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Lifestyle - Photographie

Kramer vs Kramer

De toutes ces guerres devenues siennes qu'il a couvert au Moyen-Orient, Jeroen Kramer a retenu, plus que les clichés d'une violence absurde, l'envie de s'en échapper définitivement. Après les Pays-Bas, la très belle exposition « Room 103 », qui démarre demain, accompagnant la sortie de son livre éponyme, résonne comme un adieu aux armes*...

La couverture de « Room 103 », le livre de Jeroen Kramer.

Derrière la porte de la chambre 103 se terrent des silences, des émotions, des images volées ou offertes, des voyages et des rencontres. Tellement de chambres 103, à chaque déplacement, une étrange coïncidence, que cette « Room 103 » est devenue le symbole de ces voyages, une deuxième peau, un autre nom, plus facile à retenir. Puis un livre et une exposition.
Derrière le regard transparent de Jeroen Kramer, prononcez (comme ça ne s'écrit pas) Iroun, une liberté récupérée, comme une porte que l'on claque à une tranche de vie où il lui a fallu assurer et assumer le choc des photos et le poids des non-dits.
Face à l'impitoyable étalage des morts, au froid calcul du nombre de blessés, ces témoignages de guerres que l'Occident s'arrache inlassablement, Kramer préfère l'inattendu et l'éclectique. À la cruelle invitation à voir, il préfère l'invitation à sentir et rêver, à travers ce qu'il appelle « des objets trouvés », moments, personnes ou sentiments. Dix ans plus tard, le photojournaliste à tendance correspondant de guerre, qui n'a jamais vraiment aimé ce métier en dépit de l'avoir parfaitement réussi, arrive au bout de son acte de contrition. Sincère, humain, il fixe une dernière fois dans cet ouvrage et l'exposition qui l'accompagne des clichés de guerre, en y mêlant ses nouvelles options artistiques : des photos abstraites, humaines, tendres ou éthérées.

Un ouvrage informel
Dès les premières pages de Room 103*, une douce intimité s'installe entre l'auteur, les sujets de ses photos et le lecteur. Jeroen Kramer y parle d'amour, d'amitié, de partage, de mort. Ses photos illustrent la palette de sentiments qui l'ont accompagné du Liban en Syrie, en Irak et en Jordanie. Il y parle avec tendresse des gens croisés, devenus des amis, des « petits portraits de la vie, de ma vie, de mes pensées », décrivant au passage, avec des textes très personnels, les mystères de l'attachant Khaled, la légèreté de Carla, l'ambivalence du fleuriste André, ou Antoine, qu'importe, et puis les larmes alcoolisées de Ammar. Il y décrit les derniers instants d'un homme, l'immortalité d'un visage et tous ces moments où il n'a jamais voulu jouer au héros, au voyeur, pas même au correspondant de guerre. Les photos choisies se glissent entre les textes, ou est-ce le contraire, dans une même ambiance de proximité et un dialogue à demi-mots, en demi-teintes.
L'impressionnante exposition au Hangar UMAM, qui démarre demain, cède toute la place aux images. Jeroen Kramer y présente une cinquantaine de clichés « complexes », avoue-t-il, de formats différents, car chaque photo, dit-il, a sa taille émotionnelle... « J'aime bien rompre avec l'idée du photographe qui voit grand, pour faire quelque chose de chaleureux.»  L'accrochage, tout comme la mise en page du livre, n'est pas arbitraire. Vis-à-vis de certains contrastes, humour, correspondances graphiques ou allusions, l'ensemble offre une série d'images de grande qualité qui arrivent, et c'est le désir de l'artiste, à toucher et faire rêver.

* « Room 103 » (éditions Noorderlicht), en vente à la librairie al-Borj et Paper Cup.
Le vernissage aura lieu demain vendredi, à partir de 18 heures, au Hangar UMAM D&R. L'exposition se poursuivra jusqu'au 2 avril.


Derrière la porte de la chambre 103 se terrent des silences, des émotions, des images volées ou offertes, des voyages et des rencontres. Tellement de chambres 103, à chaque déplacement, une étrange coïncidence, que cette « Room 103 » est devenue le symbole de ces voyages, une deuxième peau, un autre nom, plus facile à...

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