Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Rencontre

La CD-Thèque, retour à la case musique

Alors que les aficionados de la CD-Thèque se désolent de la fermeture du magasin en janvier dernier, Tony Sfeir est un homme heureux. Il va pouvoir revenir à ses premières amours : la musique, tout simplement.

Tony Sfeir à la CD-Thèque Achrafieh, la veille de sa fermeture. Photo Carla Henoud

Il a été et reste un point de référence et de rencontre, un repère musical, artistique et culturel qui, rien qu'en existant, mène sa croisade de Don Quichotte contre les supermarchés d'une culture devenue, hélas, de moins en moins culturelle, et contre de nouvelles technologies qui favorisent le rapide, le gratuit, sacrifiant au passage l'industrie du disque et le plaisir d'acheter un CD ou un DVD.
En créant la CD-Thèque, puis le label Incognito, Tony Sfeir a tenté de rallier le plus grand nombre de personnes à sa cause, et sa cause est noble: communiquer sa passion pour la bonne musique, repérer et proposer les talents cachés ou naissants, emprunter les sentiers cachés. Ces chemins de traverse, qu'il a toujours privilégiés, convaincu qu'ils sont une douce promenade qui mène aux plus belles
surprises.

Le parcours d'un rebelle
«Je viens du refus du diplôme», aime à rappeler ce «déserteur», presque fièrement. En choisissant de présenter une feuille blanche au bac, il rédige déjà sa première contestation, philosophique bien sûr. «J'ai ensuite passé plus d'une année à lire, voir des films, écouter de la musique, réfléchir. Puis j'ai eu l'idée de partager tout ça avec des gens.» Le 25 août 1996, la CD-Thèque voit le jour à Ajaltoun. «Un petit
magasin situé sous ma maison», un antre où les férus peuvent trouver une véritable sélection de titres choisis, du classique au jazz, du rock au pop, du très pointu au plus accessible. Pour Tony Sfeir, le pire des clients reste celui qui entre en demandant «quelque chose de joli»... Le plus apprécié: celui, curieux et ouvert, qui se laisse emporter.
Après Kaslik en 1998, une première participation au Salon du livre et du disque francophone qui confirme sa vocation culturelle, la CD-Thèque s'installe dans un local à Achrafieh, avant de déménager en 2001 dans une boutique plus spacieuse située juste en face. Inspiré par un voyage en France où il découvre comment se consomme la culture, Sfeir revient avec la conviction de pouvoir «faire le même travail ici et pouvoir en vivre. Passer de l'artisanal, du petit disquaire du coin qui aime les gens et la musique, au plus professionnel, tout en gardant une taille humaine».
C'est dans cet espace personnalisé, à la fois amical et professionnel, où rien n'est laissé au hasard, que tout va se passer: les signatures, la location de DVD, les ventes de livres, de BD alternatives et de revues spécialisées, les lancements d'albums ou encore la création du magazine gratuit Commusication, devenu très vite le porte-parole d'une génération qui a des choses à proposer.
Mission impossible dans le monde arabe, avait-il alors pensé, mais un défi à relever dans notre pays. Le lancement d'un CD sous le label «Beyrouth Incognito» réunissant tous les jeunes groupes et artistes produits par la CD-Thèque (Blend, Soap kills, Aks'ser, Scrambled eggs, Ziad Saad), accompagné d'un concert gratuit, l'ouverture d'une nouvelle branche à Hamra en 2003, puis la création d'Incognito ont, certes, élargi les horizons mais augmenté la pression. «Nous nous sommes sentis responsables d'une scène musicale en train d'émerger.» Le label se charge de produire, publier et distribuer des artistes locaux, tous à présent confirmés. En 2005, il s'intéresse également à la nouvelle musique orientale non commerciale d'artistes syriens, jordaniens et égyptiens, à travers des albums et des concerts. «À partir de 2008, tout ce que l'on avait commencé à construire s'est mis à s'écrouler.» Le CD entame sa lente agonie dans le monde. «L'acheteur est devenu un consommateur de technologies et non plus de produits.» Hamra ferme ses portes, suivi d'Achrafieh deux tristes années plus tard.
Les adieux seront bien heureusement de courte durée, car la CD-Thèque s'installe bientôt à Mar Mikhaël. «J'arrête l'entreprenariat et je reviens à mes rêves d'enfance, explique Sfeir, comme allégé. J'arrête les grands projets et je redeviens le petit disquaire du coin qui prend le temps de découvrir et de partager la belle musique. Avec une grande table au milieu pour recevoir jusqu'à 16 personnes qui pourront échanger leurs goûts et leurs préférences musicales, ce magasin sera très subjectif et personnel, et surtout anticolonialiste...»
Il a été et reste un point de référence et de rencontre, un repère musical, artistique et culturel qui, rien qu'en existant, mène sa croisade de Don Quichotte contre les supermarchés d'une culture devenue, hélas, de moins en moins culturelle, et contre de nouvelles technologies qui favorisent le rapide, le gratuit, sacrifiant au...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut