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Lifestyle - Hotte d’or

Réconciliation

Mes Isabelle. J'aime mes Isabelle. Elles sont tarées. Complètement tarées. Je me souviens de François Truffaut m'écrivant ses émois, ses stupeurs, ses tremblements pendant le tournage d'Adèle H. : il était tombé en amour. Pas moi. Pas encore. J'ai dû attendre huit mois. Le 11 juin 1976. Pour adopter l'Adjani. C'était Le Locataire de Roman Polanski. Tout ce qui a suivi n'était que pâle copie. Même Camille Claudel. Jusqu'à, évidemment, La Reine Margot de mon loulou chéri : Chéreau. Pendant tout le tournage, Patrice m'avait réservé une place de choix sur le plateau : un transat de cuir habillé par Jean-Claude Jitrois, cinq orchidées mauves et un bar nomade roulant créé par Veuve Clicquot et Riva, et sur lequel trônait en permanence une Grande Dame 1990. Nous déjeunions ensemble, presque chaque jour, Isabelle me racontait Day-Lewis, la Kabylie, et puis ses peurs, ses rires, ses larmes et ses colères ; ensuite, j'allais faire une petite, une charmante sieste avec Vincent Pérez. Je me souviens aussi du choc Violette Nozières, le premier Chabrol-Huppert, ce crime rabelaisien, cette tragédie grecque pour laquelle j'avais craqué longtemps, puis la Huppert m'avait appelée en 1997 pour que je la conseille avant le tournage de L'École de la chair. Elle savait qu'avant son hara-kiri, Yukio Mishima, qui a écrit le roman dont Benoît Jacquot s'est inspiré pour faire son film, et moi avions fait un long voyage dans plusieurs îles de l'archipel nippon. Elle avait surtout entendu parler de ma maîtrise de la différence d'âge : nous avions passé des jours et des jours fous, elle, le somptueux et très jeune Vincent Martinez et moi. Nous devînmes inséparables.
Mes Isabelle ont toutes deux fait cancaner tout Cannes ce dimanche de clôture. Adjani en crinoline et dentelles noires Max Chaoul : une horrible faute de goût. Ma première Isabelle ressemblait à un paon charbonneux. Elle se pavanait comme une dinde, on aurait dit Nicolas Sarkozy devant Michelle Obama. Huppert en Armani Privé et Chopard était bling-bling comme jamais, il ne lui manquait que des diamants sur ces Chanel qu'elle avait aux pieds - mais heureusement, mon autre Isabelle s'était, pour une fois, lavé les cheveux. J'ai cru comprendre qu'entre mes deux Isabelle, c'est désormais la guerre froide. Malgré les démentis de l'une et le silence de l'autre, il semblerait que plus rien ne va... Je leur ai pourtant tellement expliqué à toutes les deux, séparément certes, que le soleil brille pour toutes. Que je déteste quand mes filles adoptives se crêpent le chignon. Je sais ce que je vais faire : les inviter toutes les deux à Beyrouth. Quelques jours. Et André Téchiné aussi - le seul à les avoir réunies en 1979 dans Les sœurs Brontë. Une merveille. Tous les quatre nous reverrons ce film puis je les emmènerai souper Chez Sami : mes Isabelle adorent décortiquer, de leurs doigts comme les miens qui ont vu, entendu et touché mille choses, des rougets. Que nous aurions préalablement, comme des lollipops, trempés dans nos coupes de champagne, miam miam.

 

margueritek@live.com

Mes Isabelle. J'aime mes Isabelle. Elles sont tarées. Complètement tarées. Je me souviens de François Truffaut m'écrivant ses émois, ses stupeurs, ses tremblements pendant le tournage d'Adèle H. : il était tombé en amour. Pas moi. Pas encore. J'ai dû attendre huit mois. Le 11 juin 1976. Pour adopter l'Adjani....

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