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Culture - Festivals

Contrebasse bleue et piano salsa

Baalbeck Une programmation emballante pour une soirée axée jazz à Baalbeck. Sonorités boisées et sophistiquées avec le géant Ron Carter en première partie. Puis explosion multicolore de salsa avec Eddie Palmieri, le pianiste américain d'origine portoricaine, à qui l'on accorde la parenté du latin-jazz.

De sa participation au célèbre quintette de Miles Davis, avec Herbie Hancock et Wayne Shorter, jusqu'aux multiples récompenses - dont deux Grammy Awards - en passant par l'écriture d'une série de livres sur le jazz et à l'animation de Master Classes, Ron Carter impressionne. Il a participé à plus de 2500 albums... Autant dire que sa venue à Baalbeck, quelques années après le succès fracassant de Herbie Hancock sur le temple de Jupiter, avait tout d'un rendez-vous à ne pas manquer. Il ne reste plus au comité jazz du festival, pour boucler la trilogie, qu'à inviter sous nos cieux le fascinant Wayne Shorter...
Mais trêve de rêverie et autant le dire tout de suite : le géant à la patte de velours a donné une interprétation à la hauteur de sa réputation. C'est donc avec une classe folle et beaucoup d'élégance que le musicien américain s'est installé sur son tabouret. Grand de taille, il tient la contrebasse, la maîtrise, la manie comme si c'était la chose la plus naturelle au monde.
Solidité, finesse et grâce sont les attributs du jeu de ce maître incontesté entouré là de quatre musiciens faisant preuve d'un sens du rythme unique, incontournable. Stephen Scott, au piano, un formidable musicien imbibé de jazz et qui ne pouvait s'empêcher de balbutier des scats malheureusement hors de portée d'un micro. Guilhermo Monteiro, un Ibérique à la guitare. Payton Crossley, excellent batteur, et Rolando Morales-Matos, un malicieux et facétieux percussionniste.
Au milieu du magnifique site de ruines, le quintette irradie le public d'une énergie positive et communicative. Sur scène, les instruments sont très rapprochés, comme imbriqués. Les regards s'échangent, les sourires fusent, la section rythmique écoute et reste aux aguets des signes discrets du « patron ».
L'immense Ron Carter, très décontracté, sort de sa contrebasse, magnifiquement sonorisée, des sons des plus subtils. Sa contrebasse pleure, murmure, hurle ou se tait. Ron tord les notes en jouant sur le chevalet ou les clefs pour exprimer au mieux ses émotions. Le son de sa musique, un son boisé et sophistiqué, restera sans doute inscrit comme un grand moment de bonheur jazzistique. Ce magicien des basses fréquences, figure légendaire du jazz, est certainement un musicien accompli.
Moment particulièrement magique qui se terminera par une version des plus délirantes de My Funny Valentine.

Fiesta latino
Deuxième partie placée sous le label du latin-jazz avec une légende authentique du genre. La réputation de l'inventeur du latin-jazz, ancien percussionniste devenu pianiste, nous promettait un concert détonant. Eddie Palmieri, surnommé « Rompe Teclas » (le briseur de touches), grand ami de Tito Puente et, après la disparition du maître, l'une des dernières figures emblématiques du jazz afro-cubain, frappe en effet son piano comme s'il était un instrument de percussion. Celui qui, à New York, est surnommé « The Mad Maestro of Salsa », a ainsi convié les festivaliers baalbakiotes à une véritable fiesta latino. Pour le plus grand bonheur des nombreux amateurs du genre qui se sont régalés de mambos swingants, de cha-cha-cha sensuels, de boléros à serrer le cœur et d'enivrantes envolées de latin-jazz. En comptant, bien sûr, la participation spontanée de danseurs amateurs ou professionnels qui se sont élancés, en couple ou en groupe, suivant les directives de leurs professeurs aux carrures musclées.
Il y a quarante ans, Eddie Palmieri a révolutionné les mondes du jazz et de la musique latine puisqu'il a été le premier à mêler avec succès ces deux courants. On raconte qu'à l'âge où un garçon embrasse ses premières filles, le jeune Eddie a été renvoyé de l'orchestre où il sévissait pour avoir massacré les touches du piano en jouant avec trop de vigueur. Avec lui, on se souvient en effet que le piano est une percussion. Tout seul sur scène, il déploie son imagination créatrice dans un duel énergique avec le piano. Il mélange les sons comme un sorcier devant ses éprouvettes. Musique classique, jazz et son deviennent les ingrédients de cette alchimie latinesque. Le pianiste, qui mentionne Art Tatum, Bud Powell et Thelonious Monk comme ses maîtres, est vite rejoint par cinq acolytes. Sur scène, Brian Lynch (trompette), Yosvany Terry (saxophone), Jose Claussell (timbales), Vicente Rivero (congas) et Luques Curtis (basse).
Avec eux, il s'aventure sur les terres du jazz modal ou pratique une salsa plus classique. Le compositeur, arrangeur, producteur, chef d'orchestre a en effet, et depuis le premier jour où il a formé son orchestre, toujours expérimenté différentes formes de musique et/ou d'orchestration. Toujours à l'avant-garde, il a osé mélanger du Jean-Sébastien Bach et des tambours Bata... dans un même titre. Et c'est exactement ce que ses détracteurs lui reprochent régulièrement : est-ce qu'il pratique de la salsa ou du latin-jazz, ou bien encore de la fusion ou un mélange des deux ? Peu importe, Palmieri reste un formidable directeur musical.
Âgé de 72 ans, le « Newyoricain » conduit aujourd'hui trois formations, deux orchestres de danse et le sextette présenté à Baalbeck qui, s'il est plutôt porté sur le jazz afro-caribéen, ne manquant pas de faire se lever le public. Un répertoire typiquement palmierien de latin-jazz et salsa instrumentale où batterie, congas, basse, piano, trompette, sax et flûte se mêlent pour nous transporter dans un voyage coloré et dansant. Tout le monde en piste, « baila mi gente ». Gracias Eddie. A bailar !

Baalbeck Une programmation emballante pour une soirée axée jazz à Baalbeck. Sonorités boisées et sophistiquées avec le géant Ron Carter en première partie. Puis explosion multicolore de salsa avec Eddie Palmieri, le pianiste américain d'origine portoricaine, à qui l'on accorde la parenté du latin-jazz. De sa...

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