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Moyen Orient et Monde - Reportage

À Jérusalem-Est, la colonisation ne faiblit pas

Les expulsions et les destructions de maisons palestiniennes vident la Ville sainte de sa population arabe.

La construction illégale devient monnaie courante à Jérusalem-Est.Marina Passos/AFP

Rassemblés devant la maison de Nasser, les manifestants, pour l'essentiel des gauchistes israéliens et des étrangers, tentent de garder leur position. Déployée en masse en ce vendredi 22 janvier, la police procède à quelques arrestations. Depuis le 2 août 2009, Nasser vit sous une tente installée... devant sa maison enguirlandée de drapeaux israéliens. Les manifestants veulent empêcher son expulsion. Le soleil se couche sur le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est. La fraîcheur s'installe peu à peu. Devant un feu de bois qui rétracte les pupilles, Nasser el-Ghawi raconte : « C'est la dixième tente que je monte en quatre mois. Les colons et la police me l'arrachent tout le temps. »
Son récit, cet imprimeur palestinien travaillant à Ramallah le débite sans hésitation. « Nous étions menacés d'expulsion depuis le début des années 1980. L'association juive Nachlat Shimon revendique ce terrain. Mais notre maison a été construite en 1956 par l'Unrwa (l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, NDLR), pour mon père qui avait été obligé de quitter l'ouest de Jérusalem en 1948 », poursuit Nasser, alors que la famille de colons passe, bambins dans les poussettes, madame coiffée d'une perruque et monsieur d'une kippa. Échange de regards noirs. Puis Nasser reprend, stoïque. Pendant 27 ans, cet homme de 47 ans à la barbe hirsute s'est battu contre les tribunaux israéliens : « Mon avocat est allé jusqu'en Turquie (référence à l'occupation par l'Empire ottoman, NDLR) pour prouver qu'aucun juif n'avait jamais vécu sur cette parcelle. Quand la Cour de justice a eu ces documents en main, on a cru être sauvés... Mais non, elle a décrété ces documents certes officiels, mais trop vieux pour être pris en compte. La Haute Cour, elle, a déclaré qu'il était trop tard. » Le verdict tombe, c'est l'expulsion. Idem pour les 43 membres de la famille Hanoun.
« C'est une décision juridique qui traite d'un différend entre deux parties civiles », se défend la municipalité de Jérusalem. Cette décision va pourtant à l'encontre de la 4e Convention internationale de Genève qui stipule que l'occupant ne peut remplacer une population par une autre.
« Les Israéliens estiment que ce quartier est le leur. Le tombeau de Shimon Ha'Tzadik serait situé non loin de là et cela leur donnerait le droit au retour ! Pourtant, rien ne prouve que ce rabbin repose là », explique Randa, une jeune voisine de Nasser. Selon une étude de l'Université d'Oxford, le tombeau pourrait être celui de Shimon Ha'Tzadik, devant lequel Alexandre le Grand se serait agenouillé, ou celui d'un marchand romain. « Cette région est très importante pour les juifs. Ces terrains appartenaient à des juifs. Nous avons le droit de retourner chez nous. Certaines régions de Jérusalem sont occupées en ce moment par les Arabes, comme Cheikh Jarrah ou Silwan », argumente le directeur d'une association de colons juifs qui souhaite garder l'anonymat.

Des centaines de maisons détruites
Peu d'alternatives s'offrent à Nasser. Construire une nouvelle habitation ? Difficile, si ce n'est impossible. La municipalité de Jérusalem délivre au compte-gouttes les permis de construire aux familles palestiniennes. Selon Maya, observatrice israélienne pour l'Icahd, le comité israélien contre les destructions de maisons, « un plan d'urbanisation est nécessaire à la construction de logements. Mais la municipalité n'en prévoit pas pour les secteurs occupés par des Palestiniens. Quand des experts ou des ONG lui en présentent, ils sont toujours refusés par le ministère de l'Intérieur. Pas de plan, pas de construction ». En 2008, une centaine de permis ont été délivrés à des familles palestiniennes sur les 13 % de Jérusalem-Est constructibles par les Palestiniens, alors que 87 résidences s'écroulaient sous les assauts des bulldozers. Selon l'OCHA oPt, le Bureau des Nations unies de la coordination des affaires humanitaires dans les territoires palestiniens occupés, il faudrait plus de 1 000 permis par an pour combler le sévère manque de logements dans cette partie de la Ville sainte.
Dans ce contexte, construire illégalement devient monnaie courante à Jérusalem-Est, surtout à Silwan, où vivent près de 30 000 Palestiniens. Depuis 1967, seule une vingtaine de permis de construire y auraient été délivrés par la municipalité. Du coup, pratiquement toutes les habitations du secteur sont menacées de destruction. En 2009, selon al-Maqdese, ONG israélo-palestinienne qui milite pour les droits des Palestiniens, 103 habitations, occupées ou non, ont été rasées, engendrant l'expulsion de 570 personnes. Selon l'OCHA oPt, depuis l'occupation - non reconnue par les Nations unies - de Jérusalem-Est en 1967, 2 000 logements ont été réduits en poussière, dont plus de 700 depuis 2000.
En parallèle, la municipalité accélère la colonisation. En janvier, quatre immeubles de 24 logements chacun ont reçu des permis de construire dans la colonie de Beit-Orot, située au pied du mont des Oliviers. Les autorités palestiniennes soulignent que la partie orientale de Jérusalem, dont ils veulent faire la capitale de leur futur État, représente plus du tiers (37 %) des implantations juives dans les territoires palestiniens. À l'heure actuelle, près de 200 000 Israéliens résident à Jérusalem-Est, presque autant que les 270 000 Palestiniens. Des chiffres qui pourraient rapidement évoluer en faveur des Israéliens, car sans logement, les Palestiniens jérusalémites ne peuvent payer de taxes d'habitation, condition essentielle au renouvellement de leur carte de « résident permanent de Jérusalem ».
L'an dernier, 4 577 Palestiniens ont perdu ce précieux papier d'identité leur donnant accès aux services de santé, sociaux et scolaires, mais aussi le droit de travailler et de circuler, plus ou moins librement, en Israël. Pour Nasser, toujours en possession de cette carte bleue, le combat continue. Vingt-quatre autres habitations, soit quelque 300 résidents de Cheikh Jarrah, sont menacées, dont huit viennent de recevoir des avis d'expulsion.
Rassemblés devant la maison de Nasser, les manifestants, pour l'essentiel des gauchistes israéliens et des étrangers, tentent de garder leur position. Déployée en masse en ce vendredi 22 janvier, la police procède à quelques arrestations. Depuis le 2 août 2009, Nasser vit sous une tente installée... devant sa maison...

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