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Culture - Édition

Au Vietnam, un éditeur mise sur Tocqueville et Voltaire

Dans « De la démocratie en Amérique » du Français Alexis de Tocqueville, le terme « démocratie » passait mal au Vietnam communiste, écrit Aude Genet, de l'AFP.

Tocqueville.

Pour publier le livre, il a fallu négocier avec la censure et paraphraser le titre, devenu De la gouvernance du peuple en
Amérique.
La «Maison de la connaissance» à Hanoi s'est donné comme objectif de traduire des ouvrages-clés de la philosophie et des sciences humaines. Mais elle se heurte à un triple défi: la censure, un maigre lectorat et un creuset insuffisant de traducteurs capables de s'atteler aux classiques.
«En raison de la guerre et des problèmes légués par l'histoire, l'éducation vietnamienne, de l'enseignement général à l'enseignement universitaire, s'est passée de la quasi-totalité des valeurs universelles contenues dans les œuvres classiques», juge Chu Hao, son directeur.
«Ce qu'on pouvait apprendre se limitait à ce qui est contenu dans les manuels sur le marxisme-léninisme, poursuit-il. Aujourd'hui encore, la philosophie, surtout l'histoire de la philosophie, reste étrangère aux étudiants
vietnamiens.»
Or pour cet ancien vice-ministre des Sciences, négliger cette discipline essentielle «au développement de la personnalité de chaque individu» est «extrêmement nuisible, dans l'immédiat comme à long terme, au développement du pays».
Pour ses premiers pas il y a environ quatre ans, la maison d'édition a choisi quelques auteurs phares, «les plus connus et les plus suggestifs», indique Pham Toan, traducteur de De la démocratie en Amérique.
Parmi eux, Tocqueville donc, le philosophe britannique John Stuart-Mill, avec son De la liberté, ou encore, pour contre-balancer, l'intellectuel américain de gauche Noam Chomsky, connu pour ses critiques de la politique étrangère des États-Unis.
Ont suivi des pionniers des lumières françaises comme Rousseau et Voltaire, dont certains traducteurs disent s'être inspirés pour combattre le colonisateur français.
Une centaine d'ouvrages, économiques aussi, ont déjà été traduits.
Les œuvres ne se vendent qu'à quelque 2000 exemplaires, dit Chu Hao. Les lecteurs sont surtout «des chercheurs et hommes d'affaires», pas tellement «les étudiants ou les fonctionnaires».
Côté traducteurs, l'éditeur, lui-même âgé de 70 ans, s'appuie surtout sur les générations de sexagénaires et plus.
Les jeunes Vietnamiens, qui apprennent de moins en moins le français, comprennent souvent l'anglais, plus utile pour l'entrée sur le marché du travail.
Mais même leur maîtrise du vietnamien n'est souvent pas assez fine pour les traductions, relève Chu Hao, qui déplore aussi «leur bas niveau de connaissance générale, dû aux faiblesses de l'éducation nationale depuis des décennies».
Au Vietnam, les concepts ne sont pas enseignés, dans un système d'éducation encore très formaliste, plus tourné vers la répétition que la
réflexion.
Sortir un classique est donc compliqué. D'autant que les ouvrages sur le libéralisme ou la démocratie, comme celui de Tocqueville, secouent les vieux carcans idéologiques.
«Il y a des règles non écrites, une zone sensible que les milieux de la publication ne sont pas autorisés à franchir», confie Chu Hao.
Depuis la deuxième moitié des années 80, quand le pays s'est lancé dans une politique d'ouverture (le «Doi Moi»), cette couche sensible «a de plus en plus tendance à mincir», estime-t-il.
Mais quand la censure montre encore les dents, il «explique patiemment» l'importance «d'accepter la différence». Et défend l'idée que « n'est pas réactionnaire tout ce qui n'est pas similaire au point de vue du Parti communiste».
Pour publier le livre, il a fallu négocier avec la censure et paraphraser le titre, devenu De la gouvernance du peuple en Amérique.La «Maison de la connaissance» à Hanoi s'est donné comme objectif de traduire des ouvrages-clés de la philosophie et des sciences humaines. Mais elle se heurte à un triple défi: la censure, un...

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