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Nos Lecteurs ont la Parole

Cri de tête ! Cri du cœur !

Jihad MOURACADEH
La campagne électorale est arrivée á son terme, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a donné lieu à des débats et à des confrontations passionnés, signe d'une démocratie vibrante, digne des plus grandes démocraties occidentales. D'aucuns souriront à cette affirmation.
Les grandes orientations du Liban ont été débattues tant sur le plan politique que sur les plans économique et social. Les sujets du jour sont les armes du Hezbollah, la stratégie de défense, le tribunal international, la place politique du président, les responsabilités des uns et des autres, ainsi que l'endettement.
Afin de ne pas revenir sur les arguments, forts passionnants par ailleurs, il est temps de tirer les conclusions.
Pour les uns, les armes de la Résistance sont une nécessité absolue en l'absence d'un État politiquement et militairement fort, capable de faire face aux menaces israéliennes. Pour les autres, quelle que soit l'importance  de cet armement dans la stratégie de défense, il importe qu'il demeure sous le contrôle de l'État, émanation de la volonté des citoyens. Les uns insistant sur le monopole de l'État dans l'usage de la force, les autres ne se résignant à respecter l'État et ses institutions que dans la mesure où il poursuit une politique qui leur convient. Ainsi, tantôt on critique le département de l'information (Firh el-maaloumate), tantôt on loue ses qualités quand il démantèle les réseaux d'espionnage israéliens. Même l'armée libanaise fut le sujet de discorde. Tantôt on lui enjoignait de ne pas pénétrer dans les camps de Nahr el-Bared, une ligne rouge pour certains, lançant les accusations les plus rocambolesques sur les assassins présumés des officiers et des soldats de l'armée, et tantôt on s'étonne du survol d'un hélicoptère de l'armée au Sud, allant jusqu'à justifier l'injustifiable assassinat du pilote.
En ce qui concerne les territoires libanais « occupés », ni les uns ni les autres n'ont relevé qu'il appartient à l'ONU, dans le droit international, de se prononcer sur la qualité libanaise ou syrienne de ces territoires et partant, sur la nécessite ou pas d'une résistance libanaise pour les libérer. Chebaa en particulier. Or, ni le Liban ni la Syrie n'ont soumis à l'ONU les documents nécessaires pour établir la libanité des fermes de Chabaa, malgré la résolution 1680 du Conseil de sécurité de l'ONU en date du 17 mai 2006 exhortant le gouvernement syrien à répondre aux demandes du gouvernement libanais de délimiter les frontières dans les zones disputées, les déclarations politiques n'ayant aucune valeur juridique. Personne n'a relevé la responsabilité de ces États en la matière, considérant que ce flou artificiel peut servir aussi bien les uns que les autres. Un point à mettre au passif des deux campagnes électorales
À défaut, les uns ont insisté sur la nécessité du maintien des armes de la Résistance jusqu'à l'agrément par la communauté internationale au droit de retour des Palestiniens, ce qui veut dire jusqu'a la résolution du conflit israélo-palestinien. Les autres, s'armant du texte des accords de Taef, insistent pour que le Liban retourne aux accords d'armistice avec Israël après la libération des territoires. Ce débat a déjà été tranché dans la mesure où les Libanais ont exprimé leur union sur les objectifs de la nation dans le cadre des accords de Taëf, y inclus le refus de l'implantation et le retour aux accords d'armistice avec Israël. Lier le sort de la défense du Liban à la résolution finale du conflit israélo-palestinien révèle les intentions de ceux qui voudraient garder ce pays comme champ de bataille des conflits régionaux. Ce que les autres refusent.
Et pour conclure sur ce sujet, les uns préconisent une stratégie de défense de guérilla indépendante de l'autorité de l'État, seule susceptible de garantir une défense efficace face aux agressions israéliennes potentielles, les autres estiment que seul un État soutenu par l'ensemble de la nation, avec une armée bien équipée, dotée d'un arsenal diplomatique et bardée du respect de la communauté internationale, est à même de faire face aux visées israéliennes.  Les uns et les autres tireront les leçons qui s'imposent de la guerre de juillet 2006. Qui a arrêté l'agression israélienne ? La guérilla qui, par ses moyens, a imposé un équilibre dissuasif à l'ennemi ? Ou la puissance diplomatique du Liban qui, grâce à ses amitiés internationales, imposa, suite au plan en sept points de Fouad Siniora, la résolution 1701 permettant à l'armée de se déployer au Liban-Sud pour la première fois depuis 1969 ? Ou alors les deux ?
On ne saurait s'attarder sur les violations des engagements de certains au sein du cabinet libanais, dont  ils faisaient partie et dont la déclaration gouvernementale spécifiait: « Le gouvernement proclame son souci de poursuivre ses démarches au sujet des détenus dans les prisons israéliennes et de réclamer des pressions de la communauté internationale sur Israël pour l'amener à les libérer. »
