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Lifestyle - Hotte d’or

La La La LaLa LaLaLa

C'est une sensation, une perception d'avant que le monde ne soit monde. Il n'y a peut-être pas pire. L'inhumanité de ce sentiment est insoutenable. Ce sentiment est naturellement universel. C'est Ève qui se tord de douleur quand Adam, parti chasser pour qu'elle n'ait plus faim, tarde tellement à rentrer. C'est Richard Burton qui se fracasse dans le bourbon et le vermouth quand Élisabeth Taylor ne se réveille pas près de lui. C'est Phèdre qui se cogne la tête contre le mur jusqu'au sang quand Hippolyte ne la regarde pas, quand dans les yeux de Thésée dont elle ne supporte même plus l'odeur, elle sait qu'il sait combien et comment elle se meurt pour son beau-fils. C'est Donald Duck perclus de rages et de souffrances quand il voit Daisy Duck partir sans se retourner, malles à la main, et grimper en riant à gorge déployée, ses yeux verts plein de strass, dans la décapotable de Gontran Bonheur. C'est Marilyn Monroe qui se bourre de drogue et de calmants, beaucoup de sang sous ses narines, parce que JFK préfère la Maison-Blanche à ses muqueuses. C'est l'empereur Shah Jamal qui passe dix-sept ans à surveiller l'insensée construction, écrasante de marbre blanc, d'un Tãj Mahal dédié à sa femme Mumtaz, morte en couches à 38 ans. C'est un homme, une femme, peu importe, qui n'en peut plus d'être loin de son homme, de sa femme ; qui n'arrive pas à voir plus loin que sa plaie béante, son infortune, qui se laisse glisser, lentement, sûrement, à la lumière d'une flammèche vacillante de quelque bougie au musc blanc, une coupe de Veuve Clicquot désespérément tiède à la main, dans une mortelle mélancolie, dans une folie doucereuse, écœurante parce que trop, tellement trop sucrée, dans un aveuglement durable, des illusions plein les rétines et les tympas et les narines et le bout des doigts et le palais. Ce sentiment est féroce et barbare et dévastateur. C'est le manque absolu, la plus addictive, la plus roublarde des drogues : avoir l'autre dans la peau et l'autre qui s'en fout, qui s'en tape, l'autre qui a oublié, qui a tourné la page, l'autre qui rit et qui aime et qui jouit de nouveau. Et passe à la radio cet Hymne à l'amour (mort) des temps nouveaux, des nouveaux romantiques au teint blafard et aux yeux vitreux, neurones syphilitiques et cœurs tuberculeux ; et passe à la radio ou dans les baffles de quelque i-pod négligemment jeté sur une table basse dans une soirée où tout le monde s'ennuie cet insoutenable I Just Can't Get You Out Of My Head, Kylie Minogue ou Helena Noguerra, quand transperce les tympans, en ricanant, ce La La La LaLa LaLaLa, cet air du rat, et personne, personne pour dire miam-miam.
C'est une sensation, une perception d'avant que le monde ne soit monde. Il n'y a peut-être pas pire. L'inhumanité de ce sentiment est insoutenable. Ce sentiment est naturellement universel. C'est Ève qui se tord de douleur quand Adam, parti chasser pour qu'elle n'ait plus faim, tarde tellement à rentrer. C'est Richard Burton qui se fracasse dans le bourbon et...

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