Peau d’âne*

Qu'ils aillent raccrocher leurs toges de magiciens au placard. Tout  grands sorciers qu'ils soient, Charles Perrault et les frères Grimm ont perdu « that magic touch » et les petites princesses qu'ils ont créées avec leurs baguettes magiques sont devenues obsolètes, dépassées par de nouvelles venues toutes reluisantes de paillettes. La citrouille ne deviendra plus carrosse, les pieds nus ne se chausseront plus de pantoufles de vair et le baiser ne réveillera plus la Belle au bois dormant ni Blanche Neige. Cendrillon continuera à balayer la maison de sa belle-mère et la princesse Aurore dormira toujours dans la tour. Les pages poussiéreuses des gros grimoires ont perdu leur charme et resteront à jamais closes, quant aux potions magiques, elles sécheront au fond des grosses marmites. Exit ces anciennes princesses qui ne font plus rêver et bonjour les ennuis.
La petite Paris, la fille aux plusieurs étoiles (d'hôtels), aura  contaminé toutes les gentilles frimousses. C'est le virus du noctambulisme  qu'elle a inoculé aux belles de jour devenues désormais belles de nuit. Bienvenue aux nouvelles transformistes, à  Dr Jekyll et Mr Hyde. Car c'est de cela qu'il s'agit. Tant dans le passé qu'au présent, ce qui fait rêver les filles c'est le pouvoir de troquer un vieux vêtement contre un nouveau. Une double peau en somme, tout comme la princesse Peau d'âne. Une double vie et un double je.
Jeune chanteuse sur le toit le jour et Coyote Ugly la nuit, ou encore  Miley Stewart,  alias Miley Cyrus, dès l'aube et Hannah Montana à la tombée du crépuscule, les anciennes princesses ont échangé leurs robes de bal et leurs falbalas contre des guitares et des vêtements de rockeuse. Avec leur instrument de musique en bandoulière, les voilà au haut de l'affiche. Néo rock and roll attitude. Mais ne dit-on pas « pierre qui roule n'amasse pas mousse » ? Cette nouvelle génération a peut-être jeté aux oubliettes toutes les marraines et les fées, et leurs  nouvelles marchandes de rêves les fournissent en papeterie, brosses à dents, serviettes de bains et autres produits à leur effigie. L'illusion peut être dangereuse.
On pourrait croire voir au loin, comme surgie du passé, la petite pauvrette de Hans Christian Andersen. Et avec le craquement de sa dernière allumette, c'est une faible lueur qui disparaît dans la nuit entraînant avec elle tous les feux de la rampe et toutes ces lumières artificielles qui n'ont rien d'un conte de fées.  

*Peau d'âne de Jacques Demy.