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Culture - Édition

Y a-t-il quelqu’un pour sauver le monde de l’art contemporain ?

« Can one man save the art world ? », s'interroge Georges H. Rabbath dans un ouvrage éponyme qui vient de paraître chez Alarm Editions et dont la signature se tient aujourd'hui, à la galerie Agial, dans le cadre de « Beyrouth, capitale mondiale du livre ». Un buffet virtuel en 3 D est prévu également, histoire de rassasier les pupilles (plutôt que les papilles) en ce mois de jeûne ramadanien.

Pour ce qui est de la nourriture de la matière grise, c'est Georges H. Rabbath et sa coauteure Nayla Tamraz qui s'en occupent. L'ouvrage pose en effet une problématique très ambitieuse. À savoir : si un artiste, Ayman Baalbaki, peut sauver le monde de l'art. Il ne s'agit pas de considérer le jeune et très talentueux artiste comme un superhéros. Mais son œuvre est tellement dense, tellement propice aux interprétations, ses énigmes si délicieux à déchiffrer que les deux auteurs se sont adonnés à l'exercice de critique d'art avec un élan évident.
G. H. Rabbath est docteur en psychologie et maître de conférence et chercheur à la faculté des lettres et des sciences humaines à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth où il a introduit les sciences cognitives. Il s'intéresse aux relations entre les arts et les sciences dans les perspectives actuelles offertes par les sciences cognitives et des chercheurs tels que Semir Zeki et son approche « neuroesthétique ». Bien que parfaitement francophone, il a rédigé le présent ouvrage en anglais, sans doute pour atteindre un lectorat plus régional ou même international.
Il y propose une nouvelle approche critique de l'œuvre artistique. Une approche qui se situerait « entre la distance critique voulue par le modernisme et celle immersive et participative pratiquée par la néocritique postmoderniste, et ce, après le tournant théâtral de l'art qui comprend désormais le spectateur comme partie intégrante de l'œuvre », explique Georges H. Rabbath. Le jeune homme prend donc « la tangente pour proposer la voie elliptique (dans tous les sens du terme) ; une approche qui permet de faire le lien entre le théorique et le performatif, et ce, de manière naturelle ». Le lecteur est ainsi propulsé le long d'une orbite qui permet d'approcher l'œuvre d'un artiste, tout en lui laissant la liberté de s'attarder de lui-même  sur des aspects particuliers de l'œuvre en question. « Le lecteur est ainsi engagé dans une dimension performative et participative qui préserve une continuité avec le théorique, lequel, comme un fil d'Ariane, empêche une perte de repère et une relativité trop souvent rencontrées dans les textes contemporains », ajoute Rabbath.

Prendre l'histoire à rebours
Dans son essai critique, l'auteur montre que « dans une époque tardive du postmodernisme où toute référence métaphorique a été exclue dans l'art contemporain pour raison d'idéologie, Ayman Baalbaki a su combiner les schémas verticaux et horizontaux de la métaphore et de la métonymie pour établir un discours qui prend l'histoire à rebours et jette des ponts avec un temps préabrahamique où une relation avec les cieux était encore praticable et où l'horizontal n'était pas le seul plan possible pour l'exil ». Le maître de conférence à l'USJ précise qu'un tel aplatissement vertical n'aurait pu avoir lieu dans un autre contexte que celui du Liban qui, d'après l'auteur, est une entreprise de déconstruction à ciel ouvert des différentes oppositions implicitement à l'œuvre dans les discours globalisants des puissances géopolitiques de la région. Rabbath affirme en effet que des oppositions telles que est-ouest, intérieur-extérieur, pays-territoire, majorité-minorité se déconstruisent d'elles-mêmes dans ce Liban dont le fonctionnement empêche toute domination d'une partie de la population par l'autre et vide les discours totalisants de leur sens.
Si l'art permet une action signifiante, c'est, selon Rabbath, « dans la possibilité qu'il offre à traverser la limite du sens tracée par la finitude de l'existence et de renouer l'histoire naturelle à celle des hommes où l'eschatologie devient le pendant d'une rédemption, toujours déjà à l'œuvre, dans la vie des hommes et surtout dans leur mort ».
L'ouvrage comporte également un essai rédigé par Nayla Tamraz, intitulé « Ayman Baalbaki's Mythological City » (La cité mythologique d'Ayman Baalbaki). La docteur en littérature française, professeur et chef du département de lettres françaises à l'Université Saint-Joseph, spécialiste en « iconotextualité », s'intéresse également à la problématique du paysage urbain en littérature :
« La perception du paysage urbain pose des problématiques diverses dont certaines s'inscrivent dans une réflexion littéraire, écrit-elle. Ainsi, la question des rapports entre l'espace réel et l'espace imaginaire, ou encore celle des rapports entre l'espace et l'histoire interrogent et mettent en valeur la dimension
narrative du paysage en général. »
Dans l'œuvre de Baalbaki, Tamraz voit, par exemple, deux espaces parfaitement bien structurés : « Le monde rural, représenté par des motifs domestiques (mouton, coq,
matelas ...) ou par les imprimés du tissu « cretonne » qu'avaient adopté les femmes du Sud, et le monde urbain suggéré tout aussi métaphoriquement et métonymiquement par ses édifices », note-t-elle, avant d'ajouter un troisième espace, celui du fantasme.
Voilà, en somme, un ouvrage à lire, à décrypter et à relire pour une immersion totale et nouvelle dans une dialectique artistique renouvelée.
« Can one man save the art world ? », s'interroge Georges H. Rabbath dans un ouvrage éponyme qui vient de paraître chez Alarm Editions et dont la signature se tient aujourd'hui, à la galerie Agial, dans le cadre de « Beyrouth, capitale mondiale du livre ». Un buffet virtuel en 3 D est prévu également,...

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