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II - Les racines du Hezbollah et ses liens avec Téhéran : un tour d’horizon de Saoud el-Mawla

Les prémices du projet du Hezbollah remontent à 1978

« Le projet Hezbollah a commencé à être préparé à partir de 1978, souligne Saoud el-Mawla. En effet, le parti al-Daawa a rendu publique dans les années 75 une fatwa visant à infiltrer le mouvement Amal. Tous les leaders d'al-Daawa qui ont fondé le Hezbollah étaient affiliés à Amal en 1975, du temps de Moussa Sadr. » Cela est mentionné dans le livre de l'un des membres d'al-Daawa, Ali el-Mou'men, sur l'histoire du mouvement islamique en Irak. On retrouve aussi des indications à ce propos dans le livre de Negib Noureddine, proche de cheikh Mohammad Hussein Fadlallah, sur Amal et le Hezbollah au Liban.
« Je suis personnellement au courant de ces faits du fait de mon expérience personnelle, précise Saoud el-Mawla. Celui qui avait transmis d'Irak (au Liban) la fatwa susmentionnée est l'un des responsables d'Amal et du parti al-Daawa. Il a été tué par les Irakiens. Lorsque le parti al-Daawa a commencé à encaisser des coups durs en Irak du temps de Saddam Hussein, les Libanais ont regagné le Liban, à l'instar de cheikh Sobhi Toufeyli ou sayyed Ali el-Amine. C'était des membres du Daawa. Ils sont rentrés au Liban à partir de 1975. Tel est le cas aussi de l'un des grands leaders d'al-Daawa, cheikh Ali Kourani (libanais, l'un des fondateurs du Hezbollah), et de Hussein Kourani (l'un des chefs du Hezbollah), Abbas Moussawi, etc., qui étaient tous membres d'al-Daawa. D'autre part, des étudiants du Daawa (2e génération) se regroupaient à Beyrouth sous l'égide de l'« Union islamique des étudiants », dirigée par Mohammad Hussein Fadlallah : parmi eux Mahmoud Komati, Mohammad Raad, Naïm Kassem, Mohammad Saïd Khansa, etc. »
Force est de relever dans ce cadre que Sobhi Toufeyli est aujourd'hui opposé à la wilayat el-fakih en dépit du fait qu'il faisait partie d'al-Daawa et qu'il a été l'un des fondateurs du Hezbollah, ainsi que sayyed Ali el-Amine. Un grand conflit a éclaté au sein d'al-Daawa sur la wilayat el-fakih. Le Daawa était contre la wilayat el-fakih jusqu'en 81, date à laquelle un congrès de ce parti s'est tenu en Iran. La délégation libanaise comprenait alors Sobhi Toufeyli et Naïm Kassem, notamment. Après ce congrès, le Daawa est devenu trois partis, puis quatre, et aujourd'hui, ils sont sept partis en Irak qui se réclament tous de l'héritage de ce parti.
« En 1979 est apparu donc un État (islamique), un gouvernement (islamique) central, qui s'est infiltré dans les milieux irakiens, libanais etc., rappelle Saoud el-Mawla. Des divergences ont alors éclaté entre les ulémas du Liban. La tendance khomeyniste est apparue au grand jour sur la scène libanaise après 1982. »
« Le mouvement Amal étant un parti chiite, il fallait l'infiltrer et le diriger de l'intérieur, selon la logique d'al-Daawa, souligne M. Mawla. Le Daawa utilise à cet égard la tactique trotskyste dite de l'"entrisme" (infiltration). Notons dans ce contexte que deux des grands leaders du parti al-Daawa en Irak étaient membres du Hezb el-Tahrir sunnite (l'un d'eux est un Libanais de la famille Soubaiti) et deux étaient membres des Frères musulmans. »
« Moussa Sadr était en conflit avec le parti al-Daawa, indique Saoud el-Mawla. Je me rappelle qu'en 1975, lorsqu'il a tenu le congrès fondateur d'Amal, et lorsque le pacte d'Amal a été lu, il a été mentionné qu'Amal se base sur l'islam. Naïm Kassem s'est alors levé et a demandé à Moussa Sadr : "De quel islam vous parlez ?" Et Moussa Sadr lui a répondu : "L'islam selon la conception de Moussa Sadr et non pas selon la conception du parti al-Daawa, ya cheikh Naïm." Cela s'est passé en 1975. »

