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Santé

Autisme : les cinq défis majeurs

Par le Dr Sami Richa

L'autisme ou trouble autistique se caractérise par des anomalies qualitatives de l'interaction sociale, des troubles de la communication, ainsi que par des intérêts et des activités restreints et répétitifs. Cette condition génère un handicap majeur vécu par l'enfant dès son plus jeune âge.
On estimait entre 0,2 % et 0,3 % la prévalence des troubles autistiques parmi les enfants. Des études plus récentes indiquent qu'elle a atteint un pour cent. Le tiers des cas présenterait une forme classique d'autisme. Certains attribuent l'augmentation de la prévalence à l'amélioration du diagnostic. D'autres évoquent une hausse du taux de l'incidence et l'attribuent à des facteurs de risque liés à l'environnement.
Jusqu'à une période récente, l'autisme a toujours été une maladie orpheline. La prévalence revue à la hausse depuis deux décennies a fait que, pendant de nombreuses années, les recherches sur l'étiologie et, par conséquent, les prises en charge du trouble ont intéressé peu de gens.
L'autisme présente cinq défis majeurs : le dépistage, l'annonce du diagnostic, l'information des familles, l'évolution à l'âge adulte et les structures de soins proposées.

Le dépistage
Actuellement, l'autisme est perçu comme un syndrome qui relève d'une pathologie cérébrale et ayant des effets sur le plan psychosocial. Mais cela n'a pas toujours été le cas et ne l'est toujours pas dans de nombreux pays et cercles scientifiques relativement vastes.
De plus, il s'agit d'un trouble auquel on n'a pas souvent un consensus concernant son appellation. Faisant le tour de plusieurs psychiatres appartenant à des écoles de pensées différentes, un parent peut en effet récolter plusieurs appellations pour un même trouble chez son enfant. Il sera forcément dérouté. Toute prise en charge tardera à venir et sera réductrice et dépendante du milieu dans lequel opèrent le psychiatre et son équipe psycho-éducative. C'est la raison pour laquelle il nous semble nécessaire d'homogénéiser les classifications afin de livrer une bonne information aux parents.
L'évocation du diagnostic d'autisme nécessite en fait une démarche extrêmement rigoureuse au niveau de l'argumentation et de l'évaluation de la gravité du trouble.

L'annonce du diagnostic
Elle dépend du degré d'information des parents. Certains revendiquent une réponse sans ambiguïté, qui risque de les anéantir à cause de leur vision dramatique de l'autisme. D'autres, en revanche, évitent d'avoir à entendre des réponses inquiétantes. Le rôle du médecin est, par conséquent, de savoir moduler un certain optimisme qui risque de mener au déni et empêcher l'inscription aux soins nécessaires. Dans d'autres cas, on observe un pessimisme exagéré qui aboutit à une résignation passive. Le mieux serait d'informer les parents en prenant un modèle descriptif clinique plutôt qu'un modèle nosographique théorique. Il n'en reste pas moins que l'annonce d'un autisme chez l'enfant a toujours été au centre d'une véritable polémique entre les parents réclamant un diagnostic et les psychiatres longtemps réticents à le donner.

Informer les parents
L'information du grand public et, tout particulièrement, du patient et de sa famille est devenue presque une priorité de santé publique. À titre d'exemple, en 1976, un malade sur cinq connaissait le diagnostic du cancer. Deux décennies plus tard, ce taux s'est élevé à quatre malades sur cinq.
Quand elles l'osent, les familles réclament une reconnaissance de leur fardeau, c'est-à-dire une reconnaissance du quotidien - et au quotidien - de leur insatisfaction, souffrance et de l'altération de leur qualité de vie. Plusieurs études font en effet état d'une fréquence accrue des divorces et des maladies somatiques chez les proches. Dans cette aliénation familiale, les proches ne peuvent souvent même pas prendre de vacances. Les familles demandent par ailleurs à être déculpabilisées et davantage soutenues. Elles insistent aussi sur les outils et les moyens à adopter au cas où le malade refuse de se faire soigner ou hospitaliser, ce qui est souvent le cas d'une psychose, où par définition on méconnaît les troubles dont on souffre. Enfin, elles dénoncent la stigmatisation de la maladie.

