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Actualités - OPINION

Pour la justice surtout Nadine MOUSSA

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’on se plaignait devant lui de la destruction quasi totale du pays, Winston Churchill s’inquiéta de la condition de l’institution judiciaire. Pour commenter ensuite, lorsqu’on le rassura que la magistrature se portait toujours bien : « Alors si la justice fonctionne encore bien, tout peut être reconstruit. » Ce grand homme était fort conscient du rôle primordial et indispensable de l’autorité judiciaire dans tout projet de mise sur pied d’un État de droit. Aujourd’hui, avec le nouveau pouvoir en place dans notre pays, renaît chez les Libanais l’espoir de la réhabilitation nécessaire de l’État. S’il est certes impératif que notre pays se dote au plus vite d’autorités constituées, il n’en demeure pas moins vital de compter parmi nos priorités nationales la consolidation du pouvoir judiciaire et la réactivation de son rôle en tant qu’autorité indépendante et impartiale. Le juge est investi d’une mission fondamentale et démocratique, celle de rendre la justice au nom du peuple. Il est quotidiennement confronté à de nombreuses difficultés notamment au regard de son impartialité, de son indépendance. L’indépendance du juge constitue un principe essentiel et une garantie pour tous les justiciables, y compris pour les juges eux-mêmes. Elle est aussi une condition de l’impartialité, essentielle pour la crédibilité et la confiance que doivent inspirer notre système judiciaire. Nos magistrats libanais, qui n’ont rien à envier en matière de compétence et de savoir à leurs collègues dans les démocraties florissantes, se veulent irréprochables, dignes, intègres, loyaux, réservés. Encore faut-il leur donner les moyens de pouvoir l’être. Or, leurs conditions de vie, de travail, de retraite sont très insuffisantes, pour ne pas dire choquantes, et bien inférieures à celles octroyées aux magistrats dans les démocraties occidentales. Il serait donc nécessaire de les améliorer considérablement en consacrant le budget adéquat pour ce faire, ce qui est loin d’être une dépense supplémentaire mais devrait plutôt être considéré comme un investissement indispensable. Par ailleurs, les garanties essentielles de dignité et d’indépendance des juges ne doivent pas être sacrifiées du fait de la soumission de leur condition au droit commun de la fonction publique. Notre système juridique se doit donc de protéger les magistrats contre les abus des gouvernants, les menaces et l’arbitraire du pouvoir, qu’il s’agisse de faveurs imméritées ou de mesures « punitives » telles qu’un déplacement, une révocation, ou un retard dans l’avancement… Une simple et brève mention dans la Constitution ne suffit pas pour assurer cette protection. Une fois que nos juges bénéficieront d’une indépendance accrue et réelle, on pourra alors en contrepartie attendre d’eux une prise de conscience de l’exemplarité que suppose leur fonction. De même, les pouvoirs du juge étant étroitement liés aux valeurs de justice, de vérité et de liberté, celui-ci ne peut contraindre les citoyens à respecter les valeurs fondamentales de la démocratie s’il ne le fait pas lui-même. Ceci s’applique notamment aux libertés d’expression et d’opinion constitutionnellement reconnues et proclamées. Loin de vouloir risquer une quelconque atteinte à l’autorité au crédit et au prestige de la justice, nous pensons qu’à notre époque, le silence gardé à propos d’erreurs commises, s’il y en a, ne les préserve plus. Bien au contraire la crédibilité de la justice et la confiance qu’elle devrait inspirer doivent actuellement être fondées sur la transparence permettant à tout citoyen de vérifier que les fautes révélées sont réellement et proportionnellement sanctionnées. Ce n’est pas en dissimulant les erreurs possibles qu’on sauvegarde ou maintient le mythe du juge irréprochable. Pour ce faire, il faut mettre en place un ensemble de réformes et, plus encore, il faut avoir une vision de la justice que le Liban devrait et pourrait avoir. Cette vision existe et le visionnaire aussi. En effet, nonobstant nos penchants ou sympathies politiques, on ne peut que se féliciter en tant que juristes, du choix de notre actuel garde des sceaux, le Dr Ibrahim Najjar (à qui nous souhaitons tous un prompt rétablissement) et qui dès les premiers moments de son investiture a clairement exprimé sa volonté de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et de dissocier la justice du politique, ainsi que son attachement à la préservation de la dignité et du crédit de la magistrature tout en respectant les libertés fondamentales. On peut s’attendre du ministre Najjar, illustre professeur de tant d’avocats et de juges et dont le talent supérieur et la renommée sont indiscutables, d’être à la hauteur de cette difficile mission et confirmer être la personne qu’il faut à la place qu’il faut. Pour la justice surtout. Espérons que cela devienne coutume dans tous les postes de l’État. Nadine MOUSSA Avocate Article paru le mercredi 21 janvier 2009
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’on se plaignait devant lui de la destruction quasi totale du pays, Winston Churchill s’inquiéta de la condition de l’institution judiciaire. Pour commenter ensuite, lorsqu’on le rassura que la magistrature se portait toujours bien : « Alors si la justice fonctionne encore bien, tout peut être reconstruit. »
Ce grand...