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Lifestyle - Patrimoine

Un architecte irakien va reconstruire son œuvre détruite par Saddam Hussein

Deux décennies avant que les Marines n'abattent en 2003 la statue en bronze de Saddam Hussein devant les caméras du monde entier, l'ancien dictateur avait au même endroit détruit le chef-d'œuvre d'un des plus grands architectes irakiens contemporains. L'élégante arche, baptisée « le Soldat inconnu », fut durant plus de 20 ans l'un des monuments marquants de Bagdad, et le gouvernement a demandé à son concepteur, Rifat al-Chadirji, de reconstruire cet ouvrage architectural moderne en brique, qui s'inspire de l'arche antique de Ctesiphon, au sud de Bagdad.
« Je suis très heureux de l'intérêt manifesté pour la reconstruction de cet édifice supprimé si brutalement », a confié récemment à l'AFP l'architecte âgé de 82 ans. « Je veux le rebâtir rapidement car je souhaite vivre chaque instant de cet événement important. C'est aussi excitant pour moi que lorsque je l'ai construit la première fois », ajoute-t-il.
L'arche fut inaugurée place Ferdous en 1959 par le premier président irakien, Abdelkarim Qassem, pour marquer le premier anniversaire de son arrivée au pouvoir et la chute de la monarchie. Durant les 20 années suivantes, M. Chadirji, qui est issu d'une famille patricienne de Bagdad et qui fit ses études en Angleterre, a construit plusieurs monuments d'inspiration moderne en empruntant des formes traditionnelles irakiennes. « Son objectif n'a jamais été de répéter ce qui a été fait dans le passé, mais plutôt de retrouver l'esprit du passé dans un contexte moderne », estime Caecilia Pieri, une chercheuse basée à Paris, auteure d'un livre intitulé Bagdad Arts Deco, en s'adressant à l'AFP. Elle cite ainsi l'exemple du bâtiment des télécommunications, une tour avec des arches inspirées d'anciennes citadelles.
Puis l'Irak fut en proie à l'instabilité et le parti Baas s'y reprit à deux fois pour s'emparer du pouvoir. En 1977, M. Chadirji fut jeté dans la terrible prison d'Abou Ghraib où il croupit 20 mois. Dans un livre intitulé Un mur entre deux obscurités, il raconte l'histoire de sa libération. Peu après, être devenu le maître du pays en 1979, Saddam Hussein demanda à ses lieutenants de lui indiquer le plus grand architecte irakien pour préparer la capitale à accueillir une conférence internationale. C'est ainsi que le nouveau dictateur le fit venir au palais présidentiel avec sa vareuse de détenu. Ensuite, l'architecte déménagea à Beyrouth et, en 1982, Saddam Hussein détruisit son « Soldat inconnu » pour en construire un autre, gigantesque, près de l'endroit où il faisait défiler ses troupes. Place Ferdous, il érigea sa propre statue, dont la chute le 9 avril 2003 symbolisa la mise à bas de son régime.
À son retour à Bagdad cette année, l'architecte a constaté les plaies béantes laissées par la violence qui a suivi l'invasion conduite par les Américains. Le bâtiment des télécoms, cible de l'aviation américaine en 2003, est toujours éventré et les places du centre de la capitale, qui symbolisèrent la modernité de Bagdad, sont obstruées par des barrages et des fils barbelés. « La reconstruction de la statue n'est qu'une partie du projet. Le plus important c'est d'en prendre soin, car c'est une partie de la mémoire de la société. Un peuple incapable de préserver ses œuvres est un peuple sans mémoire », dit-il à l'AFP.
L'architecte évite toute allusion à la politique, mais se dit optimiste. « En 1950, j'ai vu en Allemagne des quartiers totalement aplatis et 10 ans plus tard, j'y ai trouvé de très beaux bâtiments et des rues bien ordonnées. C'est parce qu'il s'agit d'une société développée propice à la liberté de création », conclut-il.
Deux décennies avant que les Marines n'abattent en 2003 la statue en bronze de Saddam Hussein devant les caméras du monde entier, l'ancien dictateur avait au même endroit détruit le chef-d'œuvre d'un des plus grands architectes irakiens contemporains. L'élégante arche, baptisée « le Soldat inconnu », fut durant...

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