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Lifestyle

La Suisse rend hommage à son « empereur horloger », Nicolas Hayek

Nicolas Hayek, véritable patriarche de l'industrie horlogère suisse, est décédé le 28 juin dernier, à 82 ans, en plein travail. Lui, qui avait « encore tellement à faire », après avoir sauvé la montre helvétique et fait résonner le tic-tac de la Swatch aux quatre coins de la planète. Retour sur la réussite extraordinaire de ce Libano-Américain débarqué en Suisse il y a plus de soixante ans.

Nicolas Hayek aimait porter plusieurs montres à ses poignets.

« Nicolas Hayek est décédé aujourd'hui, de manière inattendue, d'un arrêt du cœur alors qu'il travaillait au sein de son entreprise affectionnée. » C'est par ces mots que le Swatch Group annonce la nouvelle le 28 juin dernier. Le « Grand Timonier », comme l'appelle Walter von Kaenel, directeur général de Longines, n'est plus. Swatch Group perd son fondateur charismatique et l'industrie horlogère suisse son capitaine.
C'est tout un pays qui porte le deuil, alors que les louanges affluent de partout pour offrir un dernier hommage à celui qui a sauvé, refondé, protégé l'industrie horlogère helvétique, depuis plus de trente ans. Depuis la mise sur le marché de ces incroyables accessoires de mode que sont la Swatch et ses petites sœurs et cousines. Des tocantes uniques. Plastiques et chatoyantes. Innovantes et ludiques. Bourrée de créativité, ciselée avec un minimum de composantes et vendue à un prix imbattable, la Swatch se décline selon les humeurs et reconquiert le marché du bas et moyen de gamme, laminé par la concurrence nippone.
Un dynamisme exceptionnel qui a également permis à Nicolas Hayek de réunir, au fil des ans, une vingtaine de marques de prestige, dont il assure la résurrection et dont l'évocation seule fait rêver. Longines, Tissot, Rado, Blancpain, Breguet, Certina, parmi bien d'autres. Sans oublier l'Omega, mise au service secret de Sa Majesté, ou les chronomètres s'alignant dans les plus grandes
compétitions sportives. Au final ? Un chiffre d'affaires de cinq milliards de dollars en 2009 et quelque 24 000 employés faisant fonctionner la grande horloge Swatch.

Hommages unanimes
L'émotion est vive en Suisse. Hayek est parti pour l'éternité, à 82 ans, rattrapé par le temps qui file, alors qu'il avait « encore tellement à faire ». Ses pairs regrettent déjà ce visionnaire qui, avant tout le monde, a « imaginé les développements et le potentiel de l'horlogerie », et « laissera un incroyable vide ». Celui aussi qui a rêvé, sur le même principe de démocratisation, de la voiture de poche, la « Swatchmobile ». Devenue « Smart », sa route n'ira pourtant pas jusqu'à la version hybride, voulue par Nicolas Hayek. Mais l'aventure pourrait reprendre grâce à Belenos Clean Power, qu'il constitue en 2007 pour créer des piles à hydrogènes destinées aux voitures vertes.
Quant à la presse locale, elle relate la réussite étonnante de ce Libano-Américain d'origine, débarqué en Suisse à la fin des années quarante. Elle décrit un Nicolas Hayek, entrepreneur d'exception, charismatique, fort d'un franc-parler et d'une audace qui ont su révolutionner une industrie moribonde dans les années quatre-vingt. Il est « l'empereur horloger », le « seigneur du temps », ou encore ce « monument », auquel la présidente de la Confédération suisse, Doris Leuthard, estime « devoir beaucoup », alors qu'elle déclare : « De par son engagement et ses courageuses interventions, Nicolas Hayek a donné durant des décennies de grandes et importantes impulsions à l'ensemble de l'entreprenariat et de l'économie suisses. » Même son de cloche du côté de Hans Stöckli, le maire de Bienne, cette petite ville de 50 000 habitants où le Swatch Group est installé, qui commente presque étonné : « Je ne pensais pas que Nicolas Hayek allait mourir un jour, il était tellement actif. »

