Toutes les couleurs du soufisme

Elle arrive, vêtue de sa couleur de prédilection, un bleu indigo, produit naturellement à partir de la culture de l'indigotier. Le visage de Noorjehan Bilgrami rayonne d'une belle sérénité, une forme de sagesse créative. Il suffit de l'écouter parler de sa passion pour les matières, de ces années de recherches pour réhabiliter l'artisanat pakistanais, l'impression manuelle des couleurs sur tissus et la fabrication naturelle et écologique du tissu lui-même, pour que le voyage débute. Pour que les images et l'image du Pakistan, véhiculées par des médias assoiffés de sensationnel, soient immédiatement balayées par un vent de douceur.
Sa présence au Liban pour quelques jours s'est faite à l'initiative de Events Production et de l'ambassadrice du Pakistan Raana Rahim, qui ont, ensemble, permis la réalisation de cette soirée aux couleurs du soufisme. « Nous avons voulu, précisent Néda Ziadé et Roula Douaidy, organiser un événement différent, avec la présence d'invités de marque, ambassadeurs et personnalités. Un spectacle qui soit entre la mode et le culturel, et qui permette de faire découvrir d'autres traditions et de mettre en commun deux civilisations à la fois proches et différentes. »

Une expérience à savourer
Sa carrière artistique et professionnelle a démarré par la peinture. « Ma curiosité d'apprendre m'a mené d'une chose à l'autre. » Lorsque Noorjehan Bilgrami découvre la richesse des tissus de son pays et les techniques d'impression manuelles, elle cherche à en connaître les matières, la fabrication, les procédés naturels. Mais surtout, elle cherche à réhabiliter l'artisanat et le travail à l'ancienne. En 1977, elle créé KOEL, du nom d'un petit oiseau « très romantique qui chante à l'approche des moussons ». Koel est à la fois une galerie et un atelier de création qui produit des tissus en coton naturel, des soieries, des vêtements pour hommes et femmes, des meubles et des accessoires de maison. La designer, installée à Karachi, a édité de nombreux ouvrages, sur ses recherches, réalisé un documentaire et organisé de nombreux événements et expositions dans le monde.
« Ma présence au Liban revêt une signification particulière. En montrant que la vie continue au Pakistan en dépit des violences, c'est un peu de l'expérience libanaise passée que je parle. Je suis surtout très intéressée par l'échange artistique et spirituel qui peut se faire entre nos deux cultures. »
Pour ce premier échange, Noorjehan Bilgrami propose un défilé de mode atypique, parfumé de soufisme. Une invitation à un voyage allant du blanc, la couleur de la pureté et de l'absolu, au noir, qui est également une couleur de lumière. Six tableaux seront ainsi présentés, « parlant d'amour et de fraternité » avec des escales de couleurs, les ocres de la terre et du sable, les verts de la nature, les indigos et turquoise du ciel et de la mer et « toutes les couleurs de notre palette. C'est un défilé de mode, certes, mais qui se fait à un niveau métaphysique, poursuit-elle. Il ne s'agit pas seulement de montrer des vêtements ou un podium de mannequins, mais aussi un style de vie, une spiritualité et une sensibilité qui n'existent pas en Occident ». Le défilé sera accompagné de la prestation magique d'un derviche tourneur habillé par Bilgrami et d'une projection de photographies signées Ameanj, au son de la flûte de Haïdar Rahman et la tabla de Jalalludin Rumi. Une belle illustration du mélange des cultures.
La collection de tissus et de vêtements de la designer sera mise en vente après le spectacle. « Ce qui me motive, conclut-elle, c'est cette nécessité de continuer, d'aller en avant, en dépit de tout, et d'être toujours positive. »

* « From the land of the Sufis », jeudi 8 avril 2010 à 18 heures, palais de l'Unesco. Entrée libre.