Quand Rava ravit le Music Hall

Alors, qu'est-ce qui caractérise le jazz italien du son homologue US ? Élégance, maestria, fluidité ? Curiosité, ouverture, innovation ? Un peu de tout cela, sans doute. Avec Enrico Rava, les notes bleues prennent des accents chantants. Accompagné de son New Quintet, Gianluca Petrella en tête, Rava a ravi les spectateurs du Music Hall.
Le trompettiste aux cheveux plus sel que poivre et à la moustache aussi immuable que celle d'Astérix est entré dans les annales comme étant le premier musicien de jazz italien à s'être intégré à la communauté internationale de la musique improvisée. Pour cette session beyrouthine, Rava a emmené le prodige du piano Stefano Bollani, avec qui il joue volontiers en duo. Mais ce sont ses faces-à-face avec le tromboniste Petrella qui ont suscité l'enthousiasme du public, heureux témoin de ces deux tempéraments fortement trempés qui dialoguent les yeux dans les yeux, avec la musique en ligne de mire. Une musique où l'expérimentation « free » y croise la rigueur d'un jazz plus classique.
Dans la salle enveloppée de pénombre, on se laisse émouvoir par l'intensité de l'interprétation, on sourit des facéties harmoniques du trombone, on chantonne un célèbre refrain bossa de Rava... le public se laisse aller, profite et applaudit.
On apprécie également le jeu du jeune pianiste qui s'impose avec exubérance. La section rythmique est non moins solide. Cette formation assure autant dans la douceur des sérénades que dans l'impudence rythmique des mélodies les plus excitées. Rava a toujours eu pour principe d'avoir un jeu un peu fusionnel avec l'ensemble des musiciens. Dans les parties improvisées, un dialogue intense s'établit entre eux, créant une tension et une fascination certaines.
La trompette de Rava est avant tout un son. Un son que les critiques musicaux situent entre Miles et Chet, mais un son avant tout identifiable. Celui des grands. Sans doute.