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Lifestyle - Hotte d’or

Margot à la plage

Je n'ai jamais bien compris l'intérêt des complexes balnéaires privés. C'est dégueulasse. Et totalement antiglam. On dirait des usines. Des camps de concentration de chairs désolées. Des étals de mauvaise boucherie entre cris d'enfants laids et hurlements de pseudojet-setters gavés au mauvais champagne. L'Aphrodite en moi ne se plaît que dans des criques reculées à Saint-Martin ou à Papeete ; dans une calanque près de Cassis ; au creux de quelque île déserte perdue en pleine mer Adriatique ; sur un caillou sauvage laissé à l'abandon au large de Bali, ou alors, 365 jours par an, dans un bungalow entre Taormina et Mazzarò. Au pire, je m'autorise quelques jours dans une station ultratouristique avec un ou deux jeunes fripons, mais absolument en hors saison, entre février et mars. Sauf que j'ai été samedi dernier la très malheureuse victime d'un horrible chantage, et rien n'est pire, justement, qu'un chantage de toyboy. Il a dit : si on ne va pas tous les deux à la plage, je fais la grève. La menace, la basse et monstrueuse menace de Houssam m'a frappée comme un uppercut en plein point G. J'ai cédé, avec un regard tel que si mes yeux avaient été deux pistolets nacrés Nicolas Boutet, le sublime corps de mon Houss aurait été en lambeaux. J'ai donc cédé, mais exigé trois conditions : nous irions au Lazy B (j'aime follement cette idée de paresse), nous y resterions moins que deux heures et je ne mouillerai, au grand maximum, que quelques orteils. Comme un enfant à qui l'on a promis deux Happy Meal McDonald's, mon angelot a frappé dans ses mains, enfilé son short de bain übermoulant noir Donatella Versace et un débardeur rose des sœurs Cruz for Mango, et s'est précipité pour chauffer la Audi R8, noire aussi, que je lui ai offerte à l'occasion de nos trois semaines passées ensemble. J'ai décidé de la jouer total white : brassière en coton brodé Vénus et Judes, maxirobe en voile de coton Carole Fakiel, nœud papillon en plumes d'autruche blanches Alexis Mabille et baskets blanches Martin Margiela. J'ai jeté dans mon sac de plage Sir Peter Blake for Stella McCartney, tout ce dont j'ai besoin pour que ces deux heures ne se terminent pas en bad trip : deux coupes de champagne Bruno Evrard, les Entretiens sur le stoïcisme de Zénon de Kition en édition limitée, Othello de Shakespeare en version illustrée et le dernier Voici, trois ramequins Alessi, un frisbee en krypton Nike et une DS Nintendo pour que le petit s'amuse, une ombrelle blanche Butterfly Fairies et mon gel crème solaire Christian Dior Bronze. J'ai rappelé Houssam pour qu'il prenne un guéridon Philippe Stark et une chaise de plage customisée Christian Lacroix. Nous partîmes, nous arrivâmes et Houssam m'installa : j'étais viscontienne. J'étais Silvana Mangano. Les jeunes et bronzés maître-nageur, serveur, plagiste et moniteur de jet-ski tournoyaient autour de moi comme des abeilles : j'étais Queen Bee, je leur ai offert quelques larmes de Veuve Clicquot et mon sourire serial killer, le guéridon vacillait un peu, l'ombrelle frissonnait, un bébé crabe s'est approché de ma jambe quémandant sans doute une petite cacahuète, j'ai enlevé mes shoes, me suis approchée du rivage, Houssam est sorti de l'écume de ce jour encore plus beau que Jean Galfione, m'a embrassée comme on embrasse un mirage et m'a dit : je suis heureux, alors j'ai souri et je lui ai demandé de me faire un peu de lecture, je le surkiffe, mon H, mon oasis, mon torero, mon Tadzio, miam-miam.

margueritek@live.com
Je n'ai jamais bien compris l'intérêt des complexes balnéaires privés. C'est dégueulasse. Et totalement antiglam. On dirait des usines. Des camps de concentration de chairs désolées. Des étals de mauvaise boucherie entre cris d'enfants laids et hurlements de pseudojet-setters gavés au mauvais champagne. L'Aphrodite en moi ne...

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