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Moyen Orient et Monde - Le point

Tournesol chez le Sphinx

- Vous ne saviez pas que la campagne électorale était ouverte en Égypte ?
- Heu...
- La preuve : comme à l'approche de chaque consultation, on arrête à tour de bras des membres de la confrérie des Frères musulmans. À la différence cette fois que la chasse a commencé plus tôt que d'habitude, en février de cette année.
La Dame grise (comprendre The New York Times, affectueusement surnommé The Grey Lady par ses aficionados à l'époque où le journal n'avait pas encore adopté la couleur dans ses pages) a levé le lièvre en ce début de semaine, en rappelant ironiquement que le mouvement créé en 1928 par Hassan el-Banna et interdit sous les régimes qui se sont succédé depuis n'en a pas moins - non, n'essayez pas de comprendre - pignon sur rue, une large assise populaire et 88 députés dans la présente Assemblée nationale.
Autre signe qui ne trompe pas : la presse a fait état de l'opération subie par le Raïs pour l'ablation de la vésicule biliaire, alors qu'auparavant, la santé du président était un sujet tabou. Dans son souci de transparence - un terme nouveau dans la phraséologie officielle -, les journaux ont été jusqu'à donner le nom de l'établissement (l'hôpital de l'université de Heidelberg, en Allemagne) où le chef de l'État avait été admis et même celui de son médecin, le Dr Markus Büchler. Pour un peu, on se prendrait à croire que les conseils prodigués par Barack Obama dans son célèbre discours du Caire n'étaient pas tombés dans l'oreille d'un sourd...
Tout cela parce que, cette fois, rien n'est comme avant, quand après avoir assumé la succession d'Anouar Sadate, Hosni Moubarak se faisait réélire sans coup férir, en 1987, 1993, 1999 et 2005. Pour peu qu'il décide de rempiler, d'ici à septembre 2011, il en sera donc à son cinquième mandat, une éventualité que même le plus ardent supporteur du Parti national démocratique ne se hasarderait pas à envisager. Et pourtant, une telle possibilité est évoquée ces temps-ci dans les sphères du régime, tant paraissent complexe la conjoncture, peu crédibles les solutions de rechange et omniprésente la férule officielle. Inutile dès lors de faire entendre la voix de la raison en rappelant qu'il aura 82 ans l'an prochain et qu'il célébrera le trentième anniversaire de sa présidence. En vingt-neuf ans de règne, le maître de l'Égypte a réussi à aborder habilement les grands thèmes relatifs à la sécurité régionale, consolider ses liens avec les États-Unis, entretenir avec Israël des rapports moins que tièdes, mais néanmoins corrects et se poser en implacable pourfendeur du fondamentalisme et du terrorisme. Obama l'avait bien compris qui, venu lui faire la leçon, a vu en lui « une force pour la stabilité et le bien du Proche-Orient ».
Tout baignait donc. Jusqu'au mois dernier, quand Mohammad el-Baradei a effectué un retour triomphal au Caire, accueilli par une poignée de partisans, quelques dizaines d'intellectuels et d'artistes du monde du cinéma et de la télévision pressés de voir en lui le leader d'une future coalition pour le changement. Lui-même, dans une interminable interview télévisée de trois heures, mettait un bémol à l'enthousiasme des siens, jugeant qu'« il ne saurait y avoir de sauveur unique, le salut devant venir du peuple égyptien tout entier ». Il ajoutait qu'il pourrait briguer la magistrature suprême seulement au cas où le scrutin serait libre et où la Constitution serait amendée afin de garantir un équilibre des pouvoirs. La riposte n'a pas tardé, venant des médias-sic qui ont fait valoir que l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique était « peut-être populaire à Genève mais pas au Caire ». Abdel Moneim Saïd, président du groupe al-Ahram, y est allé, lui aussi, de son analyse d'où il ressort que les idées du prix Nobel de la paix 2005 ne sont en rien neuves et qu'il soulève des problèmes inexistants. C'est là le signe que le problème posé par la candidature de ce Tryphon Tournesol, entré à l'âge de 67 ans dans l'arène, existe bel et bien, lui.
Sur la manière dont il pourrait être résolu, les opinions divergent. Pour les uns, il ne fait aucun doute que le successeur ne peut être que Gamal Moubarak, 46 ans, banquier de son état, récemment tombé dans le chaudron de la politique, mais qui n'appartient pas à cette caste militaire qui a donné au pays ses chefs depuis la révolution du 23 juillet 1952. D'où la solution consistant à installer aux commandes le général Omar Sleiman pour une sorte d'intérim, le temps pour le jeune Gamal de se faire les dents et pour la troupe d'accepter l'investiture d'un civil.
Facile ? Pas autant qu'on le croit en haut lieu. Car Baradei a prouvé la semaine dernière qu'il prenait au sérieux son rôle de justicier lorsqu'il a entrepris de critiquer des agents de la sécurité d'État, accusés d'avoir roué de coups un physiothérapeute, Taha Abdel Tawab, coupable, l'impudent, d'avoir voulu organiser un rallye en faveur de son héros dans la province de Fayyoum. Il lui a aussitôt promis son soutien, « ainsi qu'à tous ceux qui réclament des réformes ».
Mais que diable vient-il faire dans cette galère ?...
- Vous ne saviez pas que la campagne électorale était ouverte en Égypte ?- Heu...- La preuve : comme à l'approche de chaque consultation, on arrête à tour de bras des membres de la confrérie des Frères musulmans. À la différence cette fois que la chasse a commencé plus tôt que d'habitude, en février de...
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