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Liban : petits plats et cellules aérées pour prisonniers fortunés

Dans la plus grande prison du Liban, où croupissent plus de 4000 détenus, de dangereux criminels ont accès à un traitement privilégié à la faveur d'un système pénitentiaire miné par la corruption et le laxisme.

Au nord-est de Beyrouth, dans l'établissement de Roumieh, conçu pour accueillir 1 500 détenus seulement, un condamné pour terrorisme peut demander à être transféré vers une geôle plus confortable et un baron de la drogue peut faire entrer des objets interdits grâce à ses relations.

"Il y a des partis politiques, des hommes de religion - chrétiens et musulmans - des hommes d'affaires, des diplomates, des officiers et même des starlettes qui ont assez de pouvoir pour accorder des faveurs à tel ou tel prisonnier", affirme à l'AFP le criminologue Omar Nachabé, conseiller du ministre de l'Intérieur pour les affaires pénitentiaires.

"Des détenus obtiennent ainsi une durée de visite ou une promenade en plein air plus longue. On accepte aussi de les transférer vers une cellule plus propre ou située dans les étages supérieurs, plus aérés", explique l'expert qui a passé trois mois à Roumieh et est l'auteur d'un ouvrage sur l'état des prisons au Liban (2008).

Dans un établissement qui rassemble à lui seul 65% des détenus dans le pays, ce favoritisme reflète la déliquescence du système pénitentiaire libanais, illustrée par la tentative avortée d'évasion de huit détenus islamistes la semaine dernière.

Ces prisonniers appartenaient au Fateh el-Islam, un groupuscule radical sunnite qui a affronté l'armée pendant plus de trois mois en 2007 dans le camp de réfugiés de Nahr el-Bared (nord).

"Les détenus du Fateh el-Islam bénéficient d'un traitement de faveur", confie à l'AFP sous le couvert de l'anonymat un membre des services de sécurité travaillant au sein de la prison.

"Des autorités religieuses interviennent constamment en leur faveur et il nous est interdit de leur reprocher quoi que ce soit", explique-t-il.

"Avec le début du ramadan, ils reçoivent des repas de l'extérieur. Ils choisissent parfois leurs cellules et fixent leur heure de promenade", poursuit le sous-officier.

Il révèle surtout qu'"après l'opération de mardi, deux téléphones portables ont été retrouvés parmi leurs affaires, sans que l'on sache comment ils ont été introduits".

L'enquête avait mis en cause la négligence du personnel et le ministre de l'Intérieur a prévenu qu'en cas de complicité, les fautifs seraient sévèrement punis.

Le laxisme s'explique surtout par le manque d'effectifs au sein des prisons.

"L'immeuble d'où ont tenté de s'enfuir les détenus comprend huit gardiens pour 920 prisonniers", s'insurge le sous-officier. "Je travaille 16 heures au quotidien et quatre jours à la suite pour un salaire de misère."

Ceux qui se trouvent en bas de l'échelle sont les plus grandes victimes de la loi du plus fort et du laisser-aller.

"Les riches achètent des privilèges et les pauvres deviennent plus démunis qu'ils ne l'étaient avant", affirme le prêtre Hadi Aya, fondateur de l'Association justice et miséricorde (AJEM) qui offre des services gratuits aux détenus.

La vie est particulièrement pénible pour les étrangers. Blanca, une Srilankaise de 35 ans plaide la cause de sa compatriote Rupie, 28 ans, détenue dans la prison de Tripoli (nord) pour n'avoir pas renouvelé ses papiers à temps.

"On ne lui donnait même pas de nourriture. Je lui apportais chaque jour un plat", explique-t-elle.

"Entrer en prison au Liban équivaut à la peine de mort, quel que soit le délit commis. Il n'y a pas un minimum de justice et de dignité humaine", lâche père Aya.


Au nord-est de Beyrouth, dans l'établissement de Roumieh, conçu pour accueillir 1 500 détenus seulement, un condamné pour terrorisme peut demander à être transféré vers une geôle plus confortable et un baron de la drogue peut faire entrer des objets interdits grâce à ses relations.
"Il y a des partis politiques,...