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Culture - Festival al-Bustan

Des sonates, pour violon et piano, sous tension…

1944. Année de plomb et de guerre. L'humanité est en déroute et un déluge de feu s'abat sur les têtes. Mais la musique, tout en étant témoignage douloureux, est aussi évasion, liberté de penser et lumière.
La musique en temps de guerre à travers des sonates pour violon et piano par trois compositeurs qui ont marqué leur (et le) temps. Des sonates qui témoignent de la violence, de l'émigration et des souffrances, mais aussi qui ouvrent la voie à la liberté, la réflexion et un certain bonheur de vivre et d'espérer.
C'est dans cette optique grave et tendue que se place le concert du Festival al-Bustan, animé par le brillant violoniste Antal Szalaï et la pianiste Éliane Reyes. Au menu, concis et clair, avec des sonorités tout en audaces et éclats modernes, trois sonates témoignant de la folie des guerres, de leur cortège de malheurs, de l'errance humaine, mais aussi de la volonté de vivre, malgré tout, avec un certain sens du bonheur...
Trois frontières, trois histoires en noir et blanc, trois sensibilités exacerbées où Bohuslav Martinu, Bela Bartok et Sergei Prokofiev font vivre, à travers l'archet d'un violon et les cordes d'un clavier, tous les horizons embrasés de la Seconde Guerre mondiale.
Ouverture avec la Sonate pour violon et piano n°3 H303 de Martinu. Quatre mouvements (poco allegro, adagio, scherzo et poco allegro, allegro vivo) où la narration musicale a les contrastes les plus violents, mais aussi la lumière la plus vive.
Mort en exil en Suisse, le compositeur tchèque Martinu livre ici ses lambeaux de souvenirs, alternant le style concertant et les dissonances les plus heurtées.
Fougue, passion, abattement, même une certaine rêverie inquiète et tourmentée dominent ces pages frémissantes de vie où le clavier a des débordements imprévisibles et tonitruants tout comme l'archet à des mélancolies et des déchirements de fin de monde.
On retient surtout ce splendide «scherzando» tout en tonalités vives et dynamiques, faisant ressortir la grande maîtrise du violoniste dont la virtuosité est à couper le souffle.
Pour rester dans le ton de la virtuosité, la Sonate pour violon seul SZ 117 de Bela Bartok, qui prend le relais, est saisissante de difficultés techniques. Et de virtuosité, de bout en bout. Avec ses quatre mouvements (tempo di ciaccona, fuga, mélodie, presto) profondément nuancés, cet opus n'en est pas moins marqué par des tonalités drues, arides et sèches.

Tristesse puis espoir
L'esprit de Yehudi Menuhin est passé sur ces pages. Il flotte sur ces lignes mélodiques tendues et nerveuses, entre pizzicati et cadences accélérées, des moments d'extrême bravoure. Modulations parfois d'une tristesse à fendre la pierre pour cet opus âpre et aux variations déroutantes. Aussi magnifique et émouvant qu'une partita de Bach où le violon se lamente, se tord et s'illumine dans sa superbe solitude, tandis que l'archet cravache, racle et très rarement caresse...
Une brillante et remarquable performance, admirablement assumée par le jeune violoniste Antal Szalaï.
Après l'entracte, pour conclure, la Sonate pour violon et violon n°2 de Prokofiev. Quatre mouvements (moderato allegro, scherzo, andante et allegro con brio, rondo finale) pour traduire tout l'isolement et l'espoir en de lendemains meilleurs de celui qui mit en musique les battements de cœur des amants de Vérone... Un opus initialement écrit pour la flûte mais qui, par la grâce de l'inspiration, se transforme en coups d'archet pour David Oistrakh et en accords de claviers pour Lev Oborin.
Entre exubérance et volubilité comme une tendre influence « moussorgskienne » et un scherzo bondissant, se déploie cette sonate à l'andante simple et serein, pour finir en apothéose sur un rondo d'une décoiffante énergie menée à une vitesse d'enfer...
Salve d'applaudissements d'un public très happy few et salut des artistes.
En bis, cet immortel et toujours plaisant Summertime de Gershwin transcrit justement au violon par Heifiz, l'un des maîtres absolus de la « boîte de l'errance », en 1944 !
Une fois de plus, c'est cette année de guerre, cette date charnière, entre ombre et lumière, qui aura mené la ronde des notes...
Par-delà les lumineuses images d'un champ de coton et de poissons frétillants dans la rivière, ce Summertime est toujours un vrai baume sur le cœur... Une soyeuse prolongation d'une magie impalpable...
La musique en temps de guerre à travers des sonates pour violon et piano par trois compositeurs qui ont marqué leur (et le) temps. Des sonates qui témoignent de la violence, de l'émigration et des souffrances, mais aussi qui ouvrent la voie à la liberté, la réflexion et un certain bonheur de vivre et d'espérer.C'est dans cette...

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