Contrastes et harmonie
Est-ce peut-être pour cette raison que Juarez Machado a essayé d'expliquer son tango ou plutôt de cerner ses tangos par différentes postures, regards, tenues vestimentaires, coiffures et lieux de danse. Différentes « figures », mais un seul langage, celui de la peinture. Voluptueux et passionné, élégant et tout en retenue, sophistiqué mais réservé ; sur un piano, une bicyclette (car cette dernière joue un grand rôle dans la vie de l'artiste) ou une milonga (soirée dansante), le tango de Machado se déploie en une formidable et sensuelle étude du corps. Jambes ou cuisses entrelacées, ventres appuyés l'un contre l'autre, échines recourbés « cabeceos » croisés (manière d'inviter par le regard), on pourrait même apercevoir des signes morphologiques du corps humain comme les rougeurs. Toute l'explosion du désir est exprimée dans cette déclinaison de couleurs. Carmin, violacé, noir, rose ou rouge pourpre pour les femmes, les hommes en ont aussi pour leur lot. Sur fond d'arabesques également entrelacées, les musiciens, violonistes ou pianistes jouent également leur rôle. Car chez l'artiste (qui joue même l'accordéoniste dans une de ses toiles), la mise en scène des corps est aussi importante que le sujet dépeint. Ainsi, les mains frénétiques et le corps en transe, le pianiste participe à ce langage de l'amour qui explose dans ces nuances de teintes, formant parfois une harmonie sculpturale, un échafaudage de silhouettes sublimées et suspendues dans l'espace et le temps.
Véritable danse de contrastes, le tango parvient à transformer cette « chair » immatérielle, tanguant entre tension et abandon, pudeur et sensualité extrême, en une fusion de joie et de tragique, pour ne devenir que « cette pensée triste qui se danse », comme l'a dit Enrique Santos Discépolo.
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