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CD, DVD - Un peu plus de...

De Keane à la Ardant

On s'en fout un peu de connaître, de ne pas connaître, d'apprécier, de ne pas apprécier. L'important, c'est de participer. Participer à la grand-messe des festivals (elle a raison Marguerite K. - pourquoi ne dit-on pas festivaux). Participer à une soirée au moins. « Monter » à Baalbeck, à Beiteddine. Aller à Byblos. Dès la mise en vente des billets, il faut contourner les obstacles stupides du genre : c'est trop compliqué, c'est trop loin, c'est trop tôt et faire l'effort de se dire, je ne raterai pas la Ardant dans Médée, ni Keane et encore moins Madeleine Peyroux. Il ne faut surtout pas se laisser aller à la léthargie estivale, cette fâcheuse tendance à la glande absolue en bord de mer - ou de piscine. Parce qu'une fois la décision prise, il n'y a quasiment pas de place aux regrets, bien au contraire. Aller assister à un récital, à un opéra, à une représentation, à un concert implique tout un rituel. Il faut d'abord voir qui veut venir. Savoir combien de places on va acheter. Faire la queue (au Virgin, bien sûr) 15, voire même 30 minutes. Attendre que la personne devant appelle sa femme, ses copains pour voir si samedi c'est mieux que vendredi, si le rang J n'est pas trop loin, si le prix de la place est convenable. Ensuite, choisir lequel des spectacles il ne faut pas rater. Lequel est à découvrir. Parce qu'il n'y a pas que les aficionados de théâtre qui auraient dû prendre la peine de « monter » voir Fanny Ardant. Il fallait que tout le monde y aille. Pour la magie du moment, pour son phrasé légendaire, pour la beauté de la muse de Truffaut, pour la violence et l'intensité du texte d'Euripide et la splendeur du monologue de Racine. Il le fallait... pour les yeux de Fanny Ardant. Il faut y aller. Parce qu'aller à un des festivals, c'est y aller à plusieurs. Prendre la route. Se donner rendez-vous à Dbayeh, à Hazmieh, en bas de chez soi. C'est grimper à cinq dans la voiture. Mettre de la musique. Chanter à tue-tête les chansons de Keane avant de les voir live. C'est (re)rêver en entendant Everybody's Changing. C'est papoter avec une fille, une femme, un homme qu'on ne connaît pas très bien. C'est dire combien on est content de s'y rendre. C'est emporter avec soi une petite laine, une bouteille d'eau, des Kleenex. C'est se demander où on va se garer. Si on va beaucoup marcher avant d'atteindre le site, la scène, les gradins. C'est également s'arrêter à Chtaura pour manger une « 3arouss » de labneh, faire une pause au Palmyra ou au Mir Amine avant de pénétrer dans l'arène. Aller à un festival, c'est rencontrer des gens, bavarder, demander où sont les toilettes, si elles sont propres. C'est commencer avec une vodka on ice et finir au champagne dans l'espace réservé aux sponsors. Aller à un festival, c'est profiter de l'été, de la douceur du climat. C'est contempler nos sites archéologiques, vibrer à l'heure romaine, voir d'autres paysages... Et une fois assis, parfois à côté de quelqu'un qu'on connaît, parfois pas, se laisser prendre par un morceau sous un clair de pleine lune hallucinant. Sortir un briquet pour allumer le décor ou son téléphone portable pour immortaliser l'instant. Verser une larme parce que c'est la chanson qui a bercé nos chagrins l'année dernière. Réaliser qu'on a pris de la bouteille parce que les jeunes autour de nous nous montrent que le temps passe. Réaliser qu'on est encore jeune parce qu'on a sauté une heure durant au son des riffs de guitare. Réaliser qu'on est vivant tout simplement parce qu'on sait encore vibrer, trembler, être ému jusqu'à la moelle quand les mots ou les notes se posent doucement, tendrement dans nos tympans. Aller à un festival, c'est quitter sa place, le sourire aux lèvres, en se disant qu'on a bien fait de venir. Que c'était merveilleux. Que plus jamais on ne se laissera prendre par la paresse. Que même si on n'était pas forcément bien assis, on a partagé ce moment unique avec d'autres spectateurs. Parce qu'Aznavour, une dernière fois peut-être, ça ne se rate pas. Qu'un hommage à Béjart non plus, ni notre nouvelle coqueluche nationale : Yas. Aller à un festival, c'est rentrer les yeux plein d'étoiles et d'émerveillement. C'est parler tout au long du chemin - même si la route est longue - du bonheur d'avoir été là. C'est raconter à ceux qui n'ont pas pris la peine de venir l'incroyable moment qu'on a passé hier soir. Aller à un festival, c'est aussi et surtout remercier ces gens qui sont venus jusqu'à nous, nous ensorceler avec leur musique, leurs gestes, leur jeu. Aller à un festival, c'est tout simplement être libanais. Un Libanais heureux.
On s'en fout un peu de connaître, de ne pas connaître, d'apprécier, de ne pas apprécier. L'important, c'est de participer. Participer à la grand-messe des festivals (elle a raison Marguerite K. - pourquoi ne dit-on pas festivaux). Participer à une soirée au moins. « Monter » à Baalbeck, à Beiteddine....

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