"Pourquoi Le Mao? Il y a pas mal d'humour. Comme la Bible, le Larousse, le Robert, c'est le seul et il n'y en pas d'autres", lance, dans un éclat de rire, M. Hudelot, lors d'un passage récent à Pékin pour présenter son livre.
"Nous avons tenté d'apporter un nouvel éclairage en terme de recherche historiographique", explique-t-il.
Cet ancien attaché culturel français à Pékin n'a pas été maoïste dans sa jeunesse, mais s'est pris de passion pour cette production iconographique délirante à laquelle a donné lieu Mao, avant même le début de son règne en 1949.
Celui qui a découvert la Chine, lors d'un voyage en train en 1964, possède lui-même une collection.
"Quand j'étais en poste à Pékin, j'ai commencé à marchander des milliers de pièces, je me suis rendu compte de leur incroyable diversité", témoigne-t-il.
Dans les 16 chapitres de son livre, Hudelot retrace l'origine de ce culte de la personnalité un an avant la Longue Marche, en 1933, avec un premier portrait public.
"La propagande était une arme et Mao savait, ô combien, l'utiliser", souligne Hudelot.
Ce culte ne cessera de prendre son ampleur, via notamment la photo, avec son apogée délirante durant la Révolution culturelle, sous l'égide de la "grande prêtresse" Jiang Qing, quatrième femme de Mao: huit oeuvres culturelles modèles pour le pays le plus peuplé de la planète, dont quatre opéras, deux ballets, un concerto et une peinture.
"Il y avait un système très hiérarchisé mis en place par la propagande et ce au plus haut niveau", relève l'auteur du "Mao", soulignant que "le paradoxe est que cette propagande a généré des oeuvres qui ne sont pas forcément des croûtes".
Des milliards de portraits sont diffusés et même les objets quotidiens sont recouverts d'effigies de Mao ou de slogans, comme ces théières et thermos montrés dans le livre. Des "lieux saints" sont institués, notamment le village natal Shaoshan (centre), le "Petit livre rouge" tient de missel et les Chinois doivent rendre hommage plusieurs fois par jour au nouveau maître.
Des héros modèles, sorte de "saints", sont mis en avant, comme Lei Feng, dont l'existence-même est remise désormais en cause par certains sinologues.
Tout manquement dans la dévotion est impitoyablement réprimé par les Gardes rouges dans cette version asiatique de l'Inquisition.
Après sa mort, les dirigeants chinois avaient tenté de populariser un slogan "Le président Mao est un homme, pas un dieu" et le régime avait décrété que son action avait été bonne à 70% et mauvaise à 30%..
Mais, contrairement à l'URSS avec Staline, la Chine a refusé d'aller plus loin.
"Le gros problème c'est qu'il n'y a jamais eu de +démaoïsation+ comme il y a eu "déstalinisation"", dit Hudelot.
Le Grand timonier a toujours rang de divinité pour nombre de Chinois.
Son portrait immense trône toujours sur la place Tiananmen de Pékin, en face de son mausolée, tel un empereur éternel. Quatre peintres se sont succédé depuis 1949 pour réaliser chaque année un nouveau portrait qui remplace le précédent à la veille du 1er octobre, fête nationale.
"Le Mao" montre également comment l'iconographie maoïste a été reprise et détournée par les artistes contemporains, d'abord en Occident, Erro et Warhol, puis, à partir de l'ouverture, leurs homologues chinois, comme les Luo Brothers.
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