« Au début, je n'ai pas trop osé en parler, car on me prenait pour un menteur ou un fou. Mais des collègues m'ont vu refaire le geste et tout a commencé comme cela », sourit-il, les yeux plissés dans un visage sculpté par le soleil et les embruns salés.
Ce qui a commencé, c'est un tourisme exclusif, basé sur la migration des baleines grises. Elles viennent chaque année d'Alaska et du Canada, où elles prennent des forces en se gavant de krill, accumulation de milliards de minuscules crevettes, pour s'accoupler et donner naissance à leurs baleineaux. La zone est maintenant une réserve protégée, classée au patrimoine mondial de l'Unesco, et le tourisme y est résolument écologique.
Dans le camp que Pachico gère avec son fils Jesus et toute la famille, les clients dorment dans cinq cabanes en bois, sur la plage. Six camps similaires jalonnent la lagune : douches et toilettes collectives, une grande tente pour salle à manger, des panneaux solaires et des éoliennes fournissant l'électricité.
« Nous voulons du développement durable, pas d'extension hôtelière comme les stations balnéaires », explique Pachico.
Les 200 familles de la lagune de San Ignacio, qui ne vivaient que de la pêche, accueillent aujourd'hui près de 3 000 touristes pendant la saison, sur près de 20 000 qui viennent « aux baleines » sur cette côte de la péninsule. Écotourisme sur l'océan également : 26 barques au total pour la lagune, mais pas plus de 16 à la fois sur l'eau.
Cette maîtrise du développement fait des frustrés, des pêcheurs qui voudraient eux aussi se reconvertir, mais ils doivent s'incliner devant la majorité. « Pour compenser, nous leur achetons leur poisson à un prix majoré », explique Raul, un des « turisteros ». Il souligne qu'en fin de saison, tous redeviendront pêcheurs jusqu'à l'année suivante, au retour des baleines.
Des organisations écologistes ont aidé les habitants de la lagune à faire interdire en 2000 un projet d'extension d'un immense complexe de marais salants du groupe japonais Mitsubishi. « Cette lagune est un modèle unique au monde de développement durable.
Il ne s'agissait pas seulement de protéger les baleines, mais tout un écosystème maritime et terrestre », explique Serge Dedina, directeur de l'association environnementale américano-mexicaine Wildcoast-Costasalvaje (côte sauvage).
Les baleines grises, dont on avait craint la disparition à la fin des années 90, sont sauvées, estiment les scientifiques. Leur population augmente même de 3 % par an, selon eux. « J'aimerais aller nager avec elles, mais c'est interdit », murmure Pachico sur sa barque, alors qu'une baleine d'une trentaine de tonnes s'approche, avec son baleineau qui folâtre. Elle vient vers lui, la tête à fleur d'eau. Il la caresse, puis dresse ses deux pouces en l'air avant de fermer le poing sur sa poitrine, les yeux fermés.
- Pachico, il y a longtemps que vous n'aviez pas touché une baleine ?
- Ça fait deux jours...
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