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Nos Lecteurs ont la Parole

Deux, trois trucs positifs

Élias R. CHEDID
Bon, il faut reconnaître que la situation politique au Liban n'est pas reluisante. Rien de vraiment inspirant. Depuis l'assassinat de Rafic Hariri, la révolution du Cèdre, le retrait syrien, le retour de Michel Aoun, la libération de Samir Geagea, événements qui faisaient mine de marquer à grands pas une nouvelle ère prometteuse, jusqu'à la guerre de juillet et aux émeutes civiles de mai 2008 suivies de l'accord de Doha, le pays n'a fait que subir une dégringolade, les espoirs nationaux se muant en une lutte politicienne des plus ennuyeuses et des plus stériles. Écrire, analyser, conjecturer, être tout bonnement optimiste étaient entreprise impossible et en tous cas insultante pour l'intelligence.
Dans l'actuelle lutte surréaliste qui oppose deux blocs qui, à mon humble avis, se sont pareillement fourvoyés, il est vain de tenter de déceler quoi que ce soit de positif, il est difficile d'avoir envie de s'impliquer, encore moins d'aller voter aux prochaines législatives.
Et pourtant. Ce n'est pas seulement pour me remonter, nous remonter le moral que j'ai souhaité cette fois-ci regarder la moitié pleine du verre. Deux, trois trucs positifs alors, pour nous requinquer.  
Le premier : pour la première fois depuis 1972, nous sommes retournés au caza, circonscription électorale relativement petite (même si on aurait pu mieux faire) et qui assure par conséquent au regard de la mosaïque libanaise une meilleure représentativité. On ne pourra (presque) plus dire que ce sont les chrétiens qui ont fait élire les musulmans ici, ou les musulmans les chrétiens là. Ces élections devraient donc permettre de faire élire des personnes, quelles qu'elles soient, représentatives de leurs communautés respectives et, par extension, des diverses sensibilités politiques du peuple libanais.  
Le second : pour la première fois de l'histoire du Liban (de mémoire d'homme), deux blocs authentiquement pluriconfessionnels, trans-confessionnels, s'opposent : un bloc chrétien-sunnite-druze et un bloc chrétien-chiite (en gros). C'est clairement une chose positive, dans un pays où la polarisation s'est le plus souvent résumée à un bloc chrétien contre un bloc musulman (encore une fois, en gros, pardonnez la simplicité de ce propos).
Le troisième : la représentativité chrétienne se trouvera, en tout état de cause, améliorée, voire rééquilibrée au sortir du scrutin, sans pour autant que la représentativité musulmane en pâtisse. En effet, que soient élus des représentants du Courant patriotique libre ou des Marada d'un côté, ou des représentants des Forces libanaises, des Kataëb, du Parti national libéral ou du Bloc national de l'autre, les chrétiens seront enfin représentés par des partis qui reflètent la réalité des diverses franges de la population chrétienne, et non par des inconnus imposés à cette même population sur des listes données gagnantes d'avance. Des nominations de 1991 aux législatives de 2005, trois législatures (et quart) auront tenté d'avoir raison de la représentativité chrétienne. Sans succès, et nous n'en sommes devenus véritablement certains que maintenant. Dans le même temps, le caza ne diminue, ni n'altère en aucune manière la représentativité musulmane. Pour ceux qui ont connu le « ihbat » chrétien et qui en ont souffert, l'adoption de cette circonscription est une claire victoire, un triomphe de la justice sur de longues années d'oppression sournoise et obscurantiste.
Allez, un quatrième truc positif, histoire de fausser les comptes. Je n'irai peut-être pas voter, mais je reste résolument optimiste. Les candidats indépendants ont poussé les hauts cris en s'indignant de la montée en puissance des partis politiques à l'occasion de ces élections, affirmant que ces derniers avaient accaparé la campagne électorale et qu'il était désormais impossible pour un non-affilié (ne faudrait-il pas dire, en ces temps binaires, un non-aligné ?) de réussir à être élu sans l'aval desdits partis. C'est vrai. Mais ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Nous avons passé les vingt dernières années à nous plaindre du fait qu'il n'y avait pas, au Liban, de partis politiques dignes de ce nom. Que la seule manière d'être élu, c'était d'être un courtisan, d'avoir de l'argent, d'avoir des « relations », d'être imposé sur une liste par un personnage influent (là encore, par son argent ou par ses « relations ») ou par une puissance étrangère. Nous n'allons tout de même pas nous révolter contre l'émergence de partis politiques ! Y a-t-il des progrès à faire en la matière ? Certainement. Il faut déconfessionnaliser les partis, les débarrasser de leur passé militaire ou paramilitaire, les purifier de la détestable féodalité, les libérer de leurs allégeances à l'étranger, les institutionnaliser (cf. à ce sujet, l'étude que j'ai publiée intitulée « Gauche ou droite ? Mésaventures des idéologies et état des forces politiques au Liban » dans les Cahiers de l'Orient, n° 93 de janvier 2009). Il reste néanmoins que les partis politiques sont le moyen le plus sûr de voir des programmes électoraux occuper le devant de la scène. Et, surtout, ils sont un moyen plus objectif, plus institutionnel, de tenir les politiciens pour responsables, de les forcer à rendre des comptes, sur la base du programme de leur parti, véritable mesure de leurs promesses. Sans parler de l'impression de cacophonie que dégagerait inévitablement un Parlement qui ne serait que la somme d'individualités hétéroclites. Le Liban est à la base trop nuancé pour qu'on puisse le gouverner facilement. Il est de surcroît présentement dans une phase critique de son histoire ; il a besoin de cohérence, de clarté dans les choix qui s'offrent à ses citoyens. Des programmes, des idées donc, et non pas des individus, ou des personnes (fussent-ils personnalités ou personnages).
Le moral n'est donc pas au beau fixe au Liban, à la veille des élections législatives. L'ambiance n'est décidément pas terrible. Mais je pense sincèrement que demain est un autre jour, et qu'au lendemain de ces élections, tout le monde pourra se féliciter de ces quelques trucs positifs.

Élias R. CHEDID
Dubaï 
Bon, il faut reconnaître que la situation politique au Liban n'est pas reluisante. Rien de vraiment inspirant. Depuis l'assassinat de Rafic Hariri, la révolution du Cèdre, le retrait syrien, le retour de Michel Aoun, la libération de Samir Geagea, événements qui faisaient mine de marquer à grands pas une nouvelle ère prometteuse,...

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