Ce qui ne les a pas empêchés de faire fi de ces engagements et d'enlever des soldats israéliens pour libérer les prisonniers libanais, entraînant les conséquences que l'on connaît.  
Ce sont bien ces incertitudes politiques et militaires entretenues par certains qui sont à la base de l'instabilité économique et de l'émigration constante des Libanais, et non pas telle ou telle politique économique qui ne saurait survivre dans un climat de tension permanente.
Encore une fois, cela met en cause la définition de l'État et son rôle, et par conséquent, l'importance du scrutin électoral qui détermine les orientations de l'État. Car on ne peut en toute conscience admettre le résultat des élections, d'une part, et, d'autre part, travestir la volonté du peuple en volant à cet État ses prérogatives, ce que certains se sont permis sous divers prétextes. Comment peut-on ne pas voir dans  la fermeture du Parlement un hijacking de la démocratie, de la volonté du peuple ? Comment peut-on honnêtement demander des comptes à un gouvernement qu'on a sciemment empêché de fonctionner en bloquant physiquement les institutions par un sit-in permanent ?
Arrêtons-nous sur le tribunal international, dont les uns ont retardé la formation, plongeant le pays dans une crise sans précédent, pinaillant sur les détails qu'ils jugeaient inconvénients comme s'ils tentaient de protéger les assassins israéliens présumés. Celui-ci fut quand même créé par l'ONU, malgré le sabotage des institutions libanaises supposées agréer sa constitution. Ces mêmes parties, qui se réjouissent aujourd'hui de l'objectivité de ce tribunal quand ses décisions abondent dans leur sens, se réservent le droit de les remettre en question à l'avenir si d'aventure elles ne leur convenaient pas.
Revenons à la loi électorale de Ghazi Kanaan, votée par le Parlement le 22 décembre 1999 sous le gouvernement de Sélim el-Hoss. Vous serez étonnés d'apprendre que Rafic Hariri a voté contre cette loi, ainsi que Misbah Ahdab et Nassib Lahoud parmi 17 autres, alors que Nayla Moawad et Boutros Harb s'étaient abstenus.  Ceux qui ont voté pour la loi en question sont un « Who's Who » des alliés de Michel Aoun.
On oublie facilement que depuis l'élection du général Lahoud à la présidence, en 1998, ce sont les alliés de Michel Aoun qui ont gouverné le Liban, ayant la majorité au Parlement et au gouvernement, même sous Rafic Hariri, sur recommandation de la puissance occupante. Sauf les quatre dernières années où la victoire du 14 Mars a été châtrée par le comportement antidémocratique de Michel Aoun et de ses alliés. C'est donc avec l'ancienne équipe du président Lahoud que Michel Aoun entend engager le changement et la réforme. Vous y croyez ?
Passons au chapitre économique. D'aucuns se plaignent du poids de la dette. Et pourtant, on peut lire sur le site de la Banque du Liban que la dette en devises étrangères ne s'élève qu'à 21 milliards de dollars à fin février 2009 tandis que l'or et les avoirs en devises  représentent un total de 30 milliards de dollars. C'est une situation confortable sur le plan de la dette externe, le reste de  la dette étant bien sûr en livres libanaises.
Par contre, ce qui inquiète les milieux financiers internationaux, ce sont les déclarations au Financial Times de cheikh Naïm Kassem, le 12 mai 2009, lequel suggérait qu'il fallait soutenir la situation précaire de la population quelles que soient les conséquences sur les finances de l'État. Bref, il faut engouffrer le pays dans la dette. Conscients de ce qu'une victoire de l'opposition pourrait coûter au pays en termes d'aides annulées et de support financier international gelé,  M. Ali Fayad, du Hezbollah, déclarait au même journal le 26 mai 2009 qu'il avait engagé des pourparlers avec le Fonds monétaire international et l'UE pour s'assurer de leur soutien au Liban en cas de victoire de l'opposition. C'est dire que les risques financiers que ferait encourir cette victoire n'échappent pas aux dirigeants de l'opposition.
Et pourtant, certains milieux économiques et financiers libanais refusent de croire á ce danger, exprimé dans les colonnes de la publication financière la plus respectée au monde, et insistent pour soutenir certaines parties au détriment de leurs propres intérêts économiques et de la situation financière du Liban uniquement parce qu'ils estiment avoir été lésés par d'autres dans le passé.
Les jeux sont faits, faites vos jeux !
En cette période cruciale pour l'histoire démocratique du Liban, il est impératif, à la lumière de ce qui précède, de protéger et de préserver les choix aux noms desquels des centaines de milliers de Libanais ont défilé le 14 mars 2005.  Samir, Gebran, Pierre et les autres ont sacrifié leur vie pour ces principes. Afin que leur sang n'ait pas coulé en vain, vous leur devez au moins votre vote car il n'y aura pas de 14 mars 2010.

Jihad MOURACADEH
Consultant 
La campagne électorale est arrivée á son terme, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a donné lieu à des débats et à des confrontations passionnés, signe d'une démocratie vibrante, digne des plus grandes démocraties occidentales. D'aucuns souriront à cette affirmation. Les grandes orientations du Liban...

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