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Culture - Exposition

Rétrospective Nabil Nahas en ouverture du Beirut Exhibition Center

Coup de maître de Solidere qui, pour l'inauguration de son Beirut Exhibition Center*, s'offre et nous offre la première rétrospective consacrée au grand peintre « libano-new-yorkais » Nabil Nahas.

Nabil Nahas devant une de ses toiles au Beirut Exhibition Center.(Michel Sayegh)

Première impression frappante: les toiles de très grand format de Nabil Nahas habitent si harmonieusement l'espace du Beirut Exhibition Center (à la belle architecture en White Cube sur 1200 m2 de superficie signée Makram el-Kadi et Ziad Jamaleddine) qu'on croirait presque qu'il a été construit expressément pour elles.
Il est vrai que ces peintures de qualité et dimensions «muséales», qui atteignent souvent les 4m50 x 3m - dont certaines ici présentées sont, d'ailleurs, prêtées non seulement par de grands collectionneurs privés, mais également par des musées, à l'instar du Boston Museum of Fine Arts -, n'auraient pu s'accommoder d'un espace restreint. Cela expliquerait le fait que Nabil Nahas, artiste libanais installé depuis 40 ans à New York, n'ait quasiment jamais bénéficié d'une exposition individuelle à Beyrouth jusque-là.

«Énergie perpétuelle»
Intitulée «Perpetuel Energy» (Énergie perpétuelle), cette rétrospective, qui revient sur l'ensemble de la carrière de ce peintre d'envergure, est donc, en réalité, le premier vrai rendez-vous de Nabil Nahas avec ses compatriotes.
D'où la scénographie chronologique de l'accrochage élaborée par le commissaire américain Vincent Katz, qui a également signé, avec le critique américain Carter Ratcliff, le texte du catalogue.
Le parcours de l'exposition s'ouvre, en effet, par les œuvres géométriques des années soixante-dix. Une première période représentée par une série d'acryliques élaborées «dans une démarche de dématérialisation totale de la toile» et qui avaient fait partie de la toute première exposition individuelle de Nabil Nahas dans la Grande Pomme, en 1977, où, après des études à Yale, il s'était installé trois ans plus tôt.
Des compositions où géométrie euclidienne et motifs répétitifs inspirés de l'art et de la calligraphie islamiques se superposent, pour obtenir un effet de prisme de lumière. Si «le côté alchimique de la matière» n'est pas encore sa priorité du moment, son «intérêt pour le mélange optique des couleurs» perce, déjà, dans certaines pièces aux associations graphiques et chromatiques denses. «Lesquelles annonçaient déjà les toiles fractales», estime-il aujourd'hui, a posteriori. Cette multiplication de la même forme à l'infini que l'on retrouve dans la nature et qu'il développera, deux décennies plus tard, dans des toiles construites autour des étoiles de mer (voir cadre ci-joint).
La deuxième période de Nabil Nahas est introduite en 1982 par un brusque changement de cap. Un total retournement de style qui, de la précision minutieuse du «géomètre», va basculer vers une peinture plus romantique, tourmentée, chargée d'émotion. De grandes toiles dominées par une palette sombre et noire, où se dessinent à coups de pinceaux verticaux «comme guidés par une force extérieure» des architectures et des paysages abyssaux «habités» de figures et silhouettes quasi fantomatiques. Des tableaux qui coïncident avec l'une des plus sombres périodes de la guerre libanaise et qui expriment l'angoisse de l'artiste libanais vécue par images télévisées interposées.
Une période sombre qui va s'atténuer progressivement avec l'introduction, à partir de la seconde moitié des années quatre-vingt, de touches «dorées, byzantines, phéniciennes» dans des œuvres annonciatrices d'une période transitoire entre les Black Paintings, psychologiques et mystiques, et le travail alchimique des pigments et de la matière. Lequel va véritablement débuter vers la fin des années quatre-vingt, avec une série de tableaux monochromatiques inspirés des traces que laissent le flux et le reflux des vagues sur la plage. Un travail tachiste et abstrait qui ouvre sa période cosmographique caractérisée par sa recherche sur «la relation entre le micro et le macro, l'infiniment petit et l'infiniment grand».

Étoiles de mer
Ces tableaux-là, dans lesquels il «consigne», en quelque sorte, ses premières observations de la nature, seront les précurseurs d'un autre grand virage dans sa peinture introduit par une... catastrophe naturelle. Suite à un ouragan qui avait balayé, dans les années 90, les Hamptons où l'artiste avait sa maison, des milliers d'étoiles de mer se sont retrouvées échouées sur la plage. Cette vision apocalyptique lui donne l'idée d'utiliser ces animaux aquatiques dans ses tableaux.
Agglomérée sur des supports en bois et recouverte de couches multicolores d'acrylique, auxquelles Nabil Nahas ajoute parfois de la poudre de pierre ponce, l'étoile de mer devient alors l'élément central et répétitif de compositions, en relief, évoquant les fonds marins, mais aussi tout une palette de thèmes allant des sols vésuviens aux champs de genêts, ou encore aux... «moucharabiehs» de l'art islamique.
Très intéressé par la texture, la différence de densité des pigments, l'alchimie des mélanges, Nabil Nahas se met alors à cerner, de plusieurs lignes de couleurs, les formes, d'abord naturelles, puis moulées, des étoiles de mer, reproduisant ainsi la géométrie fractale des éléments naturels.

Cèdres et palmiers
Une technique picturale très personnelle qu'il continuera à développer jusqu'aujourd'hui, dans des variations en apparence plus délurées, bigarrées, mais qui explorent néanmoins, avec une belle clarté, le concept «cosmique» de l'ordre émergeant du chaos.
«Des œuvres fractales antipeinture», dans le sens ou ce sont des toiles cérébrales et très compliquées à construire, que Nabil Nahas élabore en parallèle à des peintures plus traditionnelles, très émotionnelles, inspirées des paysages méditerranéens de son enfance. Ceux du Liban et de l'Égypte, où il a passé ses dix premières années, dont il représente iconographiquement la végétation symbolique: palmiers, pins, oliviers et surtout de magnifiques et puissants cèdres.
Bien que totalement contradictoires, ces deux courants picturaux prisés par cet artiste présentent cependant une certaine complémentarité et gardent, pour un œil observateur, des relations de couleurs, de formes, de superpositions graphiques évidentes.
Toute l'œuvre de Nabil Nahas se caractérise d'ailleurs par ce renouvellement constant, cette recherche avant-gardiste d'esprit occidentalisant, ponctuée de retours vers des éléments de références à la culture, la nature et la lumière orientales qui ont baigné son enfance.
Une fusion d'influences complexes qui donne à l'art de Nabil Nahas une beauté singulière et profonde. À découvrir absolument!

* Jusqu'au 21 août, au Beirut Exhibition Center, entrée du BIEL, à gauche. Horaires d'ouverture : de 11h00 à 20h00.
Première impression frappante: les toiles de très grand format de Nabil Nahas habitent si harmonieusement l'espace du Beirut Exhibition Center (à la belle architecture en White Cube sur 1200 m2 de superficie signée Makram el-Kadi et Ziad Jamaleddine) qu'on croirait presque qu'il a été construit expressément pour elles.Il est vrai que ces peintures...

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