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Lifestyle - Hotte d’or

Mort…

« Dear Margot,
« Te dire que je suis dévastée ? Déchirée ? Ruinée ? Les mots sont tellement overrated. Les mots sont vains. Et stériles. En réalité, je ne suis plus. Plus rien. Plus rien qu'un immense brasier épuisé. Il est mort. Mon enfant est mort. Pourquoi ? Pour qui ? Je me moque des autopsies. Je me contrefous des rumeurs. La race humaine est une gigantesque ânerie. On a fait de mon enfant un freak show à lui tout seul, le monstre des monstres. OK : il donnait souvent avec cette folle grâce qui sera toujours la sienne le bâton pour se faire taper. OK : plus ils s'acharnaient, plus mon bébé en rajoutait. OK : il jouait au Bad. Mais moi je connaissais son petit cœur tout doux, tout mou, tout fou. Je connaissais ses peurs. Je connaissais ses grelottements. Et ses stupeurs. Ses puretés. Exilé dans un monde dont il ne comprenait rien et dans lequel on voulait littéralement l'immerger. Exilé dans son propre corps qu'il a fini par confondre avec un cachot, une alvéole en apesanteur déconnectée de tout. Exilé dans son art, cet art qu'il voulait réinventer à chaque fois, plus loin, plus haut, plus fort, plus beau, plus grand, plus tout. L'exil, ma petite Margot, et tu en sais quelque chose, l'exil de soi, l'exil en soi provoquent d'horribles, d'interminables tachycardies. Le cœur de mon enfant n'a pas tenu et le mien que je croyais néantisé, assommé depuis les départs de Montgomery Clift, de James Dean, de Rock Hudson, mon cœur m'a encore une fois joué le plus sale et le plus retors de tous les tours : mon cœur a implosé, mon cœur est mort. Et pas moi. Et je me hais.
« Dans la vie, il y a les fourrures et les bijoux. C'est vrai. Mais dans la vie, il y avait, il y a et il y aura Michael. Michael était dans la vie. Ma Margot chérie, ma petite fille, je vais te laisser. Je ne viendrais pas à Beyrouth comme tu me l'as proposé. Je ne peux pas. Mais je te demande instamment de faire des fêtes rocambolesques pour Michael. De continuer à rire comme toi seule sais le faire. D'ouvrir des balthazars entiers de Veuve Clicquot à sa mémoire : il adorait, souvent, tremper sa langue dans mes coupes en frémissant du nez, les bulles l'amusaient. Continue d'écouter ses musiques et d'adorer ses cordes vocales que tu comparais à un geyser d'Islande ou à ma Peregrina Pearl que mon Burton m'avait offerte. De danser, sur tes Manolo Blahnik rose et noir, sur Billie Jean. Continue d'obliger tes babyboys à moonwalker avant de te faire l'amour. Ne pleure pas ma petite fille. Dis à tes amis libanais que Michael aurait tellement aimé venir chanter pour eux. À Beiteddine : il avait adoré les photos du Chouf que tu m'avais envoyées. Et n'oublie pas, enfin, que comme toi, Michael Jackson n'avait qu'un mot, ou plutôt deux, à la bouche : yummy yummy. Il était la vie. Miam-miam, comme tu dis.
« Bien à toi. Ta Lizzie qui sourit et dont même la mort ne veut pas. Ne veut plus.
Elizabeth Taylor. »
« Dear Margot,« Te dire que je suis dévastée ? Déchirée ? Ruinée ? Les mots sont tellement overrated. Les mots sont vains. Et stériles. En réalité, je ne suis plus. Plus rien. Plus rien qu'un immense brasier épuisé. Il est mort. Mon enfant est mort. Pourquoi ? Pour qui ?...

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