Olivier Dubois, un drôle de « faune »…

Décidément, Olivier Dubois n'a rien d'un danseur conventionnel, ni dans les rondeurs physiques ni dans le parcours quand on s'applique et qu'on ahane entre chaussons, barre et entrechats dès l'âge de cinq ans... Il arrive à vingt-trois ans avec un bagage impressionnant de points négatifs sur le terrain de la danse, prenant de court élèves et enseignants. Avec un physique parfaitement aux antipodes des normes éthérées de ceux qui ont l'apanage de l'éloquence des corps...
Mais un désir tenace, presque obsessionnel, le hante pour être sous les spots des sunlights...Dix ans de combats acharnés pour gagner une bataille perdue d'avance pour tous ceux qui sont dans sa ligne de mire...
Travail assidu, humour, dérision, savoureux pied de nez aux normes sclérosées, courage de s'exprimer sans complexes mais avec un talent à la mesure de sa corpulence et voilà qu'Olivier Dubois, ce délicieux Billy Elliot qui n'ignore rien de ses défaillances et de ses limites, émerge du peloton et de l'anonymat.
Aujourd'hui, il occupe un créneau à part dans le cercle très élitiste de la danse contemporaine. L'audace, l'outrecuidance et la passion ont été si payantes que ce danseur hors norme s'est vu décerner un prix spécialement édité à sa mesure et stature, celui du Prix de la personnalité par le syndicat de la critique !
Si drôle, si entreprenant, si farfelu, sans perdre de vue ce que danser veut dire, Olivier Dubois capte l'attention du public et de la presse. À tel point loufoque, drôle et présent qu'il se fait virer du show de Céline Dion à Las Vegas...
Ses premiers solos ont été portés aux nues pour leur facétie, leur esprit ludique, leur drôlerie. De Peter Pan à Under Cover, en passant par Féroces et en Sourdines, toutes ses chorégraphies sont certes un clin d'œil complice aux spectateurs, mais aussi un sérieux questionnement au monde de la danse contemporaine avec ses règles rigoureusement spartiates...
Concernant son spectacle Tout l'or du monde, Olivier Dubois a ses confidences acides et provocantes : « Penser l'interprète, déconstruire puis construire à nouveau ses fondations...Tenter une réflexion sur cette course effrénée à travers le souvenir, le fantasme, l'intime creusé, exhibé, le corps ouvert, offert, profané et pourtant manier encore la dérision, préserver la distance suffisante à l'humour. J'entre en résistance. Pour Tout l'or du monde, je l'ai voulu comme une chronique d'un martyr, un précis de guerre... »
À Avignon, cet été, Olivier Dubois, à trente-cinq ans, a présenté avec beaucoup d'aplomb et de lucidité une relecture de L'après-midi d'un faune sur une musique de Claude Debussy, d'après un poème de Stéphane Mallarmé. Bien entendu, rien à voir avec la sensualité et l'animalité du fauve Nijinsky...
Pour ce spectacle, Olivier Dubois a à ses côtés un metteur en scène et un cinéaste. Les festivaliers sont épatés, non comme ils l'auraient fait avec le poulain de Diaghilev, mais de cette manière unique de s'attaquer, sans se démonter, à une œuvre mythique...Avec un esprit libre, coquin et sans nul doute provocateur et sans complexe où ne manquent ni l'humour ni l'inventivité truffée de drôlerie...
On croit entendre encore la voix d'Olivier Dubois apostropher les spectateurs à la fois médusés et pouffant de rire : «Eh quoi ? Qu'est-ce qui est ridicule ? Mon corps ou les codes de la danse ? »