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II - Les racines du Hezbollah et ses liens avec Téhéran : un tour d’horizon de Saoud el-Mawla

Le Hezbollah et la République islamique iranienne

La grande question que nombre de Libanais se posent souvent est de savoir quelle est la nature exacte et la véritable portée de la relation du Hezbollah avec le régime des mollahs iraniens. Et dans ce cadre, de quelle faction de la République islamique le Hezbollah est-il l'émanation ?
« Le Hezbollah est un mouvement qui a une base libanaise car il est issu de Amal, du parti el-Daawa et des militants qui ont combattu avec les Palestiniens, indique Saoud el-Mawla. Le Hezbollah est aujourd'hui Le parti des chiites par excellence, c'est-à-dire le parti de l'identité et du pouvoir chiites dans un pays confessionnel. En même temps, l'idée d'être un parti iranien trouve un écho favorable chez les chiites (même au niveau de la bourgeoisie traditionnellement occidentalisée) qui n'ont pas eu de soutien extérieur, comme les autres communautés, durant la période ottomane ou du mandat français. Mais le parti est aussi une création des Pasdarans qui suivent l'imam ou le wali-fakih. Il ne faut pas oublier que ce sont les Pasdarans qui ont installé la première base à Baalbeck, laquelle s'appelait "Ochak el-chahada", les "amoureux du martyre". Ils étaient des centaines. Entre 82 et 85, tous les chiites qui étaient contre l'occupation israélienne, qui voulaient résister à l'occupation, ou qui étaient contre Amal, ou contre le régime libanais, qualifié de sectaire, venaient à Baalbeck où ils étaient endoctrinés et entraînés au maniement des armes et des slogans révolutionnaires. Toute la structure et l'organisation du Hezbollah ont été bâtie à cette période, entre 82 et 85, par les Pasdarans. Ces derniers, ceux qui sont venus à l'époque au Liban, faisaient partie des forces du "fawj el-Qods", la brigade de Jérusalem. »
Comment expliquer ce qu'est le Hezbollah libanais dans la logique iranienne ? « Le Hezbollah a expliqué lui-même ce qu'il est, précise M. Mawla. 1) Il se considère comme « le parti de la Révolution islamique au Liban ». Cela est dit textuellement (donc l'équivalent des Pasdarans). 2) Il considère qu'il fait partie de l'armée al-Qods que Khomeyni a commencé à bâtir. 3) Il est un bataillon dans l'armée de Jérusalem. 4) Le Hezbollah affirme que le wali el-fakih est son chef dont le pouvoir s'étend à tous les pays. Tout cela est dit textuellement de la bouche d'Ibrahim Amine el-Sayyed, de Hassan Nasrallah, ou bien de Naïm Kassem dans son dernier livre publié en 2003. »
« Donc le wali el-fakih est un gouvernement politique, c'est l'État iranien, c'est le chef de l'État iranien, qui n'a rien à voir avec la religion et le chiisme pour la grande majorité des "fouqaha" et des ulémas, ajoute M. Mawla. Le Hezbollah a été fondé carrément, par le wali el-fakih, et c'est là un point essentiel. Il a été fondé par une délégation iranienne, les Pasdarans, qui sont venus au Liban sous l'autorité du wali el-fakih qui, seul, a le pouvoir de constituer un parti, un mouvement, dans tous les pays. Il y a eu un Hezbollah en Arabie saoudite, au Koweït, et pas seulement au Liban. C'est donc un parti international, mais il est évident qu'au Liban il a été le plus actif, le plus encadré et organisé, et cela en raison de la situation libanaise confessionnelle et de l'occupation israélienne. »
Et M. Mawla de poursuivre : « Cette période était la période "romantique", celle de l'exportation de la révolution. Les Pasdarans étaient l'outil de l'exportation de la révolution dans tous les pays, et plus particulièrement au niveau du Hezbollah car cela plaçait l'Iran en confrontation avec Israël. À travers le Hezbollah, l'Iran est arrivé en Palestine avec le Hamas et le Jihad islamique. Ils savent qu'il s'agit là de la question qui peut toucher l'Occident. Ils sont sur la frontière avec Israël et peuvent ainsi soulever les masses arabes. Puis il y a eu (dans les années 90) la période de l'iranisation avec Rafsandjani puis Khatami. Les intérêts de l'Iran prévalaient alors. Mais la donne a changé avec l'arrivée d'Ahmadinejad au pouvoir en juin 2005. C'est alors que nous avons assisté à un durcissement de l'attitude du Hezbollah. »

