Avec sa scie et ses tournevis, le Dr Bai fait grandir les Chinois

« Je fais autorité dans ce domaine », clame le chirurgien orthopédique Dr Bai, qui augmente la taille de ses patients avec une technique à lui seul, dans une clinique privée, mais pas chic, en banlieue de Shanghai.
Depuis 15 ans, Bai Helong a opéré 3 000 patients de 14 à 55 ans - des Américains, des Allemands ou des Japonais -, la moitié pour des raisons strictement esthétiques. Il coupe les os du tibia et du péroné sous le genou de ceux qui souffrent psychologiquement de leur petite taille. Une semaine après, l'os commence à se reconstituer. Le patient porte une longue broche d'un alliage de nickel et titane de 500 gr sur la face interne de chaque jambe. Les vis des broches sont resserrées tous les jours pendant les quatre premiers mois afin d'étirer progressivement la jambe.
« Il faut quatre mois pour gagner entre 6 et 8 cm », explique à l'AFP le chirurgien. Ensuite, entre le 5e et 8e mois, l'os qui a poussé se renforce. Les patients commencent à marcher. « Aujourd'hui, la technique est devenue sûre », assure le Dr Bai. Avant, on coupait la jambe en trois endroits, désormais en un seul. On touchait la moelle osseuse, on enfonçait des broches sur la longueur de l'os et « il y a eu beaucoup d'accidents ». On pouvait faire pousser l'os de 1 à 1,5 millimètre par jour, ce qui était extrêmement douloureux. Le Dr Bai gagne 0,5 à 0,75 mm par jour. « On n'a pas eu un seul échec depuis 1995, et maintenant ce n'est plus douloureux », affirme-t-il.
Les candidats à ce qui peut s'apparenter à un lent et absurde supplice, avec des mois d'immobilisation et un appareillage lourd, ne sont pas forcément riches, mais doivent tout de même réunir environ 7 700 euros. Ils sont prêts à sacrifier une vie normale pendant un an, hommes et femmes à égalité. « Une personne petite va rencontrer toute sorte de difficultés, dans son mariage, sa vie familiale, son travail, dit le Dr Bai, elle se sent inférieure. J'ai même connu des gens qui voulaient se suicider. »
Dan Dan, une jolie étudiante de 25 ans, n'en était pas arrivée là avec son 1,53 m, mais annonce dans un grand sourire, quatre mois après son opération, qu'elle mesure désormais 1,59 m. « Je voulais améliorer mon image, je suis très heureuse », dit-elle, même si elle grimace quand elle marche péniblement avec ses béquilles, jeune corps disloqué, dans le couloir de la clinique du Dr Bai. « J'espère que dans un an je pourrai marcher normalement. Courir, je ne sais pas... » Aucun de ses amis ne sait pourquoi il ne la voit plus, seule sa mère est au courant. « Ça a l'air si dangereux au départ, on coupe les os, ce n'est pas très acceptable en Chine. Ce n'est pas comme se faire débrider les yeux, explique-t-elle. J'ai beaucoup hésité. » Wang Lijun n'a rien dit non plus à ses amis. Et les a tous perdus. C'était le prix à payer pour cette femme de 30 ans passée de 1,52 m à 1,60 m après son opération en 2008. « J'avais perdu toute confiance en moi », explique Wang, qui travaille à l'administration dans la clinique du Dr Bai, « ça valait la peine ». Sa démarche est un peu heurtée, mais Wang peut courir et sauter. « Presque comme avant ». Mais ça a été « long et difficile ». Et puis les broches ont laissé de vilaines cicatrices sur ses jambes. Il faudra repasser par la chirurgie esthétique.
Magicien ou apprenti sorcier, équipé de tournevis et de clés à trois têtes, qui profite de la détresse humaine ? Le Dr Bai ne fait pas l'unanimité. Le chirurgien, qui est membre de l'Association orthopédique de Chine, n'aime pas « ceux qui sont contre lui sans savoir de quoi il s'agit », comme ces responsables du ministère de la Santé qui, dit-il, recommandent un gain de taille limité à 6-8 cm.