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Culture - Performance

Le mystérieux triangle de Beyrouth

L'association culturelle Zoukak et le collectif Lotos (Londres-New York) mettent Beyrouth non pas en boîte, mais plutôt dans un triangle presque parfait avec une performance interactive intitulée « Triangulated City ».
De drôles de rumeurs circulent depuis quelques jours en ville. Elles sont liées à un e-mail envoyé de manière assez intensive. Comme le téléphone arabe, la nouvelle s'est propagée ainsi, d'une boîte électronique à l'autre. L'information, une invitation à un événement artistique, formulée dans un anglais très recherché, donne à peu près ceci en français : la compagnie de théâtre et association culturelle Zoukak présente, en collaboration avec le collectif Lotos, une performance artistique interactive intitulée Triangulated City (Ville triangulaire) se tenant dans trois endroits en simultané, le temps de trois soirées consécutives, dont la dernière aura lieu ce soir. Rendez-vous à 18h30 précises sur le parking du Long Beach à Manara ou au Baromètre Pub (en face de l'hôpital Khoury) Hamra ou encore sur l'intersection de Furn el-Chebback et Sami el-Solh.
« Il s'agit d'un événement artistique qui explore la manière dont se déploient les superstitions et les rumeurs dans la ville », ajoute encore le communiqué, histoire de corser le mystère. Faut-il prendre au sérieux cette annonce signée par Junaid Sarieddine, membre fondateur de Zoukak et artiste confirmé ayant une prédilection pour les performances artistiques qui pulvérisent les frontières entre les représentations formelles artistiques et dont l'œuvre se situe généralement aux frontières de la réalité et de la fiction ?
Les fameuses légendes urbaines dont on entend beaucoup parler dernièrement, surtout avec la popularisation de l'Internet, sont un sujet que l'on aurait tort de prendre à la légère. En effet, elles peuvent - ça s'est déjà vu - provoquer des vents de panique, lancer des guerres ou initier des révolutions. Et, une fois l'agitation oubliée, une fois la rumeur démentie, il en reste toujours un petit quelque chose, un «y'a pas de fumée sans feu », qui peut durablement causer du tort à des personnes, des institutions, des villes, des peuples... Et ce d'autant plus facilement qu'effectivement il n'y a généralement pas de fumée sans feu et que ces rumeurs ont un fond de vérité.
Mesurant la puissance de ces légendes, à la base desquelles on trouve généralement des rumeurs devenues à leur tour superstitions, une équipe d'artistes a voulu aller plus loin et s'est posée la vraie question : à qui profite le crime ? Qui tire les ficelles ? Il leur a fallu une enquête des plus rigoureuses pour mettre à mal l'hypothèse généralement admise de la « génération spontanée ». Ces jeunes, appartenant à l'association culturelle Zoukak, ont même fait appel à l'expertise de jeunes Londoniens du collectif Lotos. Ensemble, après deux semaines de palabres et de brainstorming, ils sont arrivés à trois happenings artistiques qui se déroulent sur trois soirées dans trois endroits différents. Mais attention, les performances ne se tiennent pas aux adresses susmentionnées. Celles-ci sont des points de rencontre. Une fois le groupe de spectateurs participants constitué, un indice sera révélé à propos d'autres endroits où l'on est libre de se rendre ou pas. L'aventure peut alors commencer. Un parcours visuel, olfactif, auditif a été préparé par les artistes pour emmener les participants (car ils ne sont plus de simples spectateurs passifs) dans un périple à travers divers lieux emblématiques de Beyrouth. Il faudra résoudre des énigmes, décrypter des codes, faire le rapport entre rumeurs et vérités, entre réalité et fiction. « Chaque site correspond à un des trois éléments structurels de la superstition : croyance, rituel et présage », indique Roberto Sanchez-Camus, directeur artistique du collectif Lotos.
« Nous avons construit les performances à travers les histoires, les souvenirs, les légendes urbaines nées sur chaque site, ajoute l'artiste d'origine chilienne mais établi à Londres et à New York. Triangulated City explore le mouvement géographique et géopolitique de la narration dans les rues de Beyrouth. »
Les trois lieux de rendez-vous ont-ils été choisis par hasard ? L'on dit que si on relie par des traits les trois points sur une carte géographique de Beyrouth, on obtient un triangle parfait. Est-ce vrai ou est-ce encore une de vos rumeurs ? Junaid Sarieddine sourit. Mystérieux jusqu'au bout. Il ne souhaite rien dévoiler de la performance. L'on saura, par bribes, qu'ils appliquent là, justement, une des caractéristiques des légendes urbaines selon laquelle la vérité qu'elles prétendent dévoiler se trouve toujours sciemment dissimulée : on nous cache tout, on ne nous dit rien. Cet élément est très important dans le système de propagation des rumeurs : même sans les croire tout à fait soi-même, on ne peut se retenir de les faire partager à d'autres, comme si on leur faisait des révélations inédites. Enfin, ces rumeurs sont généralement propres à plonger celui qui les entend dans un certain effroi...
« La superstition est l'art de se mettre en règle avec les coïncidences », disait Jean Cocteau. La ville triangulaire invite le spectateur à envisager Beyrouth comme une performance vivante où chaque site se transformerait en lieu de rencontre et de confrontation.
De drôles de rumeurs circulent depuis quelques jours en ville. Elles sont liées à un e-mail envoyé de manière assez intensive. Comme le téléphone arabe, la nouvelle s'est propagée ainsi, d'une boîte électronique à l'autre. L'information, une invitation à un événement artistique,...

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