Le tournant de 1992
À la lumière de tout ce qui précède, est-ce que la wilayat el-fakih et le pluralisme sont conciliables ? « Non, ils sont inconciliables, affirme M. Mawla. Avant 92, le Hezbollah se considérait comme un parti qui n'avait rien à voir avec le pouvoir politique libanais. C'était la période de l'exportation de la révolution par les Pasdarans. Cela a duré jusqu'en 92. À partir de 92, il y a eu la conférence de Madrid, la guerre de l'Irak, les bouleversements provoqués par l'effondrement de l'Union soviétique. Il y a eu aussi durant cette période une guerre entre l'Iran et la Syrie au Liban, entre Amal et le Hezbollah. Le changement dans la politique iranienne après 92 a débouché sur la participation du Hezbollah à la vie politique libanaise et aux élections, et sur l'éviction de cheikh Sobhi Toufayli, à l'instigation de Khamenei. Ce changement s'est traduit par un accord entre les Iraniens et les Syriens (l'accord de Damas 2, entre Amal et Hezbollah, supervisé par Wilayati et Assad). En vertu de cet accord, les Iraniens ont obtenu une part dans le pouvoir politique libanais et le Hezbollah a obtenu la poursuite de sa résistance au Sud et l'interdiction de toute autre résistance. Le Sud a ainsi été une chasse gardée pour le Hezbollah. Cheikh Sobhi Toufayli a alors dit que le Hezbollah est devenu un gardien de la frontière israélienne. C'est dans ce cadre, à partir de 92, que le Hezbollah s'est engagé sur la voie du renforcement de son influence dans le système libanais. »
Dans ce contexte, peut-on dire qu'il existe un projet réel d'État islamique au Liban, mené par le Hezbollah ? Ce projet d'État du Hezbollah est-il possible, le Hezbollah a-t-il la conviction qu'il peut mener à bien son projet ? « Nul besoin d'un projet libanais spécifique, souligne sur ce plan M. Mawla. On oublie que pour le Hezbollah, l'État islamique a été instauré en Iran. Il y a donc un État islamique au niveau du "centre". Tout ce qui reste, ce sont des détails. Il faut donc renforcer et défendre cet État islamique, défendre sa politique. Le Hezbollah est donc un avant-poste de l'Iran au Liban. Pour cela on utilise le terme "Saha" et non pas patrie ou nation. Le Liban est une place publique (Saha) et le joueur principal est l'Iran, puis la Syrie.... Au stade actuel, leur idée n'est pas d'installer un État islamique dans tous les pays car il y a un État du Mahdi, et on prépare donc maintenant la venue du Mahdi. C'est donc la révolution continue mais à des phases, à des rythmes différents dans tous les pays. Le Liban est l'arène pour la confrontation avec l'Occident et Israël. »

La wilayat el-fakih, un problème réel et sérieux
« Évidemment, le Hezbollah n'a pas dans l'immédiat un projet d'établissement d'un État islamique, mais la tournure prise par les événements, notamment au plan démographique et politique, va dans ce sens, ajoute encore Saoud el-Mawla. Leur projet (la lettre ouverte du 16 février 1985, laquelle reste le seul document officiel) est basé sur le fait que pour eux, il n'y a pas de Liban, le Liban n'est pas un État indépendant, n'est pas une patrie définitive, n'est pas une nation. Dans le fond, le Hezbollah était contre Taëf, contre la République, et contre la démocratie parlementaire. Ajoutons à cela qu'avec Ahmadinejad, on est dans un danger perpétuel. On est utilisé pour la cause iranienne sacrée, et sur la voie de l'Harmageddon finale et la venue du Mahdi. »
Mais malgré tout, certaines parties minimisent au maximum le problème de la wilayat el-fakih... « La wilayat el-fakih constitue un problème réel pour l'Iran avant tout, puis pour nous, déclare à ce propos M. Mawla. Les Iraniens veulent comme nous la liberté, l'indépendance et la démocratie. La wilayat al-fakih, c'est l'armée islamique pour Jérusalem, c'est les Pasdarans, c'est la révolution islamique continue, c'est le despotisme religieux. Le projet réel c'est un État islamique installé en Iran, et des satellites qui gravitent autour et le protègent. Un peu comme du temps de l'Union soviétique et des partis communistes à l'époque de l'URSS, avec la différence qu'à l'époque, il s'agissait de partis politiques, alors que là, nous sommes en présence d'armées. Minimiser la wilayat el-fakih relève d'un opportunisme aveugle, doublé d'un fascisme ignorant, car il se croit intelligent et fort, utilisant la force chiite pour imposer sa présence », conclut sans détours M. Mawla.
La grande question que nombre de Libanais se posent souvent est de savoir quelle est la nature exacte et la véritable portée de la relation du Hezbollah avec le régime des mollahs iraniens. Et dans ce cadre, de quelle faction de la République islamique le Hezbollah est-il l'émanation ?« Le Hezbollah est un mouvement qui a une base...