Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

L’art d’Akram Zaatari pioche dans une « Terre d’éternels secrets »

« L'art peut fonctionner comme écriture d'histoire, comme étude sociale et comme espace d'exploration des territoires de guerre », soutient Akram Zaatari, photographe et vidéaste auquel la galerie Sfeir Semler consacre une sorte de panorama sur l'un de ses projet en cours, « Earth of Endless Secrets », comptant, à ce jour, quatre œuvres vidéos*.
Une grande photo (220 x 180 cm) de la reconstruction de l'autoroute arabe de Dahr el-Baïdar, prise en 2007, introduit - et conclut tout à la fois - le parcours, à la galerie Sfeir Semler, de « Earth of Endless Secrets » (Terre des secrets éternels), un assemblage d'œuvres photographiques et de vidéos signés Akram Zaatari. Une image symbole de ce projet artistique conceptuel axé sur l'exploration des différentes phases de l'invasion israélienne du Liban. Et, par là, porteur d'une réflexion sur l'idée du territoire occupé, le rôle de la résistance libanaise dans les années quatre-vingt ainsi que de la médiatisation de son discours.
Ce projet, érigé sur le questionnement suivant : « À quel point cela peut être complexe de raconter des histoires d'invasion ? », tente donc, au moyen d'histoires reconstituées par vidéo, d'étudier, d'analyser, de recontextualiser des situations de guerre. Ces histoires piochées par l'artiste, dans les différentes strates du passé de cette terre d'éternels secrets, rapportent « de manière personnelle et au moyen d'épisodes et de bribes qui s'enchevêtrent, se télescopent ou se contredisent même, d'autres visions de l'histoire contemporaine et de la mémoire collective », explique l'artiste qui est, par ailleurs, cofondateur de la Fondation arabe pour l'image.
C'est à la suite d'une projection d'une de ses vidéos, il y a quatre ans, au Musée Portikus à Francfort, qu'est née l'idée de cette exposition. Une somme lui ayant été allouée par l'établissement allemand pour l'élaboration d'un catalogue de son œuvre, Akram Zaatari a entrepris d'établir une étude sur l'ensemble des documents qu'il a collecté, notamment auprès d'anciens résistants, en travaillant sur ses films. Tout va bien à la frontière, réalisé en 1997, Aujourd'hui, réalisé en 2003, Le trou (In this House) en 2005 et Nature morte en 2008.
L'exposition, qui présente un montage d'éléments, de documents et de photos qui ont participé à l'élaboration des quatre vidéos de Zaatari - avec un complément au Beirut Art Center** - est divisée en quatre chapitres.
Le premier, relatif à la vidéo intitulée Le trou, met en scène les photographies de documents, notes et objets souvenirs de Ali Hachicho, ancien résistant devenu depuis photographe de presse, ainsi que la lettre qu'il avait enterrée dans un éclat d'obus dans le jardin d'une maison du petit village de Aïn el-Mir en quittant le front... C'est la fouille à la recherche de l'objet qui a donné lieu au film.  
Le second chapitre aborde un volet plus autobiographique, à travers les photos de Beyrouth que l'artiste avait prises en 1982, durant l'invasion israélienne, et qu'il a retravaillées dans le film Aujourd'hui. Images de guerre, accompagnées de pages photographiées des cahiers personnels de Zaatari datant de cette époque, ainsi que des images d'objets représentatifs de cette époque, comme les cassettes audio. Qui pour beaucoup sont aujourd'hui intimement liés aux souvenirs de la guerre de 1975...   
On retrouve également, un peu plus loin, un schéma explicatif d'une animation vidéo réalisée à partir de 6 photos, d'un raid aérien sur une colline face à sa maison de Saïda, prises dans un intervalle de cinq minutes.

Paysages-archives
Le troisième, consacré à Tout va bien à la frontière, s'inspire des témoignages de prisonniers séquestrés dans les centres de détention sous l'occupation israélienne, pour mettre en lumière les réseaux de communication, les codes, les représentations idéologiques et l'endoctrinement en temps de guerre.  
Enfin, le quatrième chapitre regroupe, sous le titre Nature morte, une série de paysages (de très grandes dimensions) des villages de Chebaa et Hébarrié, villages de résistants. Des images de lieux, de routes, de sentiers qui sont très importants pour l'histoire de la résistance libanaise parce qu'ils conservent, comme des fossiles ou comme des archives, les traces des pas des résistants, « ces natures mortes, parce que destinés à la mort », qui les empruntaient pour se rendre clandestinement en territoire ennemi y mener des opérations militaires...  
Mais ce ne sont là que des bribes de ce que délivrent ces images - « qui ne fonctionnent pas dans l'esthétique ou la composition, mais dans un rôle de  reproduction », précise Zaatari -  en informations inédites, issues des couches profondes intimes, subjectives, de l'histoire d'une guerre et d'une terre d'éternels secrets !  
Signalons que cette exhibition, coproduite par la galerie Sfeir Semler et le Beirut Art Center, a été présentée, en mars dernier, à Munich. Zaatari, qui a à son actif des expositions personnelles aussi bien dans des galeries à Basel ou à New York qu'aux Palais des beaux-arts à Bruxelles, a également présenté son travail dans de nombreuses expositions collectives à travers le monde, dont : le Centre Georges Pompidou, à Paris, en 2008 ;  la 52e Biennale de Venise (2007) et les Biennales de Sao Paolo et de la Corée du Sud (2006).   

*Sfeir Semler, immeuble Tannous pour les métaux, La Quarantaine.  Jusqu'au 31 octobre. Tél. : 01/566551.
** Au Beirut Art Center, Jisr el-Wati, imm. 13, rue 97, zone 66, Adlieh.  Jusqu'au 3 octobre. Tél. : 01/397018.
Une grande photo (220 x 180 cm) de la reconstruction de l'autoroute arabe de Dahr el-Baïdar, prise en 2007, introduit - et conclut tout à la fois - le parcours, à la galerie Sfeir Semler, de « Earth of Endless Secrets » (Terre des secrets éternels), un assemblage d'œuvres photographiques et de vidéos signés Akram...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut