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Bientôt une loi pour pénaliser la violence exercée contre la femme - Droits de la femme

Bientôt une loi pour pénaliser la violence exercée contre la femme

Elles sont des milliers à subir la violence qui leur est infligée par l'un des membres de leurs familles sans que ces actes, allant des insultes au meurtre, ne soient incriminés. La Coalition nationale a réussi à faire signer par les ministères concernés un projet de loi visant à protéger la femme libanaise de la violence domestique. Celui-ci attend d'être approuvé en Conseil des ministres - peut-être demain ? - avant d'être soumis au futur Parlement.
Dans un quartier chic de Beyrouth, les voisins se réveillent une fois de plus au bruit assourdissant d'un fracassement de meubles et de hurlements provenant du onzième étage de l'immeuble. Le bruit est entrecoupé de propos violents et insultants du nouveau locataire, un médecin issu d'une importante famille, de pleurs de petits enfants et de la voix déchirée d'une femme qui crie au secours. Incrédules et surpris par l'attitude de cet homme, ne sachant pas trop quoi faire, ils décident de laisser le couple « régler » ses affaires seul. « Après tout, il doit y avoir une raison convaincante à tout ce fracas », se disent-ils.
Cet éclat n'est qu'une nouvelle crise de colère que pique ce médecin, pourtant « charmant », qui vient de déménager avec sa famille. « Je n'ai découvert son caractère qu'après notre mariage, se souvient Hala, la femme outragée. Le prince charmant qu'il était s'est vite transformé en geôlier. Non seulement il me battait, m'assénant des coups surtout sur la tête, mais il avait le culot d'accompagner ses femmes jusque dans mon lit. Lorsque j'ai eu notre fille aînée, il m'a offert des coups de pieds supplémentaires parce qu'il voulait un garçon. J'ai dû accoucher de trois autres filles, bien que mon état de santé ne le permette pas, avant de lui donner enfin le garçon dont il rêvait. J'ai cru alors qu'il allait changer. Quelle illusion ! Il est resté le même. Il ne pensait qu'à ses prostituées et délaissait ses enfants. »
À plusieurs reprises, Hala a essayé de porter plainte au poste de gendarmerie. « À chaque fois, les gendarmes me riaient au nez en me disant : "Ça ne fait rien, madame. C'est votre mari. Allez régler vos problèmes ailleurs". »
« J'ignore quelle sera ma destinée avec un homme qui ne pense qu'à humilier ses enfants et son épouse, à nous affamer, puisqu'il a décidé récemment de nous couper les vivres, confie-t-elle. Je ferais tout pour protéger mes enfants. Mais qui me protégera ? Qui m'aidera à obtenir mes droits ? »

Un premier pas vers la loi
Hala est une femme parmi plusieurs milliers de Libanaises qui sont encore victimes de la violence domestique sous toutes ses formes, mais aussi de la loi libanaise qui ne prévoit aucune clause pour les protéger et leur garantir leurs droits. Pire encore ! « La violence domestique n'est pas prise au sérieux par les représentants de la loi », déplore Leila Awada, avocate et membre de Kafa, une ONG qui, depuis sa fondation en 2005, milite pour mettre un terme à la violence et à l'exploitation exercées contre les femmes et les enfants. « En effet, très souvent, la police refuse de recueillir le témoignage d'une femme battue, même si des traces de violence sont visibles sur son corps, et lui recommande d'aller régler ses différends à la maison, poursuit-elle. À Kafa, nous rencontrons dans notre centre d'écoute et d'orientation près de 400 femmes annuellement, victimes de violence familiale, poursuit-elle. Nous leur offrons une assistance sociale et psychologique. Mais nous demeurons impuissants sur le plan légal. »
Face à cette situation injuste, Kafa a lancé une initiative en 2007 visant à promulguer une loi qui protègerait la femme de la violence domestique. « Cette initiative s'inscrit dans le cadre du programme Afkar II, financé par l'Union européenne et supervisé par le ministère pour le Développement administratif », explique Me Awada.
Un comité a été formé à cet effet, composé des magistrats Hilané Iskandar, John Azzi et Joëlle Fawaz, respectivement présidente de la cour pénale à Beyrouth, président de la cour de première instance à Jdeidet el-Metn et membre du comité de consultations et de législations au ministère de la Justice, du commandant Élie Asmar, représentant les Forces de sécurité intérieure, et des avocats Danielle Hoyek et Leila Awada de l'ONG Kafa. Le comité avait pour mission de réaliser un avant-projet de loi dont les clauses ont été par la suite débattues avec les ONG s'occupant des droits de l'homme et de la femme, des organismes de jeunes, ainsi qu'avec des instances judicaires, des avocats et le comité de la femme au sein de l'ordre des avocats.
« Nous voulions soumettre la version finale du projet de loi à la Chambre, mais comme celle-ci était paralysée, nous avons décidé de nous tourner vers le gouvernement, quitte à la proposer après le 7 juin à la nouvelle Assemblée nationale », explique Me Awada.
C'est ainsi que lorsque le dernier gouvernement Siniora a été formé, « nous avons réussi à inclure dans la déclaration ministérielle une clause, la 61, dans le cadre de laquelle le gouvernement s'engage à promulguer une loi pour protéger la femme et les filles de toute forme de violence ».
« Nous avons été agréablement surpris par le sérieux du gouvernement », poursuit l'avocate, qui souligne qu'une copie du projet de loi a été adressée à tous les ministres, ainsi qu'au chef de l'État, au président de la Chambre et au Premier ministre. Le texte a été favorablement accueilli dans les milieux officiels. « En fait, c'est la première fois que le gouvernement libanais s'engage officiellement et sérieusement à lutter contre la violence », insiste Me Awada, qui note que la procédure administrative a été rapidement achevée et que le secrétariat général de la présidence du Conseil des ministres a transmis la version finale de ce projet de loi aux ministères concernés, c'est-à-dire l'Intérieur et les Affaires sociales, pour signature.
« MM. Ziyad Baroud et Mario Aoun l'ont signé, note-t-elle. Nous espérons qu'il figurera à l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres (qui se tiendra demain) pour approbation, en attendant de le soumettre à la prochaine Assemblée nationale », affirme-t-elle.

