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La Chine, porte-étendard des pays en développement ? - Débat

Les droits de l’homme en Chine, un vrai casse-tête chinois

Dans certaines sociétés, l'intérêt du groupe ou de la communauté prime sur les intérêts individuels, d'où un choc culturel entre deux visons du monde.

La place Tienanmen à Beijing, en Chine. Photos Antoine Ajoury

Si un chien mord un homme, ce n'est pas une nouvelle. Mais si un homme mord un chien, c'est une nouvelle. « Ce principe journalistique n'est pas valable en Chine. Ici, les Chinois mangent volontiers de la viande de chien », explique malicieusement Éric, un jeune journaliste de l'agence Chine nouvelle Xinhua. Cette anecdote anodine porte néanmoins une signification majeure pour ceux qui veulent comprendre la Chine, un pays où la boussole des valeurs occidentales ne fonctionne plus correctement.
Siroter sa soupe en faisant du bruit serait totalement impoli dans les sociétés occidentales, alors que c'est une marque d'appréciation qu'un invité essaye de montrer à son hôte.
C'est dans cet esprit que Yao Junmei, de l'Office chinois de l'information, justifie le grand écart qui existe entre la Chine et les pays occidentaux concernant les droits de l'homme, lors d'un séminaire organisé à Beijing, pour les journalistes de pays en développement et consacré à découvrir une autre image de la République populaire de Chine.

L'universalité remise en question
« Il n'y a pas de normes unifiées. Il n'y a pas de critères universels. Il n'y a pas un système standard accepté par tous pour les droits de l'homme », martèle Yao Junmei.
En effet, le principe de l'universalité des droits de l'homme pose toujours problème dans plusieurs pays, et surtout dans plusieurs sociétés. Ainsi, dans la société chinoise, comme dans les sociétés arabes d'ailleurs, l'intérêt du groupe, de la communauté, de la nation, prime sur les intérêts individuels. Contrairement aux sociétés occidentales où l'État, les institutions sont créés pour le bien-être de l'individu et la défense de ses droits. Dans d'autres cultures, d'autres sociétés, l'individu pourrait même se sacrifier pour défendre sa communauté.
Les Chinois s'insurgent ainsi quand on leur parle de l'opinion publique mondiale ou de la communauté internationale qui critiquent leur pays. Selon eux, si on réunit la population des États-Unis et de l'Europe, elle ne dépassera pas la moitié de la population chinoise. Comment peut-on donc parler au nom d'une majorité alors que, selon les Chinois, elle n'est effectivement qu'une minorité.
Sans donc émettre un jugement de valeur, on ne peut que constater le gouffre énorme qui existe entre deux modes de vie complètement opposés.
Malgré cette divergence, Yao Junmei énumère les efforts entrepris par son gouvernement pour améliorer la situation des droits de l'homme en Chine.
Ce n'est donc qu'en 1991 que le régime chinois a publié pour la première fois un livre blanc spécialement consacré sur la situation des droits de l'homme. Auparavant, explique Mme Yao, le sujet faisait partie intégrante du programme général du gouvernement.
Lors de 15e congrès du Parti communiste en 1997, le concept des droits de l'homme fut mentionné pour la première fois. Et en 2002, l'objectif de protéger et de respecter les droits de l'homme fut introduit officiellement dans les objectifs généraux du Parti communiste lors de son 16e congrès.
Par la suite, la 3e session de planification a entamé ses travaux en 2003, proposant une disposition faisant du bien-être du peuple, le but ultime de toute action et de tout développement.

Un plan d'action
Last but not least, un plan d'action national pour les droits de l'homme a été lancé en 2009. Mme Yao affirme fièrement que la Chine est le premier grand pays à avoir un tel plan et seuls 26 autres ont déjà un plan similaire. Elle énumère ensuite les différents sujets traités par ce plan, notamment les droits civils et politiques, l'abolition de la torture et de la détention arbitraire, la liberté religieuse et enfin l'opinion politique.
Autre singularité de ce document, selon Mme Yao : le gouvernement a proposé que le plan soit préparé avec la collaboration d'ONG, de professeurs et d'étudiants universitaires.

