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Culture - Festival Bipod

Manifeste des enfances prolongées…

Une brochette de jeunes en prise avec l'âge adulte et ses responsabilités. Pour ce syndrome de Peter Pan, 120 minutes ininterrompues d'un spectacle déluré, gai, brillamment chorégraphié, tonique et ébouriffant au Madina.
En droite ligne d'Allemagne, berceau des chorégraphes les plus inventifs au monde, Samir Akika, né en Algérie mais vivant à Düsseldorf, signe une longue performance vouée à la jeunesse et à ses tyranniques prolongements. Manifeste dansé (et plein d'humour) pour tous ceux qui croient ferme aux vertus bienfaitrices de l'innocence de l'enfance...
Délicieuse atmosphère d'une scène envahie par des jeunes gens et des jeunes filles en baskets, tee-shirts et jeans, s'exprimant avec souplesse et fraîcheur, en gestes et en paroles. Le texte est en anglais avec de savoureux accents italianisants, germanisants, hispanisants, pour montrer, bien entendu, non seulement une cohésion européenne, mais une mondialisation
galopante...
Tout d'abord, ces directives susurrées au micro par la présentatrice : oui, on peut laisser le cellulaire ouvert, oui, on peut changer de place à tout moment, oui, on peut bavarder avec le voisin, on peut même « flirtouiller » si l'envie vous en prend...Bref, ici, contre toute attente, pour cette Ère de l'adolescence prolongée (titre du spectacle), c'est la liberté au pouvoir. Et interaction vive entre public et danseurs sous les feux de la rampe.
Sur le plancher d'une scène quadrillée au scotch blanc et encombrée de cartons kraft et de pots de toutes sortes pend une forêt de ficelles et de fils électriques avec lampes à clics...

Un « liliputien » égaré parmi des acrobates
Dans ce chantier de fortune, ce désordre scolaire et de hangar, les danseurs évoluent, dans une anarchie savamment orchestrée, avec, à leur tête, symbole de l'enfance et de l'enfant-roi, un charmant petit chérubin de trois ans pas plus haut que trois pommes, à la voix fluette, aux doigts menus et aux pieds pas plus larges que ceux de Bill sans Boule...
Un « liliputien » égaré parmi des acrobates échappés à l'univers de Gulliver...
Et les jeux commencent. Car il s'agit bien de jeux, entrecoupés de tableaux dansants et de sketchs amusants, fustigeant l'aspect austère et amidonné de la vie sociale.
On dessine, on « parlote », on découpe des jouets (un cheval, un piano, des banderoles de contestation), on érige un système de poulies pour lancer des balles dans un panier, mais aussi on « rappe », on se déhanche, on fait clan ou duo comme dans West-Side Story, on s'invente un monde (des mondes) qu'on détruit, qu'on déstructure en vitesse pour faire autre chose...
Côté refus des conventions, prenons le petit déjeuner. Rigoureux petit déjeuner à l'allemande, interprété avec brio et un humour décapant par un jeune de Kohln. Une saynète désopilante où le geste et la langue utilisée sont surprenants et délibérément cafouilleux. C'est à la fois léger et caustique. Du grand talent sans avoir l'air d'y toucher.
Heureux mariage des genres et des styles dans ces tableaux qui s'enchaînent joyeusement avec humour, bonne humeur, vigueur, une précision sans faille et une énergie bondissante. Avec un aspect surprenant dans l'emploi de la musique, notamment ce trio de Schubert (d'une gravité absolue dans la bande-son du film Barry Lyndon de Stanley Kubrick) et que l'on retrouve, ici, serti dans un cadre comique, d'une légèreté aérienne...
De Bob Marley à Justin Timberlake ou autres rythmes et cadences modernes, la musique fait merveille avec les pas des danseurs toujours prêts à bondir, saisir au vol n'importe quel son pour s'exprimer avec verve, liberté, sensualité sans tabous, fantaisie, mais aussi absolue maîtrise.
Cent vingt minutes d'un spectacle sans interruption, cela semble long. Mais non, pas un seul moment creux, pas l'ombre d'un ennui.
En parlant de tout et de rien, en mimant des jeux d'ado, avec du carton kraft, des stylos feutre, des fils électriques, des accessoires de bric et de broc, des costumes « casual wear » d'universitaires à l'heure de la détente dans une cour de fac, le tour est admirablement joué. Quel tour ? Celui de faire plaisir aux spectateurs et leur donner à réfléchir, sans les assommer avec un langage moralisant, sur les rapports avec soi, les autres et le monde.
Finalement la danse, comme toute autre expression artistique, peut tout dire...Un excellent moment combinant adroitement prouesses corporelles, rire du théâtre comique et diktat du télévisuel...
En droite ligne d'Allemagne, berceau des chorégraphes les plus inventifs au monde, Samir Akika, né en Algérie mais vivant à Düsseldorf, signe une longue performance vouée à la jeunesse et à ses tyranniques prolongements. Manifeste dansé (et plein d'humour) pour tous ceux qui croient ferme aux vertus bienfaitrices de...

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