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Moyen Orient et Monde - Le billet

Les ailes du prince

Il était une fois un prince qui régnait sur un tout petit royaume. Petit et passablement hostile sur les bords. 3 855 kilomètres carrés de désert bordé par la mer. Pas de quoi se relever la nuit. Enfin si, précisément, le prince se lève la nuit, tourmenté par une question : comment faire du grand, de l'impressionnant, avec son petit royaume ? Comment placer ce désert sur la carte du monde ? Mieux, comment faire de ce désert un centre du monde ?
Le prince sait que le sous-sol de la région où est planté son royaume regorge de richesses. Mais le prince n'est pas du genre roi fainéant. S'asseoir, oisif, sur son magot, ce n'est pas son truc. Les trésors, ça s'épuise, il le sait. Et pour ne pas mourir avec l'épuisement de quelque or noir, le prince doit voir au-delà du pactole.
Le prince rêve. Il rêve que le monde entier vienne chez lui. Et il rêve d'accueillir le monde dans la plus flamboyante des hospitalités. Pour séduire ses hôtes, le prince aimerait bien construire des palais et des châteaux. Mais dans son petit royaume, il n'y a de place que pour les tours. Va pour les tours, se dit le prince. Et le prince se met à manger le ciel. Le royaume est pris d'une frénésie, alors que sortent d'une terre stérile des tours nourries d'un terreau de billets, de sueur et de sang.
Un soir, le regard posé sur son royaume devenu un champ de grues traînant leur long bras dans un ciel qui ne connaît pas les nuages, le prince observe les étoiles. Les étoiles, le prince les veut aussi. Pas toutes, juste sept. Comme un symbole du luxe et de la volupté avec lesquels ses hôtes seront accueillis chez lui. Quelque temps plus tard, une voile de béton, de métal et de verre se gonfle en bordure de son royaume.
Le prince est content. À travers le monde, l'on commence à parler de son royaume. Et l'on en parle en superlatifs. Mais le prince connaît les hommes du monde, il sait leur inconstance. Il ne doit pas s'arrêter là. Il ne doit pas flancher, il ne doit pas fléchir.
Le prince est repris d'un besoin de bâtir. Mais le prince a un souci d'espace. Lui vient alors la tentation d'une île. Le prince va manger la mer. Il demande qu'on lui dessine trois palmiers. Il en fera trois îles.
Le prince est content. Son petit royaume est un grand carrefour du monde. Son petit royaume reçoit le monde. Il sourit. Puisque le monde se retrouve chez lui, puisque le monde se trouve bien chez lui, il décide d'offrir le monde à tout ce beau monde. Le prince demande qu'on lui dessine le monde. Il en fera une île. Le monde se retrouve à la mer.
Le prince est de nouveau content, mais toujours pas contenté. Il veut plus. Il veut une autre tour. Mais pas n'importe quelle tour. Il veut une tour unique, une tour record, une tour comme un beffroi du monde.
Mais voilà que le petit royaume au carrefour du monde se voit rattrapé par les affres et les mauvaises affaires du monde. Les grues se figent, la valse des camions cesse. Le prince regarde son royaume monde. Il sent la morsure du soleil sur le bord de ses ailes.
Il était une fois un prince qui régnait sur un tout petit royaume. Petit et passablement hostile sur les bords. 3 855 kilomètres carrés de désert bordé par la mer. Pas de quoi se relever la nuit. Enfin si, précisément, le prince se lève la nuit, tourmenté par une question : comment faire du grand, de l'impressionnant,...
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