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Actualités - ANALYSE

Analyse Les défis de la présidence tchèque de l’Union européenne

Karine JAMMAL La République tchèque a pris, le 1er janvier 2009, la présidence tournante de l’Union européenne. Après une présidence française « hyperactive », comment se profile celle de Prague ? Bruno Cautrès, chercheur CNRS, analyse pour « L’Orient-Le Jour » les obstacles que devra affronter ce petit pays. Depuis le 1er janvier 2009, la République tchèque a succédé à la France à la tête de l’Union européenne et ce pour six mois. Mais les Tchèques ont bien du mal à convaincre les Européens que leur très eurosceptique président, Vaclav Klaus, ne sapera pas l’élan donné à l’Europe par la présidence française de Nicolas Sarkozy. Il y a beaucoup d’interrogations de la part des observateurs sur cette nouvelle présidence, « en particulier après l’hyperactivisme de M. Sarkozy », estime Bruno Cautrès. La présidence de Prague se met en place dans des « conditions beaucoup plus difficiles que celles de la France », explique ce chercheur ayant participé à des études françaises ou européennes portant sur la participation politique. La République tchèque, pays de 10 millions d’habitants entré dans le bloc européen en 2004, assurera sa première présidence de l’UE avec un gouvernement « très faible ». Prague doit, par ailleurs, faire face à « l’impasse institutionnelle et régler la question du traité de Lisbonne, et cela ne s’avère pas facile, notamment en raison des positions antieuropéennes du président tchèque », ajoute-t-il. « Le Premier ministre, Mirek Topolanek, est également eurosceptique, mais il est plus pragmatique. Il est avec le Conseil constitutionnel et pour une ratification du traité de Lisbonne », poursuit le spécialiste. Mais il n’y a pas de majorité parlementaire sur la question en République tchèque. Seules l’Irlande et la République tchèque n’ont pas ratifié le traité de Lisbonne, la première est d’accord pour organiser un nouveau vote en 2009 et la seconde devra faire face à un vote risqué de son Parlement sur la question le 3 février prochain. Le Premier ministre Topolanek a récemment déclaré que le « traité de Lisbonne n’est pas une priorité de la présidence tchèque ». Il serait légitime de se poser des questions, mais « il serait étonnant que la République tchèque puisse faire l’impasse sur la crise institutionnelle », estime M. Cautrès. Autre défi majeur pour Prague, la crise économique. Sur ce plan également, la présidence de l’UE s’avère plus difficile, surtout que « la République tchèque n’est pas encore membre de la zone euro », explique le spécialiste. Prague a d’ailleurs d’ores et déjà répété à l’intention des autres pays membres qu’il ne faut pas s’attendre à de grandes choses d’un petit pays. Bouclier antimissile et relations avec la Russie La présidence tchèque devra en outre faire face à un autre défi. Alors qu’en août dernier une guerre opposait la Russie à la Géorgie, le Sénat tchèque a approuvé le 27 novembre, par 49 voix sur 81, l’accord bilatéral signé par Prague et Washington en vue du déploiement du bouclier antimissile américain sur le sol tchèque. Ce système est destiné, selon Washington, à empêcher d’éventuelles attaques de pays « voyous » comme l’Iran. Ce projet a suscité la colère de Moscou qui y voit une atteinte à sa sécurité et a menacé de placer des missiles Iskander dans l’enclave russe de Kaliningrad, qui se trouve aux portes de l’Europe. La Russie a d’ailleurs demandé au président élu des États-Unis, Barack Obama, de revoir le dossier du bouclier. « Est-ce que la République tchèque va essayer d’utiliser la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) pour faire entendre sa voix sur le sujet ? » se demande M. Cautrès. Cette décision pourrait « compliquer les relations entre la Russie et l’Union européenne », renchérit le spécialiste, « déjà que Prague et Moscou ont un passé difficile », poursuit-il. De plus, il existe des querelles au sein du gouvernement tchèque à ce propos et la majorité de centre droit (ODS) fait face à une opposition de plus en plus forte. Si l’on peut donc s’attendre à des difficultés sur le plan diplomatique au cours de cette présidence, « il ne faut pas oublier un point important, la présidence tchèque de l’UE est courte, elle ne dure que six mois, et les Russes sont réalistes », estime le chercheur. Relations avec les États-Unis La présidence tchèque devrait également être marquée par l’atlantisme. L’une de ses priorités est l’organisation, au premier semestre 2009, d’un sommet des 27 dirigeants européens avec le futur président des États-Unis, Barack Obama. Traditionnellement, seule la présidence de l’UE et non tous les États membres, participe aux sommets annuels UE-USA qui ont lieu, alternativement, au sein de l’Union et aux États-Unis. Le dernier a eu lieu au premier semestre 2008 en Slovénie. Le climat général est de redémarrer une nouvelle relation avec Washington. « Mais au fond, l’Europe ne connaît pas encore Obama. Il a certes affiché des choix différents de George W. Bush, mais les États-Unis ont une certaine constante dans leur diplomatie. Peut-être que l’Union européenne va découvrir que le nouveau président est tenu par les lignes fortes traditionnelles de la diplomatie américaine », estime M. Cautrès. « C’est un nouveau climat, il faut attendre pour voir comment vont se développer les choses, comment Hillary Clinton va tenir son nouveau poste de secrétaire d’État », poursuit le chercheur. Par ailleurs, la relation avec les États-Unis n’est pas que politique, elle est « avant tout économique », rappelle Bruno Cautrès. Nouvelles adhésions ? Outre le renforcement des liens euro-atlantiques, M. Topolanek place en « priorité absolue » l’intégration européenne de l’ouest des Balkans et le renforcement du partenariat avec les pays de l’Est. « Il faut raviver l’enthousiasme de l’élargissement » pour permettre à la Croatie de rejoindre l’UE, « puis inspirer la Serbie et les autres pays de l’ex-Yougoslavie », a-t-il souligné. Avec leur histoire et leur position géographique, les Tchèques comptent aussi favoriser un rapprochement avec les pays ex-soviétiques (Ukraine, Belarus, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie et Moldavie) en lançant le nouveau partenariat oriental par un grand sommet, comme le fut l’Union pour la Méditerranée. Concernant l’adhésion de la Turquie, Prague y est favorable. Mais sur cette question, « il y a une distance entre les citoyens et les dirigeants », explique M. Cautrès. « L’adhésion de la Turquie n’est pas une priorité en raison de la crise économique », poursuit Bruno Cautrès, « Prague va plutôt s’occuper des Balkans occidentaux », conclut-il.
Karine JAMMAL

La République tchèque a pris, le 1er janvier 2009, la présidence tournante de l’Union européenne. Après une présidence française « hyperactive », comment se profile celle de Prague ? Bruno Cautrès, chercheur CNRS, analyse pour « L’Orient-Le Jour » les obstacles que devra affronter ce petit pays.

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