Philippe Caland, subversif

Rebelle zen, un charme atypique et un parcours qui a toujours emprunté les sentiers peu battus, Philippe Caland s'est fait connaître, parfois malgré lui, aux États-Unis et dans l'univers du cinéma. Un cinéma différent, qu'il affectionne et revendique, qui l'a placé dans un genre « non commercial, décalé », et qui a ses aficionados et ses détracteurs. « Ma vie est une expérience permanente, bien plus enrichissante que ceux qui se mettent dans les rangs. »
Toujours en décalage horaire par rapport aux choses et aux gens, Philippe Caland arrive au rendez-vous deux heures... à l'avance ! Après s'être informé du malentendu, il attendra, calmement, un retour à la réalité. « Je me baladerai bien dans les rues de Beyrouth », dit-il tranquillement, encore nostalgique de cette ville qui l'a vu grandir jusqu'en 1975. J'ai toujours des amis qui habitent dans le coin. »
À l'heure prévue de l'entretien, le jeune homme au chapeau est assis devant son cinquième café. Un faux air de sa mère Brigitte, quelque chose dans le sourire, une nonchalance poétique, il pourrait même être un personnage de fiction. Son histoire, pétrie d'histoires, le confirme. « Je mets de l'énergie à faire une chose et c'est une autre chose qui se fait. Il n'y a rien qui soit une perte de temps... »

Scénario américain
Et pourtant, l'histoire de Philippe Caland n'a rien d'irréel, même si elle se déroule comme un scénario écrit avec beaucoup d'imagination, événements et acteurs se bousculant et dessinant la trame. Aux prémices de la guerre libanaise, il s'embarque avec frère et sœur en France. Le trio représente l'équipe nationale française en natation. Il y réside jusqu'en 1985, lorsqu'il largue les amarres pour les USA. Quand le jeune homme débarque dans la grande pomme, sur un coup de cœur pour une Eve rencontrée à Paris, c'est dans la restauration rapide qu'il va atterrir. Il ouvre une série de restaurants de poulets qui lui feront connaître la ville de l'intérieur, son âme et ses errances, « le meilleur comme le pire, la rue. L'affaire marchait, poursuit-il, mais j'ai préféré revendre. Ce n'était pas ma destinée ».
Son étoile, saisie au vol, s'appelle alors Betsy Clark. Mannequin, actrice, elle lui inspire le sujet de Boxing Helena. Il en écrira l'histoire, Jennifer Lynch, fille de David, se chargera du scénario et de la mise en scène.  C'est avec ce film culte, violent, dérangeant, dérangé diront certains, que Philippe Caland fait une entrée fracassante dans le paysage doucereux et conservateur de Hollywood. Madonna est pressentie pour le rôle, Kim Basinger, qui se désiste à quatre semaines du tournage, perd un procès qui fera beaucoup de bruit.
Ce coup de poing qui parle d'amour obsessionnel, de possession jusqu'à la mutilation, que le public a aimé ou haï, lui ouvre des portes tout en l'enfermant dans un genre. « Un piège ! dira-t-il. J'étais dans un métier que je ne connaissais pas, avec un film qui ne m'a pas complètement satisfait, mais qui a une originalité, un charme, et surtout du courage. » Il devient producteur dans un milieu où il ne trouve pas sa place avant de se tourner, déçu, vers l'écologie, en fondant « Econology », qu'il voulait réelle plate-forme activiste. Le funeste Nine eleven fait voler en éclats ses envies d'une Amérique plus verte.

Hasards
Plus funeste encore, l'incendie accidentel de sa maison le ramène à ses premières amours. « Un signe pour que je tourne une page, que je la reconstruise et que je me reconstruise. » Il plante une tente dans les cendres de sa maison et se met à l'écriture de son histoire baptisée Hollywood Buddha. Il en sera également le réalisateur, distributeur et acteur. « Je n'avais rien à perdre. Le film s'est construit petit à petit. » Re-scandale à sa sortie. L'affiche le représentant assis sur la tête sacrée de Bouddha choque jusqu'au Sri Lanka, au Cambodge et en Thaïlande où des manifestations de bonzes s'organisent. La sortie officielle est arrêtée et en fait également un film culte. « J'avais la possibilité d'être opportuniste et de profiter de tout ce bruit, j'ai décidé de ne pas le faire. » Le film circule en catimini avec, comme pour le précédent, ses adorateurs et ses détracteurs.
« Mes films sont des états d'esprit, dit-il. Ma tête est pleine d'idées et de rêves. ». Des idées que Hollywood trouve encore étranges. Si peu américaines, et donc mal comprises. Ripple Effect, sorti en 2007, avec, outre lui, Forest Whitaker, Virginia Madsen, et Minnie Driver, dans la même vaine que les précédents, est l'histoire d'un designer de mode qui traverse une crise personnelle et professionnelle et qui découvre une nouvelle spiritualité. Beaucoup d'improvisation sur le tournage, un travail personnel, une expérience de plus que Caland va clore avec The Guru and the gypsy. Un film dont la sortie, prévue en février, va accompagner celle de sa trilogie intitulée Buddha, Karma and the Gypsy.    
Au risque d'être souvent mal compris, d'avoir à se battre pour finaliser un projet, Caland poursuit son chemin. Sa participation en tant qu'acteur dans le tournage du film de Roger Avary est mise en veilleuse. Ce dernier a été arrêté après avoir provoqué un accident de voiture en état d'ivresse et causé la mort du passager qui l'accompagnait. Encore un hasard qui le mènera sans doute ailleurs. « En fin de journée, je trouve la paix, conclut-il. Même si ce sont des journées difficiles. »

Philippe Caland en quelques films :

Boxing Helena : auteur et producteur
Dead girl : producteur
Infinity : producteur exécutif
Loved : producteur (le film a obtenu le Independent Spirit Award)
The Meyersons : producteur exécutif
Hollywood Buddha (Buddha, Karma and the Gypsy : Episode I) : auteur, producteur, réalisateur, acteur
Ripple effect (Buddha, Karma and the Gypsy : Episode II) : auteur, producteur, réalisateur, acteur
The Guru and the Gypsy (Buddha, Karma and the Gypsy : Episode III) : auteur, producteur, réalisateur, acteur.