L'émergence d'Amal islamique
L'objectif d'al-Daawa était donc, manifestement, d'infiltrer Amal dès cette époque... À cette réflexion, Saoud el-Mawla répond sans détours : « Le parti Daawa était la seule organisation militante chiite organisée selon les critères bolchéviques... et Amal est devenu un grand mouvement politique de masse après 1975. Il ne faut pas oublier en outre que l'autre tendance khomeyniste s'est implantée au Liban à partir de 1975 aussi, avec Mohammad Montazari (surnommé Ringo !), Mohammad Saleh Husseini, Ali Akbar Mohtachemi, Mohsen Rafiq Doust, Jalal Farsi, Ahmad Khomeyni, etc., qui étaient dans les rangs de la révolution palestinienne au Liban-Sud. »
« Était présente aussi la tendance iranienne des réformateurs qui ont soutenu Moussa Sadr, tels Mostapha Shomran et Sadeq Qotb Zadeh (tous deux tués en Iran après la révolution), ajoute M. Mawla. Lorsque Amal islamique a été formé en 1982, tous ces gens étaient là, ceux qui ont formé le Hezbollah par la suite. Ils étaient affiliés à Amal et faisaient partie de la révolution palestinienne. Amal islamique a été formé en juin 1982, lorsque Nabih Berry a accepté de s'asseoir à la même table que Bachir Gemayel et Walid Joumblatt, lors de la formation du comité de salut. À l'époque, la Békaa était totalement contrôlée par les Iraniens et du fait de l'invasion de 1982, il n'y avait plus d'État, ni d'armée libanaise, et plus de Amal... »
« En 1985, le Hezbollah a été officiellement formé, poursuit M. Mawla. Entre 82 et 85, nous avons assisté à la consolidation du pouvoir islamique dans la Békaa, avec la radio, le journal, les "hawza", la propagande et l'encadrement révolutionnaire des militants par les Pasdarans, qui sont venus en juin 1982 et ont occupé la caserne de l'armée libanaise de Cheikh Abdallah. Il y avait donc Amal islamique, al-Daawa, les comités islamiques, les comités de soutien à l'Iran, les militants du Fateh, etc. »

De la « marjaaiya » irakienne à la « marjaaiya » iranienne
Et Saoud el-Mawla de poursuivre : « La théorie de Khomeyni n'aurait pas pu réussir s'il n'y avait pas eu un gouvernement islamique en Iran issu d'une grande révolution populaire. Un État pétrolier avec de grandes ressources a pris la relève des Palestiniens, des Irakiens, des Libyens etc., dans deux domaines : la lutte armée au Sud et le renforcement de la société chiite. Mais cette fois avec une idéologie religieuse chiite, plus proche des masses que l'idéologie de la lutte palestinienne ou de la gauche... D'autre part, il y a eu une scission au sein d'al-Daawa, et en 81, le parti al-Daawa, section Liban s'est dissous. Ils ont annoncé en 1982 la dissolution du parti pour former le Hezbollah. Le comité dirigeant du Hezbollah formé par les Pasdarans à Baalbeck, en 1982, groupait sept membres représentant le parti Daawa, Amal islamique, et les différents comités mentionnés plus haut, ainsi que les groupes propalestinniens. »
« Les ulémas sont aussi passés de la "marjaaiya" irakienne de Najaf à la "marjaaiya" iranienne, mais non sans problèmes, précise-t-il. L'imam Chamseddine a combattu jusqu'à sa mort cette tendance. N'oublions pas que le Najaf était sous le joug de Saddam Hussein, ce qui a fait de Qom (avec le soutien de l'État iranien) la nouvelle marjaaiya. »
« Le projet Hezbollah a commencé à être préparé à partir de 1978, souligne Saoud el-Mawla. En effet, le parti al-Daawa a rendu publique dans les années 75 une fatwa visant à infiltrer le mouvement Amal. Tous les leaders d'al-Daawa qui ont fondé le Hezbollah étaient affiliés à Amal en 1975, du...