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Moyen Orient et Monde - Reportage

Vingt et un ans après le gazage de Halabja, Zimnaco « l’orphelin » retrouve sa mère

Le garçon avait été adopté et élevé en Iran par une veuve.

Fatima Hama Saleh et son fils enfin retrouvé Zimnaco.Shwan Mohammed/AFP

Zimnaco était un nourrisson quand il s'est retrouvé au milieu des cadavres à Halabja, un village kurde irakien gazé par Saddam Hussein en 1988. Après 21 ans et une vie en Iran à se croire orphelin, il vient de retrouver sa mère, qui avait aussi survécu au massacre.
Fatima Hama Saleh, aujourd'hui âgée de 50 ans, n'en revient toujours pas. À Koulkin, un petit village proche de Halabja où une fête est organisée, elle ne quitte pas son fils des yeux. « Tu ressembles à ton père et à tes frères, ta peau possède leur odeur », lui dit-elle en kurde, mais Zimnaco, qui a grandi dans la ville iranienne de Machhad et parle uniquement le farsi, a besoin d'un traducteur pour comprendre les paroles tendres de sa mère. « Tu es un cadeau de Dieu. Je ne mourrai pas dans la tristesse et l'affliction après les malheurs que j'ai vécus », ajoute-t-elle. Fatima a vu mourir son mari et quatre de ses enfants gazés avec environ 5 000 autres par l'armée de Saddam Hussein en mars 1988.
Alors que la guerre avec l'Iran tire à sa fin, les peshmergas kurdes s'emparent de ce village dans les montagnes du Kurdistan. L'armée irakienne riposte en pilonnant la localité, forçant les combattants kurdes à se replier vers les collines alentour, laissant derrière eux les femmes et les enfants. Le 16 mars en fin de matinée, des avions de chasse irakiens commencent à survoler la zone. Pendant cinq heures, ils lâchent un mélange de gaz moutarde et de neurotoxiques Tabun, Sarin et VX.
« Il était 11h00, j'étais assise chez moi », se rappelle douloureusement Fatima. « Nous nous sommes rendus aux abris. Quand nous sommes sortis, j'ai couvert mon visage avec des tissus mouillés, mais je me suis évanouie avec Zimnaco sur mes cuisses. » Elle se réveille dans un hôpital iranien de Karmanchah, près de la frontière avec l'Irak. Sans son fils. « J'ai été transportée à Téhéran et j'ai demandé autour de moi où était mon fils, mais je n'ai pas eu de réponse. »
Zimnaco, âgé de quelques mois, est traité lui aussi à Karmanchah puis placé dans un orphelinat à Machhad, dans le nord-est du pays, où il est recueilli et adopté par Koubra Hamdi Pour. Elle le nommera Ali. Veuve, Koubra est déjà mère de deux enfants. Mais elle déborde d'affection, glisse Zimnaco. « J'ai l'impression qu'elle m'aimait plus que ses propres enfants. Elle était très douce et jamais je ne me suis senti orphelin. » « Ma sœur était la seule à Machhad prête à l'adopter. Elle l'aimait vraiment et il était le préféré », se rappelle le frère de sa mère adoptive, Asfindyar Hamid Pour, venu au Kurdistan pour l'occasion.
Quand il est assez grand pour comprendre, sa mère adoptive lui dit la vérité : « Tu viens de la ville kurde de Halabja. Tu as perdu toute ta famille dans une attaque. » Il a 18 ans quand Koubra meurt dans un accident de la route. Ses demi-frères se sont mariés et ont quitté le foyer. Plus rien ne le retient en Iran et il décide de partir sur les traces de son passé. « J'ai recherché sur Internet les organisations kurdes chargées d'aider les victimes de Halabja. Je suis allé les voir et je me suis rendu en Irak avec l'aide du ministère kurde des Martyrs », explique Zimnaco. Là, des tests ADN sont effectués. Fatima, de son côté, apprend par la télévision qu'un enfant perdu de Halabja a été retrouvé. Avec quatre autres familles, elle se soumet à son tour à des tests ADN qui sont envoyés dans un laboratoire en Jordanie.
Jeudi soir, une cérémonie est organisée au mémorial des Martyrs de Halabja pour annoncer les résultats. Un responsable du tribunal des Affaires civiles se lève et annonce dans un silence de plomb : « Selon les résultats des tests ADN, Ali est le fils de Fatima Hama Saleh. » Des cris de joie éclatent dans la salle. Fatima se dresse, mais l'émotion la fait retomber de tout son poids sur sa chaise, en larmes. « Merci mon Dieu ! Tu m'a ramené mon fils Zimnaco », sanglote-t-elle. Les jambes en coton, épaulée par des proches, elle se dirige vers son fils retrouvé et le serre dans ses bras. « C'est comme si toute ma famille ressuscitait. Mon fils est de retour. »

Shwan MOHAMMED (AFP)

Zimnaco était un nourrisson quand il s'est retrouvé au milieu des cadavres à Halabja, un village kurde irakien gazé par Saddam Hussein en 1988. Après 21 ans et une vie en Iran à se croire orphelin, il vient de retrouver sa mère, qui avait aussi survécu au massacre.Fatima Hama Saleh, aujourd'hui âgée de 50 ans, n'en revient...
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