Un long chemin à faire
Malgré cette avancée remarquable, la Chine reste aujourd'hui à la traîne, concernant les libertés politiques, individuelles et d'expression. En effet, les médias demeurent strictement encadrés par le gouvernement. Même si la presse fut à l'origine de plusieurs cas de scandale de corruption visant des dirigeants du Parti communiste, toute contestation ou opposition visant le régime politique sont interdites. Ainsi, le dissident chinois Lu Xiaobo a été récemment condamné à onze ans de prison pour avoir rédigé une charte appelant à une transition démocratique pacifique et au multipartisme. Cette lourde condamnation ne fait que montrer la volonté du pouvoir d'affirmer sa prédominance sur les affaires publiques, écartant ainsi toute concession dans ce domaine.
Par ailleurs, l'échange d'informations reste lui aussi très limité, surtout sur l'Internet. Les sites des opposants sont censurés, alors que Facebook, Twitter et Youtube sont interdits d'accès en Chine.
Mais Yao Junmei balaie d'un coup les critiques concernant les violations des droits de l'homme. Elle met par contre en évidence le développement économique de la Chine, avec la hausse du PIB et surtout la hausse du niveau de vie de la population. Elle lie le développement économique et l'éducation aux droits de l'homme.
Une situation que beaucoup de Chinois semblent apprécier. L'homme de la rue reconnaît indéniablement les changements positifs dans sa vie de tous les jours. « Mon père m'envie parfois. Il n'avait pas tout ce confort et toutes ces opportunités quand il avait mon âge », affirme Éric, qui estime également qu'en l'espace de dix ans, d'importantes réformes ont été réalisées dans son pays.
Les responsables chinois récusent en outre les critiques visant les minorités religieuses et ethniques. La liberté du culte est en effet largement répandue pour toutes les religions. La prolifération de temples bouddhistes et d'églises en est la preuve. On est bien loin des persécutions qui ont eu lieu durant la révolution culturelle. Toujours selon les responsables chinois, le conflit au Tibet ou avec le Vatican est strictement politique. Ils défendent ainsi la souveraineté nationale de leur pays, et ne combattent pas les minorités religieuses. Par ailleurs, les minorités ethniques, comme les Dong ou les Miaou jouissent parfois de droits que les Hans, l'ethnie majoritaire en Chine, n'ont pas. Ainsi, ils ont droit à deux enfants, alors que le pays est régi par la loi d'un enfant unique. « Les Miaous sont les seuls à avoir le droit à porter des armes individuelles », affirme un guide local, justifiant cette exception à une coutume locale ancestrale.
En fin de compte, la Chine s'ouvre lentement au monde. On ne peut effacer les vieilles habitudes d'un seul trait. Et le développement économique rapide de ce pays augure d'un avenir meilleur pour les Chinois à tous les niveaux. Il ne faut pas oublier que la situation actuelle des droits de l'homme est le fruit d'un long parcours plus que centenaire des populations occidentales.
Selon Éric, les réactions du gouvernement chinois contre les opposants sont intimement liées à la culture locale. « Pour nous tous, citoyens et dirigeants, la perfection et l'harmonie sont essentielles. Nos gestes, nos actions, notre musique s'en inspirent. Et toute fausse note, toute dissidence est vue comme une rupture de cette harmonie », explique ce jeune homme.

Si un chien mord un homme, ce n'est pas une nouvelle. Mais si un homme mord un chien, c'est une nouvelle. « Ce principe journalistique n'est pas valable en Chine. Ici, les Chinois mangent volontiers de la viande de chien », explique malicieusement Éric, un jeune journaliste de l'agence Chine nouvelle Xinhua. Cette anecdote anodine porte néanmoins une...