 62 ans, selon un sondage IFOP publié hier. « Les Français trouvent le projet (...) nécessaire, mais pas juste », explique Jérôme Fourquet de l'IFOP.
L'âge légal est celui à partir duquel un salarié peut prétendre à une pension à taux plein dans le système français dit par répartition, où les actifs paient les pensions des retraités. Confronté à l'augmentation du nombre des retraités, le gouvernement considère que faire travailler les Français plus longtemps, à l'instar de leurs voisins européens, est la meilleure option pour assurer des besoins de financement estimés à 70 milliards d'euros d'ici à 2030.
Pour le numéro un de la CFDT (deuxième syndicat, modéré) François Chérèque, une « très » grosse mobilisation est « la seule chance » de « faire changer » la réforme.
Le président reste inflexible sur « le fond », même si le gouvernement fera des propositions sur la pénibilité ou les carrières longues, a répondu hier son plus proche collaborateur Claude Guéant.
Pour les analystes, c'est sur cette réforme que se joue l'avenir du chef de l'État en vue de la prochaine présidentielle - après des régionales désastreuses en mars. « Cette rentrée est un moment-clé, c'est maintenant que tout se met en place pour 2012 », selon le politologue Pascal Perrineau.
Mais le climat est délétère. Depuis des mois, le gouvernement est plombé par une succession d'affaires, en particulier le scandale politico-fiscal touchant le ministre du Travail Éric Woerth, artisan de la réforme des retraites.
Ce ministre-clé du gouvernement défendra le texte fragilisé par une suspicion de conflits d'intérêts et financement politique illégal dans une affaire liée à la femme la plus riche de France, l'héritière des cosmétiques L'Oréal Liliane Bettencourt.
À force de révélations, le ministre est désormais considéré comme « totalement disqualifié » par les députés socialistes et les syndicats ne voient plus en lui un interlocuteur crédible.
Empoisonné par cette affaire, le président avait annoncé fin juillet un durcissement de sa politique sécuritaire, renouant avec un thème ayant participé à son succès en 2007. Mais en décidant le démantèlement de camps illégaux de Roms et en envisageant de déchoir de leur nationalité certains criminels d'origine étrangère, il a suscité l'indignation de la société civile, de l'opposition, des églises, et l'inquiétude à l'étranger.
Selon le dernier sondage CSA publié dimanche, seuls 32 % des Français font confiance au président, le chiffre le plus bas depuis juin 2007.