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Liban - Éclairage

Les craintes des uns et la confiance des autres...

La petite phrase du patriarche maronite sur les dangers que représenterait pour le pays une victoire du camp dit du 8 Mars aux prochaines législatives a provoqué une véritable tempête dans les milieux politiques de l'opposition. Le 14 Mars applaudit bien sûr et estime que Mgr Sfeir a exprimé tout haut ce que beaucoup craignent tout bas. Par contre, du côté de l'opposition, on considère que cette fois le chef de l'Église maronite a été trop loin et qu'il a clairement pris position pour un camp contre l'autre.
Mais au-delà de la polémique politique, destinée à alimenter les campagnes électorales qui démarrent en trombe, il serait bon d'étudier dans le détail les craintes des uns et les arguments des autres.
En présentant la prochaine échéance électorale comme un enjeu crucial, le camp du 14 Mars laisse entendre qu'une éventuelle victoire de l'opposition aurait des conséquences très graves pour le pays. Lorsqu'on cherche à entrer dans les détails, les sources proches de ce camp précisent d'abord que cela équivaudra à une victoire du camp prosyrien et donc à un retour direct ou non de l'influence syrienne au Liban. Les structures existent encore et les cellules n'ont pas encore été totalement démantelées. Il sera donc très facile de les réactiver et le Liban sera de nouveau placé d'une façon ou d'une autre sous la tutelle de Damas.
Même si le danger est amplifié pour les besoins de la mobilisation électorale, il reste un fond de réalité dans cette crainte si on considère que le Hezbollah et le CPL, pour parler des plus grandes formations de l'opposition, n'ont aucune autonomie par rapport à la Syrie. En tout état de cause, le retour en grâce de la Syrie sur le plan régional et international semble se préciser et il est certain que la position du régime de Damas est bien plus confortable aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a trois ou quatre ans. Mais de là à affirmer qu'une victoire de l'opposition signifie un retour à l'ère de la tutelle, il y a quand même un grand pas que l'on ne peut franchir aussi facilement. Les temps ont changé et la Syrie sans doute aussi a changé puisque la plus grande partie de ceux qui géraient le dossier libanais à l'époque de la tutelle ne sont plus aux commandes du pouvoir. De plus, comme l'a dit le général Aoun lorsqu'il s'est rendu au Congrès américain pour témoigner contre la Syrie dans le cadre de la « Syria Accountability Act » en 2003, ce sont les Américains qui ont permis à la Syrie d'occuper le Liban et ce sont eux qui lui ont dit de partir... Rien n'indique pour l'instant que la nouvelle administration américaine est sur le point de donner un nouveau feu vert à Damas pour intervenir dans les affaires du Liban.
La seconde crainte réside dans le fait qu'une victoire de l'opposition signifierait que le Liban est placé dans l'axe syro-iranien face aux « modérés arabes » et que tous les facteurs d'une nouvelle aventure militaire contre Israël seraient réunis. Adieu les rêves de l'édification d'un État moderne, le désarmement du Hezbollah et autres considérations qui pourraient faire du Liban un pays comme les autres.
L'opposition se contente de répondre que les armes du Hezbollah ne dépendent pas d'une victoire électorale, mais de la situation régionale. Pour faire la paix, il faut être deux et rien n'indique pour l'instant qu'Israël est en train d'adopter une voie pacifique, surtout après les résultats des élections législatives de mardi, la droite, dans ses deux grandes formations, ayant remporté la majorité des sièges avec un programme qui est aux antipodes du processus de paix. Par conséquent, comment pourrait-on songer au Liban à renoncer à la résistance, alors que la menace israélienne est devenue plus importante à cause des nouveaux développements ?
De toute façon, l'opposition affirme que si c'est la majorité actuelle qui remporte les élections, elle exigera d'obtenir le tiers de blocage au gouvernement et par conséquent, les grandes décisions ne pourront pas être prises sans son aval. On se retrouvera donc dans une situation qui ressemble beaucoup à celle qui existe actuellement, avec toutefois une volonté des deux côtés de relancer les institutions de l'État. De même que si c'est elle qui l'emporte, elle serait prête à accorder le tiers de blocage à la nouvelle opposition et le pays se retrouvera dans une situation proche de celle qu'il vit actuellement avec toutefois une sérieuse volonté de lutter contre la corruption.
La troisième crainte formulée par le 14 Mars porte sur le tribunal spécial pour le Liban. S'il est vrai que la responsabilité de celui-ci est désormais entre les mains de l'ONU et que plus rien ne peut l'entraver, l'opposition, si elle est élue, peut quand même multiplier les obstacles. Elle pourrait par exemple refuser d'envoyer au siège du tribunal des témoins convoqués ou même des suspects que la cour souhaiterait interroger. Qui serait alors en mesure d'exécuter les mandats d'amener internationaux, surtout si le ministère de la Justice échoit à un membre du camp du 8 Mars ?
De son côté, l'opposition minimise ces craintes et estime qu'elles sont prématurées. Comment poser ces questions alors que rien ne filtre sur l'orientation de l'enquête internationale et la piste retenue ? L'opposition est convaincue que l'on cherche à effrayer les citoyens pour les pousser à voter en faveur du 14 Mars, mais elle rappelle que si elle remporte les élections, elle n'a nullement l'intention de mettre le pays au ban des nations, mais au contraire de renforcer les institutions étatiques.
La liste des craintes pourrait encore s'allonger et on peut retenir la crainte que les pays occidentaux et l'Arabie saoudite refusent d'aider économiquement le Liban. Mais la France a déjà annoncé qu'il n'y a aucune crainte à avoir à ce sujet. Quant à l'Arabie saoudite, rien n'indique qu'elle pourrait choisir de punir tous les Libanais...
Les deux camps peuvent encore discuter longtemps, mais veulent-ils réellement aboutir à des conclusions ou s'agit-il simplement d'arguments électoraux ?
La petite phrase du patriarche maronite sur les dangers que représenterait pour le pays une victoire du camp dit du 8 Mars aux prochaines législatives a provoqué une véritable tempête dans les milieux politiques de l'opposition. Le 14 Mars applaudit bien sûr et estime que Mgr Sfeir a exprimé tout haut ce que beaucoup craignent tout bas....

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