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Lifestyle - Signature

Patrick Baz : un photographe qui se livre

Ni un énième livre sur l'Irak ni une simple compilation de photos, mais une œuvre personnelle, une tranche de vie que Patrick Baz, photographe de guerre, livre avec justesse et pudeur. L'auteur signe « Don't Take My Pictures, Iraqis Don't Cry » le samedi 24 octobre à 19 heures au Salon du livre, stand Tamyras.

Des clichés triés avec soin et fixés à jamais ; des images qui ne disparaîtront pas de l'esprit ; des extraits d'histoire. Et sur la page d'à côté, juxtaposés, une écriture à la main, des ratures, des mots en vrac, décalés, exprimant des sensations, des craintes et une certaine solitude.
Embarqué dans cette aventure irakienne depuis 2003, Patrick Baz, directeur du service photo de l'AFP pour le Moyen-Orient, retrace des moments de la guerre et, en filigrane, livre un peu de sa propre histoire ...

 Viser, shooter
« Je suis né sur la ligne de démarcation au Liban, dit-il  comme un signe du destin. Lorsque j'ai réalisé que je ne pouvais prendre les armes, j'ai accroché mon appareil photo en bandoulière. C'était mon arme à moi. » Autre signe du destin : son amie lui offre un jour Nam, l'album de photos de Tim Page sur la guerre du Vietnam. « Je rêvais de faire ce métier. Tout ce que je fais, c'est prendre la guerre à contre-pied, poursuit-il. Au lieu d'être en déni comme tant de Libanais, j'ai fait front. »
La Bosnie, Mogadiscio, Gaza et maintenant l'Irak : autant de visages de la guerre du Liban démultipliée, déformée et recomposée, en images et aujourd'hui en split-screen par ce photojournaliste à l'AFP qui couvre les conflits depuis près de 30 ans.
Refus de la routine ou besoin de sensations différentes ? Baz n'a pas le temps de s'arrêter pour réfléchir, expliquer. D'ailleurs, à quoi bon ? Esprit libre et indépendant, préférant la lumière naturelle à l'artificielle, les grands espaces au studio et l'inconfort aux commodités d'un bureau, le photographe voyageur quitte le Liban « sans jamais le quitter dans la tête ». Il traque, poursuit, capte l'image et tente de digérer l'injustice, les souffrances, les malheurs. En 2006, il quitte Bagdad, contourne le blocus et rentre au Liban « pour photographier à nouveau (mon) peuple qui pleure », dit-il.

Coups de gueule
Aujourd'hui, dans ce bel ouvrage dédié à ses parents et à sa fille à qui il avoue avoir menti en lui disant qu'il ne retournerait pas en Irak, Patrick Baz partage ses coups de gueule, son désarroi devant tant de haine, sa solitude d'intrus au milieu de jeunes soldats américains « avec qui j'avais parfois du mal à communiquer ».
Mais au milieu du chaos de la guerre, il parvient à garder une part d'humanité. Toujours « dans la guerre » mais pas hors la vie, Baz réinvente le quotidien à sa manière. -« Yasmeen a posé le combiné sur le piano. Elle veut me faire écouter une sonate de Chopin qu'elle travaille pour son cours. Je prie pour qu'une explosion ne vienne pas rompre le charme » (extrait page 109) - Sur ses nombreux lits de fortune, il prendra le crayon pour écrire, pour vomir sa colère et faire part de sa rage, de ses angoisses. « Je n'avais pas d'allié, pas d'ami. Je me suis confié à un bout de papier. » Tel un marin en mer ou un prisonnier dans sa cellule, il va rédiger son journal de bord. Sauf que ce journal est différent puisqu'il flirte avec la mort. « Écrire devenait un exutoire pour moi », dit le photographe qui avoue l'avoir fait pour justifier ses absences à sa fille Yasmeen.

Un style décalé
Zoom sur la dérision de la guerre et la futilité de l'homme : « En Irak, son cauchemar, c'était la poussière. Alors, sa femme lui a envoyé un aspirateur. Finalement, c'est une bombe qui l'a tué. » (extrait page 97). En page 96, on peut voir un soldat américain de dos portant un GI Joe dans sa besace.
« On n'est jamais indifférent, avoue Patrick Baz, et ce n'est pas vrai que les photographes sont protégés par leur objectif. Ils sont autant exposés que les belligérants. »
Pour Baz, les textes ne visent pas à expliquer les images, ils n'en sont que le prolongement. « Il est difficile pour un photographe de s'exprimer par écrit, reconnaît-il. Mais Tania Méhanna et toute l'équipe de Tamyras m'ont convaincu de la nécessité de publier cet ouvrage. Aujourd'hui, c'est fait. » En le disant, on a l'impression d'entendre un grand ouf, un soupir de soulagement. Et de poursuivre : « La véritable épreuve était à Bayeux quand j'ai confronté mes confrères. » Lancé en avant première le 10 octobre au prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre, Don't Take My Picture. Iraqis Don't Cry a reçu un très bon accueil de la part du public et de la presse français.
Au Salon du livre de Beyrouth, c'est le regard de ses compatriotes qui se posera sur son livre. Patrick Baz espère qu'ils y liront un grand « non » à la guerre.

Des clichés triés avec soin et fixés à jamais ; des images qui ne disparaîtront pas de l'esprit ; des extraits d'histoire. Et sur la page d'à côté, juxtaposés, une écriture à la main, des ratures, des mots en vrac, décalés, exprimant des sensations, des craintes et une certaine solitude....

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