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Liban - Le commentaire

Un État fort, seul bouclier pour les affaiblis

Les chrétiens libanais, maronites en tête, s'anémient d'année en année. Érosion sur le plan démographique, dévaluation au niveau de la force politique de leurs leaders. Dès lors, des dignitaires religieux et des hommes politiques tirent ensemble ce constat : seul un État fort, bien laïc, peut protéger la communauté des conséquences néfastes d'un déséquilibre croissant. Sans qu'il n'y ait préjudice pour les autres collectivités, car il couvre tout le monde de son ombrelle. En assurant les intérêts de la population à travers un plan de développement équitable, harmonisé, et une large décentralisation administrative.
Étant entendu que la mue de la chrysalide en papillon implique que la démocratie parlementaire échange ses haillons contre un costume de bal. Par l'adoption d'une loi électorale fondée sur la proportionnelle, et non plus sur le scrutin majoritaire, aux fins de garantir la représentation des couches négligées de la société. Et, par là, l'authentique représentativité de la Chambre. Sans compter que, comme on le voit de plus en plus, le scrutin majoritaire rend près de la moitié des députés chrétiens absolument tributaires de chefs de file musulmans. Tandis que d'autres, en plein pays chrétien, ne peuvent être élus que grâce à l'apport des voix chiites, sunnites ou druzes, comme à Jbeil, à Baabda, à Aley, à Zahlé ou à Jezzine.
Les sources citées, enfonçant le couteau dans la plaie, soulignent que le plus grave handicap politique des chrétiens libanais réside dans la lutte fratricide que se livrent leurs leaders. D'autant plus nocive que, toujours selon les mêmes personnalités, les chefs d'aujourd'hui montrent globalement bien moins de charisme, de lucidité et de savoir-faire que leurs pendants musulmans. Ce qui n'était pas le cas jadis, du temps de Béchara el-Khoury, de Camille Chamoun, de Fouad Chehab, de Pierre Gemayel, de Raymond Eddé, on en passe et des meilleurs. Actuellement, force est de constater que les pôles chrétiens, loyalistes et opposants confondus, ne mènent pas la barque dans leurs camps respectifs et doivent se contenter de jouer les seconds ou les troisièmes. Comble d'ironie, ils se lancent réciproquement l'accusation de suivisme.
Sur le plan démographique, les estimations varient. Mais, en tout cas, autour d'un plafond ne dépassant pas les 35 % de la population résidente. Cela en raison des vagues successives, et massives, d'une émigration qui, depuis la guerre et la récession, a pris l'allure d'un exode en règle. On peut également penser à un taux de natalité comparativement réduit chez les chrétiens, qui ont perdu leur poids politique d'antan. Le temps où une figure de proue grecque-catholique comme Joseph Skaff pouvait contrer électoralement, dans la Békaa, la stature chiite de Sabri Hamadé est bien révolu. De même pour les Frangié au Nord, face aux Karamé. Ou encore pour Chamoun au Chouf, face à Joumblatt.
Il est important de tenter de rééquilibrer la balance. Dans l'intérêt, du reste, de tout le Liban, pays pluraliste dont seule l'harmonie entre ses composantes peut assurer la stabilité, ou même la viabilité. C'est pourquoi, il faut se tourner vers le riche vivier des émigrés chrétiens. D'une part, en redonnant la nationalité libanaise aux descendants de ceux qui en ont été privés lors du démantèlement de l'empire turc. Ou qui se sont privés eux-mêmes de la double nationalité, en se faisant naturaliser dans les pays hôtes. Et, d'autre part, en autorisant les expatriés ayant atteint les 18 ans à voter in situ.
Mais, répètent les sources citées, il est essentiel que les chrétiens retrouvent, tout d'abord, leur propre équilibre politique interne. Rompu au point que l'on voit les rivalités déchirer nombre de familles. Certains voient, bien à tort, un signe de bonne santé démocratique dans ces fractures, qui relèvent en réalité d'un individualisme forcené contraire à ce sens du collectif vital pour les minorités. En fait, pour être précis, tout est dans la mesure : l'entente interne doit régner sur les constantes nationales, mais dans le respect de la diversité et d'autrui. Car l'unitarisme communautaire ne conduit qu'à une partition larvée, camouflée derrière un paravent fédéral. Abolissant le seul projet, le seul recours, viable : un État pour tous et tous pour l'État.
Les chrétiens libanais, maronites en tête, s'anémient d'année en année. Érosion sur le plan démographique, dévaluation au niveau de la force politique de leurs leaders. Dès lors, des dignitaires religieux et des hommes politiques tirent ensemble ce constat : seul un État fort, bien laïc, peut protéger...

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