Les structures de soins
Actuellement, la prise en charge à domicile varie d'un pays à un autre. Elle dépend aussi de la demande des familles comme de l'âge des enfants. De plus en plus souvent, la prise en charge se fait sur base d'hospitalisation de jour ou de prise en charge ambulatoire associée à une intégration en milieu scolaire.
Cependant, un nombre probablement équivalent d'enfants autistes et psychotiques sont pris en charge par les établissements médico-éducatifs. Certains d'entre eux sont en internat complet ou hebdomadaire.
La plupart des auteurs s'accordent sur la nature pluridimensionnelle de la prise en charge thérapeutique institutionnelle. Celle-ci s'appuie en effet sur des moyens éducatifs et thérapeutiques diversifiés, associant la psychothérapie individuelle à des activités manuelles, éducatives et ludiques, susceptibles de fournir une médiation et un support au développement de la communication de l'enfant.
Compte tenu de l'évolution des conceptions et des pratiques, comme de la mobilisation des associations de parents, les autistes sont aujourd'hui considérés comme « éducables, socialisables et intégrables ».

L'évolution
D'une manière globale, les enfants atteints de syndromes autistiques présentent dans près de la moitié des cas un déficit profond de communication verbale, voire de communication non verbale. À l'âge adulte, seuls 15 à 20 % d'entre eux vivront de manière plus ou moins autonome, à condition de disposer d'un soutien adéquat tout au long de la vie.
En présence d'un retard intellectuel modéré ou sévère, les enfants deviennent des adultes assistés. Dans les autres cas ou en présence d'un retard intellectuel mineur, le pronostic dépend du développement du langage social à cinq ans. Mieux il est développé, plus l'adulte peut acquérir une certaine autonomie.
Les enfants qui n'ont pas de déficience intellectuelle associée peuvent, quant à eux, acquérir des connaissances scolaires, avec davantage de difficultés dans la compréhension de ce qu'ils lisent et dans le repérage des relations interpersonnelles. Ils acquièrent des habitudes, des performances pratiques dans la vie quotidienne et sont mieux adaptés aux attentes d'autrui à leur égard. Cependant, ils restent souvent gênés par des comportements obsessionnels et par une résistance aux changements.
À l'adolescence, l'évolution diffère d'un individu à un autre. Un nombre restreint d'entre eux effectuent des progrès importants. Les autres, par contre, présentent une régression sur une période prolongée, qui peut cependant être suivie d'une phase de légère amélioration jusqu'à l'âge adulte. Des éléments dépressifs peuvent accompagner cette période, mais passent souvent inaperçus entraînant des régressions.
L'insertion sociale de l'enfant et de la personne adulte ou âgée, atteinte d'un handicap ou d'une maladie qui affecte les capacités de communication, devrait constituer le paradigme même de l'aide la plus concrète apportée aux personnes les plus vulnérables, ainsi que de la lutte contre l'exclusion. L'accès aux différentes modalités de prise en charge éducative et thérapeutique associées doit se faire dans le cadre d'un véritable processus de choix libre et informé des familles. Il est illusoire de favoriser l'insertion à l'école et de créer des structures nouvelles permettant d'accompagner les enfants et les adultes si l'on n'apporte pas aux professionnels chargés de la prise en charge éducative (éducateurs, professeurs des écoles, enseignants du secondaire, ...) une réelle formation.
Enfin, il convient de noter que le problème de l'information à délivrer constitue l'un des enjeux éthiques dans la prise en charge de l'autisme au nombre desquels figurent notamment :
­- Le consentement aux soins que nous leur prodiguons, eux qui ne demandent rien, qui sont rebelles aux changements et aux nouvelles situations.
- Les problèmes de la vie quotidienne une fois qu'ils sont adolescents ou adultes, à savoir la sexualité et le mariage, ainsi que la formation professionnelle dans une société qui est souvent hostile et peu préparée à tous genres de handicap, que ce soit au Liban ou dans d'autres pays développés.
- La recherche sur ces enfants, pourtant importante pour sortir de cet imbroglio scientifique aux contours peu clairs. Qu'en est-il dès lors de leur consentement, des angoisses que nous faisons naître en eux quand on manipule ainsi leur psyché, eux qui sont si vulnérables sur ce plan ?
Toutes ces questions et tant d'autres doivent être encore éludées afin de trouver un minimum de consensus sur la prise en charge d'une maladie complexe et hétérogène qui cache encore beaucoup de ses mystères.
C'est en travaillant tous ces aspects éthiques que l'on rendra nos prises en charge plus scientifiques et surtout plus humaines.

* Le Dr Sami Richa est maître de conférences, chef du département de psychiatrie à la faculté de médecine de l'Université Saint-Joseph et docteur en bioéthique.

L'autisme ou trouble autistique se caractérise par des anomalies qualitatives de l'interaction sociale, des troubles de la communication, ainsi que par des intérêts et des activités restreints et répétitifs. Cette condition génère un handicap majeur vécu par l'enfant dès son plus jeune âge.On estimait entre...

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