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Culture - Festival al-Bustan

Ray Chen, il faut l’écouter pour y croire

Pour la deuxième soirée au Bustan, toujours dans le sillage des couleurs italiennes, les festivaliers ont eu droit à l'éblouissante performance de Ray Chen,  un violoniste australo-taïwanais de vingt-et-un ans, absolument génie de la boîte à magie nichée au creux de l'épaule.

Dès les premières mesures, Ray Chen a ensorcelé son auditoire. Photo DR

Pour croire à ce jeu miraculeux, il faut bien entendu l'avoir écouté.
Un programme concis magnifiant la lumière, la beauté et les paysages de la « bella et dolce Italia » à travers les partitions de Frantz Schubert et Felix Mendelssohn Bartholdy servis par l'Orchestre philharmonique libanais, placé sous la vigoureuse direction de Giovanni Battista Rigon.
Schubert, pastichant l'esprit de Rossini dont le succès en Europe est immense, se taille une part léonine dans cette « à la manière de » qui, tout en affichant une ouverture Dans le style italien (il s'agit ici du D590), garde quand même pas mal d'éléments foncièrement schubertiens...
La Symphonie n 4 op 90, dite sans ambages et en toute clarté la Symphonie italienne de Mendelssohn Bartholdy, et qui conclut le concert, confirme ce projet de cerner la péninsule en un bouquet de notes. Quatre  mouvements (allegro vivace, andante con moto, con moto moderato, presto) font vivre toute la dolce vita italienne dans ses balancements, ses ondoiements, son charme, sa spontanéité.  Des accents chantants d'une tarentelle du sud de l'Italie à la Saltarello, danse napolitaine du XVIe siècle, cette proverbiale jouissance de la vie du pays de Dante est célébrée avec joie, éclat et raffinement.
Mais de toute évidence, le « clou » de cette soirée, la partie essentielle de ce concert, reste la fabuleuse présence de Ray Chen qui investit d'autorité la scène juste avant l'entracte.
Les cheveux noirs drus coupés à la manière des jeunes d'aujourd'hui, c'est-à-dire entre Néron et Necker (mais quand on a de la tignasse à vingt ans, cela ne fait pas Cicéron), sanglé dans un frac noir avec chemise blanche à papillon, le visage radieux avec cette beauté mystérieuse et indomptable que seuls les Asiatiques possèdent, Ray Chen, dès les premières mesures, ensorcelle. Lui qui est tombé à l'âge de quatre ans dans le chaudron de la musique entre les cordes d'un violon. Il aurait pu jouer n'importe quoi, faire ses gammes ou ses exercices, et on l'aurait écouté avec la même dévotion, le même ébahissement.
Mais tout à notre bonheur, Ray Chen a opté pour une partition de rêve, le Concerto pour violon n2 en mi mineur op 64, une œuvre de poids qui compte parmi les plus belles pages de la littérature du violon.
Trois mouvements (allegro molto appassionato, andante et allegro non troppo, allegro molto vivace) pour faire couler une éruption « paganinienne » tout en effluves romantiques. L'archet, sous les doigts de ce violoniste à la virtuosité incomparable, ne laisse pas de répit à l'auditeur. Morsures d'une langue bifide enflammée ou murmures des anges, arpèges colériques ou chromatismes à train d'enfer, pianissimo à fendre le cœur des pierres ou fortissimo en cris démoniaques, le violon est ici un instrument insaisissable. Et c'est un violoniste surdoué qui le maîtrise. Un violoniste qui sourie aux anges, comblé, inspiré, absorbé, en transe, quand les fils des cordes de son archet craquent. Un violoniste qui habite la musique comme la musique l'habite.
Sous les applaudissements frénétiques de l'auditoire, totalement subjugué, deux bis sont accordés. Ce qui n'est pas courant avec le public libanais toujours, hélas, pressé de quitter les lieux quand les artistes font encore la révérence sous les feux de la rampe.
En bis donc, avec la solitude nue du violon, pour garder au bras le ruban italien, le caprice n 21 de Paganini (« What else », dirait l'autre, n'est-ce pas ?), et un « andante » de Bach, qui n'est pas italien, souligne en riant ce prodigieux violoniste à qui les fées ont tout accordé dès le berceau, y compris une belle voix, de la présence, de la prestance, de l'humour et surtout du talent pour l'éternité.
Pour croire à ce jeu miraculeux, il faut bien entendu l'avoir écouté.Un programme concis magnifiant la lumière, la beauté et les paysages de la « bella et dolce Italia » à travers les partitions de Frantz Schubert et Felix Mendelssohn Bartholdy servis par l'Orchestre philharmonique libanais, placé sous la vigoureuse...

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