Les clauses principales
Initiée par Kafa, cette démarche a été adoptée depuis novembre 2008 par la Coalition nationale pour la promulgation d'une loi protégeant la femme de la violence domestique. « Nous étions dix-huit ONG fondatrices de cette coalition, constate Me Awada. Plusieurs autres associations se sont jointes à nous par la suite. » Cette démarche a été accompagnée d'une campagne publicitaire (spots télévisés et affiches) pour sensibiliser à l'importance d'une loi pour protéger la femme. Un spectacle interactif est également présenté dans le même but dans plusieurs régions.
Que stipule ce projet de loi et comment définit-il la violence domestique ?
« Il s'agit de tout acte de violence commis par un des membres de la famille, à la maison ou hors de la maison, sur la base d'une discrimination sexuelle, dont découle une nuisance ou une souffrance pour la femme sur les plans physique, psychologique, sexuel ou économique », explique l'avocate, précisant que cette définition englobe aussi « les simples menaces de recourir à un acte violent, la violence verbale, ainsi que la privation de la liberté ».
« Le code pénal prévoit des peines en cas de diffamation, ajoute-t-elle. Mais nous ne disposons pas d'un mécanisme qui permet à une femme victime d'une violence domestique de recourir à la justice. C'est ce que nous réclamons. »
Ce projet de loi prévoit de pénaliser la violence domestique, ce qui n'est toujours pas le cas, ainsi que la constitution d'un tribunal familial ou domestique, qui garantirait le secret de l'enquête et des séances, « même s'il s'agit d'un acte qui relève initialement de la cour pénale ». Il stipule également la prise de « mesures spéciales pour protéger la femme de la violence et dans le cadre desquelles l'agresseur doit suivre une thérapie de réhabilitation ».
« Il s'agit d'un moyen d'éviter la prison à l'agresseur et de lui permettre de rentrer chez lui lorsqu'il est guéri, observe Me Awada. Dans le cadre de ces mesures de protection, le gouvernement s'engage aussi à assurer un foyer à la femme agressée. Ainsi, si cette dernière n'a pas d'endroit pour s'abriter, c'est l'homme qui quitte la maison et non pas elle. De même, les enfants restent avec leur mère, jusqu'à ce que les tribunaux concernés se prononcent. Les femmes qui sont en instance de divorce ou de séparation peuvent aussi bénéficier de ces mesures de protection, d'autant que nombre d'entre elles sont victimes de violences durant cette période. Il est important de noter que l'agresseur est passible de prison s'il contrevient à la décision de protection. »
En ce qui concerne les problèmes financiers, comme les frais du procès, ceux du rapport du médecin légiste, etc., ce projet de loi prévoit la création d'une caisse à financement public ou mixte. De plus, une unité spéciale sera créée au sein des Forces de sécurité intérieure ou de la gendarmerie pour recevoir les plaintes. Il convient de noter enfin que ce projet de loi n'englobe les mineures que si elles sont mariées.
Dans un quartier chic de Beyrouth, les voisins se réveillent une fois de plus au bruit assourdissant d'un fracassement de meubles et de hurlements provenant du onzième étage de l'immeuble. Le bruit est entrecoupé de propos violents et insultants du nouveau locataire, un médecin issu d'une importante famille, de pleurs de petits enfants et de la voix...