Sauveur de l'horlogerie
Pour comprendre l'extraordinaire succès de Nicolas Hayek, il est nécessaire de remonter les aiguilles du temps. Né à Beyrouth, le 19 février 1928, d'une mère libanaise et d'un père libano-américain, il étudie les mathématiques, la chimie et la physique et obtient sa licence en 1948 à l'Université de Lyon. Un an plus tard, il arrive en Suisse, pays d'origine de son épouse, Marianne, où il est momentanément amené à gérer la fonderie de son beau-père.
Il se taille une réputation solide grâce notamment à un contrat avec une fonderie de pièces pour Mercedes, qui le recommande. C'est le départ de sa formidable aventure. En 1963, il fonde à Zurich Hayek Engineering, société de conseil qui emploie deux cent cinquante spécialistes expérimentés dans un grand nombre de secteurs. Il sera sollicité pour analyser l'état de nombreuses administrations publiques ou privées.
C'est ainsi qu'il est mandaté, au début des années quatre-vingt, pour trouver un acquéreur à deux fleurons de l'industrie horlogère suisse, en pleine tourmente. La crise des années soixante-dix est en effet à son apogée, alors que la montre suisse a manqué le virage électronique, incapable de se mesurer à la montre à quartz bon marché venue du Japon et de Hong Kong. Le redimensionnement de la branche paraît dès lors inévitable.
Pourtant, convaincu que la Suisse est capable d'assurer une production à grande échelle, Nicolas Hayek s'oppose à cette « hérésie » et finit par fusionner les deux entreprises. La Société suisse de microélectronique et d'horlogerie (SMH) naît en 1983 et commercialise celle qui deviendra un objet culte vendu à près de 20 millions de pièces par an. La Swatch et son bruyant tic-tac s'imposent, malgré les sceptiques, et Nicolas Hayek peaufine, en véritable maître-horloger, la remise à l'heure des pendules helvétiques. La marque fait rapidement ses gammes et s'envole avec une kyrielle de produits dérivés, permettant à l'industrie helvétique de redorer l'un de ses plus beaux blasons et d'atteindre de nouveaux records d'exportation. La suite, on la connaît.

Un temps d'avance
Porte-drapeau de l'activité économique, Nicolas Hayek était aussi connu pour son franc-parler et redouté pour ses coups de gueule, notamment envers le monde bancaire et financier. Il critique ainsi la Banque nationale suisse et sa politique favorable à un franc fort, synonyme de ralentissement de l'industrie d'exportation. De même, il fustige certains financiers à qui il reproche des salaires surfaits, bâtis sur des profits à court terme.
Aujourd'hui, le Swatch Group, dont il confie, dès 2003, la direction à son fils Nick, pèse plus de quinze milliards de dollars de capitalisation et devrait dégager des chiffres record pour 2010. Malgré quelques difficultés en 2009, Nicolas Hayek a pourtant refusé de licencier des employés pour raisons économiques, afin de maintenir le savoir-faire accumulé.
Une philosophie et une volonté qui pointillent la vie de cet homme hors norme, véritable passionné, qui s'est battu pour préserver, non seulement en entrepreneur, mais aussi en collectionneur, le patrimoine horloger helvétique. Histoire aussi de redonner confiance à toute une branche, à toute une société en insufflant un nouvel esprit. Conquérant. En avance sur son temps.
« Nicolas Hayek est décédé aujourd'hui, de manière inattendue, d'un arrêt du cœur alors qu'il travaillait au sein de son entreprise affectionnée. » C'est par ces mots que le Swatch Group annonce la nouvelle le 28 juin dernier. Le « Grand Timonier », comme l'appelle Walter von Kaenel, directeur...

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