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CD, DVD - Un peu plus de...

Foules sentimentales

On pourra dire ce qu'on voudra du public libanais. Qu'il est indiscipliné, bruyant, dissipé. Qu'il intervient, bavarde, commente, arrive trop tard, part trop tôt. On pourra dire ce qu'on voudra, mais on ne pourra pas ne pas accepter le fait que c'est un public extraordinaire. Un public réceptif, passionné, qui vibre à l'unisson. Et ce n'est pas James Blunt qui dira le contraire. À quelques centaines d'heures de la Journée mondiale de la femme - demain plus exactement -, le jeune chanteur anglais a fait trémousser des milliers de jeunes filles (et de jeunes gens également) lors de son passage à Beyrouth. Rien que ça. Elles étaient là, agenouillées, debout, assises, le sourire béat, en larmes, le téléphone à la main et entonnaient en chœur les morceaux de l'interprète de 1973 - belle année. Peu importe si on l'aime ou pas Blunt, peu importent ses morceaux, peu importe si on ne les connaît pas, peu importe James... Au milieu de cette foule unie, il était difficile de ne pas se laisser prendre au jeu, au rythme de ces vagues de mélodies que chacun connaissait sur le bout des doigts. Difficile de ne pas se laisser « emporter par la foule », comme dirait la môme. Cette communion avait un goût de fraîcheur et de spontanéité qu'aucun politique ne pourra jamais susciter. Un parfum d'amour et de symbiose que seuls les artistes parviennent à engendrer. Et cette foule libanaise est contagieuse. Extrêmement contagieuse. Quand elle entonne en chœur et en corps You're Beautiful et que les mains se lèvent, que les briquets s'allument et que James Blunt s'éclipse devant ces femmes, ces filles, ces fans transis d'amour... cette foule sentimentale. Sept mille... Comme les quatre cents subjugués par l'immense Birkin l'année dernière, durant cet exquis voyage « gainsbourien » qu'elle leur avait offert. Comme ces dizaines de milliers de Libanais qui vont boire, suer, onduler leurs corps, jusqu'à pas d'heure, chaque fois qu'un DJ mixe sur ses platines au pays du Cèdre. Comme ces individus qui frémissent lorsque Nawal el-Zoghbi ouvre la bouche. Comme ces quelque 8 000 personnes qui ont éclaté de rire devant les miroirs de Joe Kodeih. Ces femmes tendrement vengées de voir leurs hommes mis en scène, ces hommes stupéfaits et amusés de voir leurs travers mis en exergue par le talent du dramaturge. Une foule aux éclats de rire. Une foule complice. Une foule heureuse d'en prendre pour son grade. Une foule qui se relaie chaque soir depuis deux mois avec cette hilarité communicative face aux impairs de la société à laquelle elle appartient. Une foule masculine qui, sortant de la salle, un rictus aux lèvres, tente tant bien que mal d'échapper à l'œil scalpel de Kodeih dans son désormais cultissime 7ayet elJagal So3bé... Des foules, encore des foules, toujours des foules, ces foules avec soif d'idéal qui clament leur amour pour un Liban libre, souverain, indépendant chaque fois que l'occasion se présente. Cette masse impressionnante de Phéniciens et d'Arabes qui clament en chœur et en corps l'hymne qui leur appartient. Ces foules qui se rueront aux urnes le 7 juin prochain pour que les élus qui les représenteront soient à la hauteur de toutes leurs espérances, de leurs velléités de démocratie, de leurs envies de faire perdurer cette exception libanaise qu'ils chérissent tellement. Cette foule nostalgique des rassemblements d'il y a quatre ans où se fondaient encore avec harmonie les couleurs qui sont l'essence même de ce Liban pluriel, cette Suisse du Moyen-Orient où l'on nage sans se noyer, où l'on se dore au soleil sans se brûler, où l'on parle sans plus avoir peur.... Des foules, encore des foules, toujours des foules, ces foules sentimentales attirées par les étoiles, les voiles. Des voiles qui ramènent les Libanais sur le chemin du retour. Saisonnier, provisoire, définitif. Ces foules qui suivent les modes, vont aux mêmes endroits, font les soldes - au même moment. Aux festivals, aux concerts, au théâtre, aux spectacles, en boîte, sur les pistes, aux restaurants, à la plage. Avec empressement, hâte, bousculade. Comme si le temps devait s'arrêter demain. Cette foule As. Valets de cœur, valets en chœur.
On pourra dire ce qu'on voudra du public libanais. Qu'il est indiscipliné, bruyant, dissipé. Qu'il intervient, bavarde, commente, arrive trop tard, part trop tôt. On pourra dire ce qu'on voudra, mais on ne pourra pas ne pas accepter le fait que c'est un public extraordinaire. Un public réceptif, passionné, qui vibre à l'unisson. Et ce n'est pas...

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