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Lifestyle - Hotte d’or

Gen(d)re à part

Clara et Albert sont rentrés de leur espèce de week-end passé sur je ne sais quel lagon à s'enfiler des hectolitres de cocktails prétendument exotiques et à multiplier les galipettes et les crac-crac comme deux castors hyperhormonés. Ils étaient heureux et bronzés, et de l'aéroport, ils sont directement arrivés chez moi pour récupérer leur petite Gabriella que j'ai gentiment et généreusement gardée pendant près de 72 heures, dont la plupart au péril de ma vie. Ils m'avaient apporté un cadeau. Clara : Mamina chérie, tu comprendras très vite que c'est Albert qui a choisi cette horreur et qui m'a menacée d'un divorce si on ne l'achetait pas pour toi. Albert : Margotte chérie, j'espère que tu ne te pardonneras jamais d'avoir élevé, nourri et éduqué cette vipère en terroriste de la hype et du trendy, ma femme est devenue encore plus fanatique que toi, mais moi j'ai adoré ce cadeau, en plus on l'a payé une fortune parce qu'on t'aime à la folie ma Margotte. Soit. Nonobstant le fait que j'ai expliqué un million de fois à ce moujik, ce paysan, et sur tous les tons de la colère la plus métallique, de définitivement cesser de m'appeler Margotte, j'ai souri. Tendrement. J'ai ouvert le paquet, enveloppé d'un monstrueux papier en strass violet et noué quatorze fois par un ruban en velours rouge : c'était une bouteille de liqueur de noix de coco, en forme de fesses, habillée d'un string léopard serti de vrais diamants. Une insulte pour n'importe quelle paire d'yeux, même celle d'un aveugle souffrant de polyconjonctivites. J'ai pris sur moi, serré mes petits poings et dit merci d'une voix apoplectique. Clara est ma fille, enfin la fille que je n'ai jamais eue, la fille de ma sœur jumelle morte il y a quelques années et qui a dû se souvenir trois ou quatre fois en 44 ans de présence sur cette Terre qu'elle en avait une, de fille : ma jumelle était bipolaire, droguée jusqu'à l'os aux anxiolytiques, alcoolique et passait 16 heures sur 24 dans les casinos de la planète. Effectivement donc, j'ai élevé Clara en it-woman ultime, capable de faire la différence, les yeux bandés, entre une robe Christian Lacroix et une autre Bottega Veneta, entre une Veuve Clicquot cuvée 2001 et une autre 1988, incollable sur James Joyce, Wagner, Leonard de Vinci, Jean Cocteau et le Japon, et qui est devenue une des plus redoutables avocates d'affaires, de Londres à New York et de Dubaï à Singapour. Et qui, parmi les mille et un héritiers en tout genre, d'Albert de Monaco à Sergey Brin, cocréateur de Google, de Brad Pitt avant envoûtement à Haji Hassanal Bolkiah Mu'izzadin Waddaulah Ibni al-Marhum Haji Omar Ali Saifuddine Sa'adul Khairi Waddien, sultan de Brunéi de son état, a choisi Albert. L'adorable Albert au cœur d'or, bébé Cadum au sourire Fluocaril, serviable comme personne, un génie en mécanique automobile, est un plouc impérial, le parangon du mauvais goût, le tsar des beaufs, fan absolu d'Arnold Shwarzenegger, de Nicolas Sarkozy, de Jerry Springer, de Johnny Hallyday et de Manchester United, bouffeur d'oignons crus et buveur de bières brunes, incapable de garder le moindre dollar en poche, collectionneur hors pair de chemises hawaïennes et de tee-shirts Nike et qui, si on le laissait choisir, irait chaque année en vacances avec le Club Med en Turquie ou en Thaïlande. Albert est un bouc. Sauf qu'il se tuerait pour ma Clara, qu'il regarde quoi qu'elle fasse comme cette huitième merveille du monde qu'elle est. Albert est irrécupérable. Sauf qu'il est pratiquement, définitivement mon gendre. Et un gendre, tout le monde le sait, parfois, mais vraiment parfois, c'est follement miam-miam.
margueritek@live.com

Clara et Albert sont rentrés de leur espèce de week-end passé sur je ne sais quel lagon à s'enfiler des hectolitres de cocktails prétendument exotiques et à multiplier les galipettes et les crac-crac comme deux castors hyperhormonés. Ils étaient heureux et bronzés, et de l'aéroport, ils sont directement...

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