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Culture - Parution

Avec Gamal Ghitany, comme si l’existence était souvenir…

Ni autobiographie ni récit, mais un fourmillant carnet de souvenirs.  Avec « Les poussières de l'effacement » (Prix du roman arabe), Gamal Ghitany, leader du mouvement culturel et littéraire contemporain égyptien, aborde le bilan d'une vie. Constellations de moments ineffaçables à travers un livre touffu qui plonge ses mots au plus profond de l'être, pour conjurer la fuite du temps...

 

Né en 1945 dans un village en Haute-Égypte, Gamal Ghitany  a aujourd'hui une œuvre littéraire considérable. Beaucoup de prix et de distinctions ont déjà jalonné un parcours de presque un demi-siècle de combats. Combats contre les censures et les autorités des hommes politiques (Nasser, Sadate) du pays du Nil,  mais aussi amers combats au quotidien pour survivre. Survivre en pratiquant divers métiers de fortune, dont celui de dessinateur de motifs pour tapis. Mais la littérature avait déjà décrété ses lois et esquissé ses désirs...
Encouragé par Naguib Mahfouz dès dix-sept ans, l'auteur de Zayni Barakat publie ses premières nouvelles, rapidement et chaleureusement accueillies par la presse et le public.
Et depuis, amoureux fou des mots et de la langue arabe qu'il cisèle pour ses nombreux romans historiques, ce fin lettré et vigilant reporter du monde (il couvre toutes les turbulences d'un Orient embrasé) navigue entre présent et passé, entre souvenirs et futur, entre patrimoine arabe et valeurs universelles, entre introspection et analyse des sociétés qui l'environnent.
 Pour mieux explorer, comprendre, juger et jauger les limites du monde, de l'être et des lieux.
Mais aujourd'hui, avec Les poussières de l'effacement, cinquième volume de ses « carnets » (initialement titré Nithâr al-mahw), traduit de l'arabe en français par Khaled Osman aux éditions du Seuil (424 pages), Gamal Ghitany, au seuil de la retraite et de l'abord d'un âge vénérable, jette un regard par-dessus ses épaules. Un regard en arrière. Un regard scrutateur sur ses rencontres, sur les lieux qu'il a connus, sur ses innombrables voyages, sur l'éveil des sens, sur ce qui l'a marqué ou sur ce qui se dérobe, sur ce qui s'est gravé dans la mémoire ou sur ce qui s'est effiloché au gré des souvenirs...
Tout ce chemin parcouru, qu'en reste-t-il ?
Paroles de sage, visions d'un inspiré, certitudes ou doutes d'un intellectuel, évocation de ce qui a nourri le cœur ou l'a fait souffrir ? Tout cela peut-être à la fois et puis...non !  
Cela devient un peu réducteur de cerner ainsi un ouvrage bien plus ambitieux que correct répertoire ou froid comptable des jours écoulés...
 En convoquant sans autorité aucune tous les souvenirs, devant ces pages frémissantes de vie et débordantes d'interrogations, la littérature est brusquement bien plus que simple étalage de prouesse stylistique ou savant et patient métier d'écrivain.
Ces innombrables interrogations tous azimuts, qui n'ont d'ailleurs pas forcément de réponse, comme tout ce qui dépasse l'être, restent l'essence d'une vie, la quête pour un sens qui nous échappe constamment, la réalité d'une identité toujours fuyante...
Une exploration sans nom, où les questions s'ajoutent à ce qui n'a jamais été résolu.
En petits chapitres qui se juxtaposent tels les luisants petits carreaux (d'un puzzle ?) d'une mosaïque dont on ne connaît pas l'image définitive, voilà que cet opus, teinté de mélancolie, jette ses ramifications et ses embranchements dans ce qui a illuminé une vie ou l'a éclaboussée de déceptions et de douleurs.
 Et sous la plume de l'auteur du Livre des illuminations vivent les vieux quartiers du Caire, bruyants, colorés, poussiéreux, avec une galerie de personnages pittoresques et haut en couleur, dont ce vieux figaro terrorisant un enfant agrippé aux basques de son père...
Sans oublier la magique présence des femmes. Ces pulpeuses femmes égyptiennes plus felliniennes que dans les rêves les plus délirants du cinéaste de la Dolce Vita et d' Amarcord... Éternel féminin, qui va de Férial « à la poitrine épanouie » à la couturière Oum Khareiya, en passant par  Oum Saad « propageant des ondes mystérieuses », la sculpturale Saadiya  ou l'ex-infirmière Ateyya...
Avec humour (bien égyptien) et une certaine bonhomie non dénuée d'un mordant acerbe, ce livre de chevet est bien une éloquente illustration de l'exergue empruntée à Fouad Haddad : « Comme si l'existence était souvenir »...En effet, et si la vie n'est que souvenirs ?

Ni autobiographie ni récit, mais un fourmillant carnet de souvenirs.  Avec « Les poussières de l'effacement » (Prix du roman arabe), Gamal Ghitany, leader du mouvement culturel et littéraire contemporain égyptien, aborde le bilan d'une vie. Constellations de moments ineffaçables à travers un livre touffu qui plonge...

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