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Culture - Théâtre

Les vannes et les bennes de Rafic Ali Ahmad

La reprise d'un monodrame par Rafic Ali Ahmad est toujours un événement à ne pas rater. Rendez-vous au Monnot avec « Zawarib », mise en scène par Roger Assaf, texte de Mamdouh Adwan, jusqu'au dimanche 1er mars, puis avec « Jorsa »*.

Le problème avec Rafic Ali Ahmad, c'est qu'il est impossible de ne pas s'accrocher à la moindre de ses phrases, de ne pas rigoler à ses boutades, de ne pas s'extasier sur ses dons d'acteur caméléon et de ne pas lancer, au final, « quel charisme ! ». Bref, impossible de ne pas tomber, tout simplement, sous son charme.
Serait-ce le syndrome du Père Noël ? Avec sa barbe toute blanche, ses pommettes hautes, son air généreux, l'acteur, qui vient du Liban-Sud, porte en effet une ressemblance étonnante avec l'homme le plus attendu des petits. Mais là, le Père Noël est loin d'être une ordure. Il se contente en réalité de les ramasser et de les répertorier. Pour mieux en analyser le contenu et comprendre ainsi la manière de vivre de leurs ex-propriétaires.
Avec la reprise de Zawarib au théâtre Monnot (ce soir et demain, dépêchez-vous), on est tenté d'utiliser les formules toutes faites, telles que « Rafic Ali Ahmad n'a pas pris une ride » ou encore « RAA est comme le vin, il se bonifie avec le temps ». Mais le personnage est tellement « électron libre », qu'aucun étiquetage ne lui irait vraiment bien. Il faut le laisser tel quel, hors des modes, des labels et des courants, en liberté. C'est sans doute pour cela qu'il excelle si bien dans le monodrame. De Jarass à Jorsa, en passant par Zawarib, il excelle dans l'art du solo. RAA est un acteur magistral qui a donné au théâtre une nouvelle dynamique.

 

Épluchures d'avocat
La saharienne de l'éboueur lui va si bien. Il change d'accoutrement, devient tantôt juge en endossant un sac poubelle noir, tantôt femme virago en enfilant un tonneau... de poubelle. Puis il devient un gardien alcoolique. Un sourire imperceptible vient rapprocher alors ses sourcils poivre et sel en bataille, traçant sur le front une ligne verticale se contorsionnant au gré des émotions. Ce « zabbel » utilise tous les outils mis à sa disposition - les détritus, les sacs, les bouteilles, les épluchures d'avocat, les assiettes cassées - pour offrir sa propre vision de la société : des services de santé à la sécurité, de la corruption politique aux mœurs, de l'enrichissement illicite, jetant un regard toujours humain, mais sans complaisance, sur les problèmes qui se posent à son pays. Rien ne laisse indifférent cet esprit curieux, qui veille à se forger sa propre opinion et à ne pas se laisser influencer par les modes.
Acteur de premier plan, RAA jouit aujourd'hui d'un statut particulier dans l'univers théâtral et cinématographique, celui d'un homme fort et humain, d'un conteur hors pair qui sait mieux que quiconque mettre son talent exigeant au service de thèmes graves et actuels, tous abordés avec la même audace et le même souci d'impartialité, composant une belle œuvre de réflexion sur les grandeurs et misères de notre temps.

To « zbélé » or not to « zbélé »
Peut-on se jeter soi-même à la poubelle comme on se jette par la fenêtre ? That is the question... Et vivre dans une poubelle, serait-ce une alternative au suicide? Ainsi, la fameuse interrogation pourrait se décliner en cette variante : continuer d'être (dans une poubelle) ou ne plus être ? À première vue, la poubelle est destinée à tout recevoir, sauf un occupant, même si celui-ci est son propriétaire. On peut jeter toutes sortes de choses à la poubelle, par sentiment de leur inutilité, par volonté de faire le ménage, par mesure d'hygiène, pour faire le vide, par dépit, par désespoir, mais il est rare que l'on aille jusqu'à se laisser emporter soi-même par ce mouvement de rejet, d'élimination. Le détenteur d'une poubelle la remplit, la sort, la rentre... D'autres ramassent les poubelles, les vident. C'est le job d'Abou Adnan. Le train de vie d'une maison ou d'un ménage, comme il dit, peut se juger bien mieux encore au contenu de ses poubelles qu'à son décor privé, à son mobilier, à ses objets précieux, à ses biens immobiliers, car ces signes extérieurs de richesse peuvent avoir un caractère illusoire. Parmi tous les objets qu'ils possèdent, seule leur poubelle dit la vérité sur leur situation. Ce que l'on jette à la poubelle est ce que l'on ne reconnaît plus, ce que l'on préfère renvoyer à l'anonymat collectif. Et c'est justement le sort que Adnan et sa femme ont réservé à Abou Adnan. Ils l'ont balancé à la rue, comme on se débarrasse d'un sac... poubelle.
Tout philosophe qu'il est, le « zabbel » a compris depuis longtemps que, comme tout espace de vie sur terre, la poubelle est un lieu de survie. Lorsqu'on habite une poubelle, il y a la tranquillité d'esprit de l'éphémère, du passager : aucune responsabilité, aucun entretien, aucune succession à assumer... La poubelle dit clairement que la vie sur terre est un moment de transit qui, dès le début, dès la naissance, est déjà proche de sa fin, déjà dans l'imminence de devenir déchet de l'être vivant, et la poubelle sait qu'elle n'attend que cela : être un jour ou l'autre vidée et que son contenu soit emporté.

*  « Zawarib, ce week-end dernières représentations, et « Jorsa », du jeudi 12 au dimanche 22 mars. Au théâtre Monnot, à 20h30. Tél : : 01/242022.

Le problème avec Rafic Ali Ahmad, c'est qu'il est impossible de ne pas s'accrocher à la moindre de ses phrases, de ne pas rigoler à ses boutades, de ne pas s'extasier sur ses dons d'acteur caméléon et de ne pas lancer, au final, « quel charisme ! ». Bref, impossible de ne pas tomber, tout simplement, sous son...

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